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19/03/2015 | FRANCE | N°13PA00340

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 19 mars 2015, 13PA00340


Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2013, présentée pour la société Servinco, dont le siège est 10-12 rue du Moulin des Prés à Paris (75013), par Me Nathoo, avocat ; la société Servinco demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1115284 du 26 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007, d'autre part, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réc

lamé pour la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, ainsi que de...

Vu la requête, enregistrée le 25 janvier 2013, présentée pour la société Servinco, dont le siège est 10-12 rue du Moulin des Prés à Paris (75013), par Me Nathoo, avocat ; la société Servinco demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1115284 du 26 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007, d'autre part, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la réduction de ces impositions et pénalités ;

Elle soutient que :

- la méthode du service pour déterminer le montant des rectifications portant sur des prétendues minorations de recettes au titre des exercices clos en 2006 et 2007, à concurrence respectivement des sommes de 429 238 euros et 74 950 euros, est injustifiée, le vérificateur, qui ne prend pas en compte le total des comptes clients comptant présentant des soldes débiteurs et affirme à tort que le total des soldes créditeurs correspond à des prestations non facturées ou à un passif injustifié, faisant une analyse très sommaire de la situation de la société et n'entrant pas dans l'organisation comptable de l'entreprise pour comprendre sa spécificité ;

- est également injustifiée la taxation du solde du compte " client au comptant " constaté au 1er janvier 2006, taxation qui remet en cause le bilan de clôture d'un exercice prescrit ;

- le solde des comptes " clients au comptant " en 2006 et 2007 a, à tort, été soumis globalement à la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'il ne s'agissait pas de recettes non déclarées et que le service n'a pas individualisé les prestations non soumises à cette taxe ;

- s'agissant de cette rectification, le service ne lui a pas permis de se défendre utilement au cours du contrôle ;

- l'application des pénalités pour manquement délibéré n'est pas justifiée en ce qui concerne les rectifications portant sur la taxe sur la valeur ajoutée et l'impôt sur les sociétés ;

- la motivation des pénalités pour manquement délibéré appliquées aux rectifications portant sur l'impôt sur les sociétés est insuffisante ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2013, présenté par le ministre des finances et des comptes publics qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- les rectifications notifiées sont suffisamment motivées au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- les soldes créditeurs des comptes clients constatés par le vérificateur sont révélateurs d'omissions de recettes ;

Vu les mémoires, enregistrés les 3 octobre et 28 novembre 2013, présentés pour la société Servinco, qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ; elle demande en outre à la Cour de désigner un expert aux fins d'émettre un avis sur réalité de la facturation des prestations correspondant aux montants enregistrés dans les comptes intitulés " clients comptant " en litige ;

Elle soutient, en outre, que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- le passif constaté à la clôture de l'exercice en 2005, reporté au 1er janvier 2006, d'un montant de 87 677,46 euros et non de 422 831 euros, correspond à un passif net réel ;

- les justificatifs présentés n'ont pas fait l'objet d'un examen sérieux lors du contrôle, ni au moment du recours hiérarchique ou de l'intervention de l'interlocuteur départemental ;

- en méconnaissance des articles L. 51 et L. 80 A du livre des procédures fiscales, le service a remis en cause une prise de position sur l'absence de passif injustifié à la clôture de l'exercice en 2005, déjà vérifié ;

- à titre subsidiaire, le montant de taxe sur la valeur ajoutée exigible à raison des avances versées par ses clients au comptant doit être limité à 15 % du montant des sommes rappelées afin de tenir compte des frais consulaires exonérés de taxe en application de l'article 151 de la directive TVA ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 25 février 2014, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 26 février 2014, présenté pour la société Servinco qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mars 2015 :

- le rapport de Mme Versol, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

1. Considérant que la société Servinco, qui propose des prestations de services en vue de l'obtention de visas auprès d'ambassades étrangères, a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité portant sur les exercices clos en 2006 et 2007, à l'issue de laquelle l'administration a notamment réintégré dans ses bases imposables à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée, au titre des deux exercices vérifiés, les montants correspondant aux soldes créditeurs des comptes des clients " comptant " ; que la société Servinco relève appel du jugement du 26 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007, d'autre part, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable à la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...) / 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 269 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " (...) 2. La taxe est exigible : / (...) c) Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. / (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Servinco a inscrit dans sa comptabilité, dans le compte de tiers 41100 intitulé " clients divers ", des sous-comptes mensuels intitulés " clients comptant ", enregistrant les recettes versées d'avance par la partie de sa clientèle constituée de personnes physiques ; que, relevant que ces sous-comptes mensuels présentaient, pour une partie d'entre eux, des soldes créditeurs, le vérificateur a estimé que ces soldes créditeurs représentaient une anomalie comptable et que leur total à la fin des exercices 2006 et 2007, soit respectivement les sommes de 429 238 euros et 74 950 euros, correspondait à des omissions de recettes et que le report à nouveau au 1er janvier 2006 de ces soldes créditeurs, d'un montant de 422 831 euros, avait le caractère d'un passif injustifié ; que le service a réintégré les sommes en cause dans les résultats imposables de la société et rappelé la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à ces chefs de rectification ;

5. Considérant qu'en l'absence de remise en cause du caractère régulier, sincère et probant de la comptabilité, l'administration fiscale ne peut, pour apporter la preuve qui lui incombe de ce que la société n'aurait pas déclaré la totalité de ses bénéfices imposables, ni la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'ensemble des recettes encaissées, recourir à une méthode d'évaluation moins précise que les écritures comptabilisées ; qu'il résulte de l'instruction que la société Servinco ne tenait pas de comptes clients nominatifs mais des comptes clients mensuels, à raison d'un compte clients pour chacun des douze mois de l'année, dans lesquels étaient enregistrés le mois considéré, d'une part, au crédit du compte, les règlements effectués par les clients, d'autre part, au débit du compte, les factures correspondant aux prestations rendues ; qu'il est constant que les clients réglaient par avance et que les prestations n'étaient rendues, et les factures correspondantes, émises, que le mois suivant ; qu'eu égard à ce mode de comptabilisation spécifique, qui n'est pas contesté par l'administration, laquelle n'a pas rejeté la comptabilité, l'existence de comptes clients créditeurs ne suffit pas, en tant que telle, à établir l'existence d'omissions de recettes imposables ou d'encaissements taxables et la méthode consistant à réintégrer les soldes créditeurs des comptes clients dans les résultats de la société et à les soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée apparaît trop sommaire ; qu'il y a lieu en conséquence d'accorder à la société Servinco la décharge des impositions supplémentaires qui ont été mises à sa charge au titre du redressement correspondant aux comptes clients créditeurs, soit, pour la taxe sur la valeur ajoutée, les sommes, en droits, de 167 002 euros et 14 690 euros, respectivement pour les années 2006 et 2007 et, pour l'impôt sur les sociétés, les sommes, en bases, de 852 069 euros et 74 950 euros, respectivement pour les années 2006 et 2007, ainsi que des pénalités y afférentes ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société Servinco est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1115284 du 26 novembre 2012 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La société Servinco est déchargée des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, à concurrence de la somme de 181 692 euros et des pénalités correspondantes.

Article 3 : Les bases de l'impôt sur les sociétés assignées à la société Servinco au titre des années 2006 et 2007 sont réduites respectivement des sommes de 852 069 euros et 74 950 euros.

Article 4 :Il est accordé à la société Servinco la décharge des droits et pénalités correspondant à la réduction des bases imposables à l'impôt sur les sociétés résultant de l'article 3.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Servinco et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France Est.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Dalle, président,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

- Mme Versol, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 19 mars 2015.

Le rapporteur,

F. VERSOL Le président,

D. DALLE

Le greffier,

C BUOT

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13PA00340


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA00340
Date de la décision : 19/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-05 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Fait générateur.


Composition du Tribunal
Président : M. DALLE
Rapporteur ?: Mme Françoise VERSOL
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : NATHOO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-03-19;13pa00340 ?
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