Vu l'arrêt avant dire droit en date du 5 juin 2014 par lequel la Cour de céans a ordonné une expertise avant de statuer sur les conclusions de la requête de Mme B... A...tendant, d'une part à l'annulation du jugement du 7 juin 2013 du Tribunal administratif de Melun, d'autre part à la condamnation du Centre hospitalier général Léon Binet à lui verser la somme de 183 359,37 euros, déduction faite de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, en réparation des préjudices patrimoniaux qu'elle a subis à la suite de l'opération du 8 septembre 2008, et la somme de 102 900 euros, en réparation de ses préjudices personnels, enfin, à la mise à la charge du Centre hospitalier général Léon Binet le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens ;
Elle soutient que :
- pour rejeter sa demande indemnitaire, le tribunal n'a pris en considération que le rapport d'expertise retenant la thèse d'un aléa thérapeutique, alors que ce rapport présente de sérieuses contradictions et que ses constatations quant à une dissection trop proche de la vessie et conduite dans un mauvais plan, ainsi que l'absence d'interposition du grand épiploon sont peu compatibles avec ses conclusions quant au respect des règles de l'art ;
- la réponse de l'expert quant à la compétence du docteur De Souza pour effectuer cette opération est peu convaincante dès lors qu'il n'hésite pas à indiquer que la formation urologique de ce dernier est très sommaire ;
- la fistule résultant de l'acte opératoire n'était pas inévitable et ne résulte ni d'une anomalie ni d'une fragilité particulière de la patiente ;
- les éléments du dossier ne permettent pas d'assimiler cette maladresse dans le geste opératoire à un aléa chirurgical et le tribunal a commis une erreur d'appréciation ;
- au titre des dépenses de santé, il appartiendra à l'organisme social payeur de faire connaître sa créance ;
- au titre des pertes de gains professionnels passés, elle justifie, sur la base d'un salaire net imposable de 643,44 euros mensuels en moyenne, d'une perte de 8 364,72 euros pour la période du 8 septembre 2008 au 1er juillet 2009 dont il convient de déduire les indemnités journalières de sécurité sociale ;
- au titre des pertes de gains professionnels futurs à compter du 1er juillet 2009 jusqu'à la décision à intervenir, ce préjudice s'élève à 9 651,16 euros pour 15 mois et à 21 414 euros pour la période courant à partir de cette décision ;
- au titre du déficit fonctionnel temporaire, l'indemnisation devra s'élever à 14 300 euros ;
- au titre des souffrances endurées, l'indemnisation devra s'élever à 35 500 euros ;
- au titre du déficit fonctionnel permanent, l'indemnisation devra s'élever à 14 300 euros ;
- au titre du préjudice d'agrément, l'indemnisation devra s'élever à 15 000 euros ;
- au titre du préjudice esthétique temporaire, l'indemnisation devra s'élever à 7 000 euros et à 4 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 février 2014, présenté pour le Centre hospitalier Léon Binet par Me D... qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- contrairement à ce que soutient l'appelante, la description des actes chirurgicaux par l'expert ne constitue pas une critique et ces actes ne sont pas assimilés à une faute technique ;
- contrairement à ce que soutient l'appelante, les experts ne se sont pas contredits en admettant que la survenance de la plaie était constitutive d'un aléa chirurgical ;
- ils signalent que l'hystérectomie a été pratiquée " selon un technique habituelle " et que le docteur de Souza a prodigué à la patiente des " soins diligents, attentifs et conformes aux règles de l'art " ;
- la requête n'apporte aucun moyen de nature à contester l'opinion des experts selon laquelle, même effectuées dans les règles de l'art, les hystérectomies sont susceptibles de provoquer des plaies par voies urinaires et que cet aléa chirurgical connu est chiffré entre 0,3 et 1,8% dans les notices d'information distribuées aux patientes ;
- les experts ne critiquent pas la pertinence de la méthode de réparation de la plaie au cours de l'opération, mais se bornent à exposer une solution alternative ;
- l'appelante ne démontre pas que le docteur de Souza n'était pas habilité à pratiquer l'intervention litigieuse alors qu'il en pratique une vingtaine par an depuis 2006 ;
- subsidiairement, la demande au titre de la perte de gains professionnels sera rejetée faute de chiffrage au titre de la période comprise entre le 8 septembre 2008 et le 1er juillet 2009 ;
- en tout état de cause, il n'y a pas lieu de prendre en compte les arrêts de travail antérieurs à l'opération et ceux antérieurs au 8 octobre 2008 dès lors qu'un arrêt de travail d'un mois aurait été nécessaire même en l'absence de survenance de l'aléa ;
- les experts ont précisé une reprise d'activité le 28 avril 2009, ce qui permet d'écarter la période du 28 avril 2009 au 1er juillet 2009 ;
- l'appelante ne produit pas tous les justificatifs nécessaires puisqu'elle ne produit pas son contrat d'accompagnement à l'emploi dont on ne connaît pas l'échéance ;
- elle ne justifie pas de pertes de revenus futurs ni d'un déficit permanent dès lors qu'il est clairement établi par l'instruction qu'elle ne présente aucune séquelle ;
- elle ne justifie pas davantage de la somme demandée au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
- la somme au titre des troubles dans les conditions d'existence doit être minime ;
- la somme allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire ne saurait être supérieure à 1 631 euros pour les périodes d'hospitalisation et pour un déficit évalué à 50% pendant les périodes d'arrêt de travail ;
- la demande au titre des souffrances endurées évaluées à 3/7 est excessive et ne pourrait excéder 2 700 euros ;
- le préjudice esthétique permanent évalué à 1/7 ne peut être indemnisé au-delà de 700 euros ;
- l'existence d'un préjudice d'agrément n'est pas démontré ;
Vu le rapport d'expertise du docteur Bernard Denis déposé le 22 octobre 2014 ;
Vu l'ordonnance du président de la Cour en date du 3 novembre 2014 taxant et liquidant les frais de l'expertise à la somme de 2 053 euros ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2015 :
- le rapport de Mme Julliard, première conseillère,
- et les conclusions de M. Roussel, rapporteur public ;
1. Considérant que Mme A...née le 25 juin 1964 et âgée de 42 ans à l'époque des faits, a subi le 8 septembre 2008 une hystérectomie par voie haute au Centre hospitalier général Léon Binet de Provins au cours de laquelle s'est produite une lésion de la vessie qui a été immédiatement suturée ; qu'après plusieurs consultations pour des douleurs et écoulement au niveau de la cicatrice ainsi que des saignements et des fuites urinaires, une fistule vésico-vaginale a été mise en évidence par urographie intraveineuse réalisée le 6 novembre 2008 à la clinique Saint-Brice de Provins et une cure chirurgicale a été effectuée le 1er décembre 2008 dans cet établissement ; que, toutefois, une récidive de la fistule vésico-vaginale a été décelée par une cystographie rétrograde et mictionnelle réalisée le 12 janvier 2009 et une nouvelle réparation rendue nécessaire le 10 mars 2009 ; que Mme A...a présenté le 16 mars 2009 au Centre hospitalier général Léon Binet, une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables résultant pour elle de l'intervention subie le 8 septembre 2008 dans cet établissement ; qu'elle a saisi le 3 juillet 2009 le Tribunal administratif de Melun d'une requête visant à la condamnation du Centre hospitalier à lui verser la somme de 183 359,37 euros, déduction faite de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, en réparation des préjudices patrimoniaux qu'elle a subis à la suite de l'opération du 8 septembre 2008, et la somme de 102 900 euros, en réparation de ses préjudices personnels ; que par un jugement du 22 juillet 2011, le tribunal a sursis à statuer sur les conclusions de la requête afin de faire procéder à une expertise, dont le rapport a été déposé le 12 juillet 2012 ; que, par une requête enregistrée le 9 août 2013, Mme A...a relevé appel du jugement du 7 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que s'estimant insuffisamment éclairée sur l'adaptation des techniques opératoires à l'état initial de la patiente et en cours de l'intervention du 8 septembre 2008, la Cour a ordonné, par un arrêt avant dire droit du 5 juin 2014, une nouvelle expertise dont le rapport a été déposé le 22 octobre 2014 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) " ;
3. Considérant que Mme A...soutient que pour rejeter sa demande indemnitaire, le tribunal n'a pris en considération que le rapport d'expertise retenant la thèse d'un aléa thérapeutique dans la survenance de la lésion de sa vessie à l'origine de ses préjudices, alors que ce rapport présente de sérieuses contradictions et que ses constatations quant à une dissection trop proche de la vessie et conduite dans un mauvais plan, ainsi que l'absence d'interposition du grand épiploon, sont peu compatibles avec ses conclusions quant au respect des règles de l'art ; qu'elle soutient que la fistule, qui est la conséquence de l'acte opératoire, n'était pas inévitable et ne résulte ni d'une anomalie ni d'une fragilité particulière ; qu'enfin, le tribunal a commis une erreur d'appréciation en assimilant cette maladresse dans le geste opératoire à un aléa chirurgical ;
4. Considérant, toutefois, qu'il résulte du second rapport d'expertise, établi par le docteur Denis et dont Mme A...n'a pas contesté les conclusions, que la déchirure vésicale dont elle a été victime au cours de l'hystérectomie par voie abdominale qu'elle a subie le 8 septembre 2008, est une complication connue qui survient chez 0,5 à 5% des patientes malgré l'observance de bonnes pratiques et qui s'est produite alors qu'elle ne présentait pas de risques opératoires particuliers mais qui a pu être favorisée par des adhérences en rapport avec l'antécédent de césarienne subie par la patiente en 1986 ; que cette déchirure a été immédiatement repérée et suturée conformément aux bonnes pratiques par un praticien qualifié dont la compétence est établie ; que le second expert exclut la maladresse du chirurgien dans la survenue du dommage et conclut que rien ne permet d'établir un quelconque manquement de sa part aux bonnes pratiques chirurgicales ; que les conclusions du docteur Denis confirment celles du premier rapport d'expertise, tant sur la qualification " d'aléa chirurgical " de la déchirure vésicale, que sur la pertinence de la méthode de réparation de cette plaie au cours de l'opération et que sur la compétence du chirurgien, dont les soins ont été qualifiés de " diligents, attentifs et conformes aux règles de l'art ", concluant également sans ambiguïté à l'absence de faute imputable à ce praticien ; que par suite, Mme A...n'est pas fondée à demander réparation au Centre hospitalier général Léon Binet de Provins des conséquences dommageables de l'opération qu'elle y a subi le 8 septembre 2008 ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les frais d'expertise :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 053 euros à la charge définitive du Trésor public ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les frais d'expertise sont mis à la charge définitive du Trésor public.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne, au Centre hospitalier Léon Binet et à la Société hospitalière d'assurances mutuelles. Copie en sera adressée au docteur Bernard Denis, expert.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bouleau, premier vice-président,
- M. Polizzi, président assesseur,
- Mme Julliard, première conseillère,
Lu en audience publique, le 6 février 2015.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
M. BOULEAU
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 10PA03855
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N° 13PA03179