Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2013, présentée pour M. A...C..., demeurant..., par Me Sabri-Lebaron ; M. C...demande à la Cour :
1º) d'annuler le jugement n° 1115038/5-1 du 6 décembre 2012 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté, d'une part, sa demande tendant à l'annulation des décisions des 16 juin et 1er août 2011 par lesquelles le président de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI) a décidé respectivement de le suspendre de ses fonctions et de le révoquer, d'autre part, sa demande tendant au versement d'une indemnité de 125 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et des intérêts capitalisés, en réparation des préjudices subis ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces deux décisions ;
3°) de condamner l'ACFCI au paiement du rappel des salaires dus à compter du 1er août 2011, de la somme de 50 000 euros en réparation des troubles subis dans ses conditions d'existence et d'une somme de 75 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
4°) d'assortir les sommes sollicitées des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et des intérêts capitalisés à compter du 17 juin 2011 ;
5°) de mettre à la charge de l'ACFCI le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- les décisions attaquées sont entachées de détournement de pouvoir, le nouveau président ayant pris ces mesures dans le seul but de lui nuire personnellement et de l'évincer ;
- la décision de révocation est entachée d'erreur de fait et d'erreur de droit ; il n'a commis aucune faute disciplinaire ; il s'est borné à se prononcer sur le bien-fondé des décisions concernant M. D...au regard des règles statutaires ; les éléments de la rémunération de ce dernier n'ayant pas fait l'objet d'une révision depuis 2002, l'article 42, paragraphe 3, du statut autorisait la révision opérée en période d'élection consulaire ; il n'était pas tenu d'alerter la présidence quant au respect des règles budgétaires et financières ; il ne peut être tenu pour responsable des décisions du 17 décembre 2010 concernant M.D... ; aucune faute rendant impossible le maintien dans ses fonctions ne lui est imputable ; la sanction prononcée est disproportionnée au regard des faits qui lui sont reprochés ; aucune fraude ne peut lui être imputée ;
- la mesure de révocation a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'elle a été prise avant même la consultation de la commission paritaire locale et avant qu'il ait pu présenter des observations ;
- la mesure de dispense d'activité est entaché d'erreur de fait ; en effet, aucune faute rendant impossible le maintien dans ses fonctions ne lui est imputable et cette mesure n'est pas justifiée par l'intérêt du service ;
- l'atteinte à son honneur et à sa réputation est à l'origine d'un préjudice moral justifiant la condamnation de l'établissement public à lui verser une indemnité de 50 000 euros ;
- l'ACFCI doit lui verser la somme de 75 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence et du préjudice moral résultant de la conduite inacceptable de l'organisme constitutive d'un harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ; l'acharnement de la présidence a entraîné une dégradation de ses conditions de travail portant atteinte à ses droits et à sa dignité ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2013, présenté pour l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI), représenté par son président en exercice, par MeB..., qui conclut au rejet de la requête et demande que le versement de la somme de 10 000 euros soit mis à la charge de M. C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que :
- les moyens invoqués par l'appelant qui sont dirigés contre les décisions des 16 juin et 1er août 2011 ne sont pas fondés ;
- l'intéressé n'a pas été écarté de ses fonctions jusqu'à la prise d'effet de sa suspension ;
- aucun commencement de preuve n'est produit pour établir la réalité du harcèlement moral allégué ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 23 décembre 2013, présenté pour M. C...par Me Sabri-Lebaron, qui confirme ses précédentes écritures ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 5 février 2015, présenté pour l'ACFCI par Me B..., qui confirme ses précédentes écritures ;
Vu les pièces dont il résulte que, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré du caractère infondé des conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'ACFCI au versement de salaires, en l'absence de service fait ;
Vu les observations présentées le 23 avril 2015 pour M. C...par Me Sabri-Lebaron ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, de commerce et des métiers ;
Vu l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2015 :
- le rapport de M. Cantié, premier conseiller,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,
- et les observations de Me Sabri-Lebaron, avocat de M.C..., et celles de Me Hardy, avocat de l'ACFCI ;
1. Considérant que, par décision du 16 juin 2011, le président de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie (ACFCI) a suspendu de ses fonctions M. A...C..., directeur général adjoint chargé des relations sociales et des ressources humaines ; que M. C...a été révoqué de ses fonctions par décision du 1er août 2011 ; qu'il relève appel du jugement du 6 décembre 2012 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté, d'une part, sa demande tendant à l'annulation des décisions des 16 juin et 1er août 2011, d'autre part, sa demande tendant au versement d'une indemnité de 125 000 euros, assortie des intérêts au taux légal et des intérêts capitalisés ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 36 de l'arrêté du 25 juillet 1997 susvisé : " Les mesures disciplinaires applicables aux agents titulaires sont : / 1° L'avertissement, / 2° Le blâme avec inscription au dossier, / 3° L'exclusion temporaire sans rémunération d'un à quinze jours, / 4° L'exclusion temporaire sans rémunération supérieure à quinze jours, / 5° La révocation. / Dans toute la mesure du possible, un principe de progressivité est appliqué. " ; que selon l'article 37 du même arrêté : " (...) Lorsque l'intérêt du service le justifie, le Président ou son délégataire peut prononcer immédiatement une suspension à titre conservatoire avec dispense de service et maintien de la rémunération pendant la procédure de sanction " ;
3. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...a adressé au commissaire aux comptes de l'ACFCI, à la demande de ce dernier, une " note explicative " datée du 19 avril 2011 relative à la rémunération des directeurs généraux des chambres de commerce et d'industrie et du directeur général de l'ACFCI ; que, pour suspendre M. C...de ses fonctions et décider de le révoquer, le président nouvellement élu de l'ACFCI s'est fondé sur le double motif tiré, d'une part, qu'en soutenant dans cette note, sans avoir pris l'attache de l'autorité hiérarchique, que les décisions du 17 décembre 2010 accordant au directeur général de l'ACFCI des avantages financiers étaient légales, l'intéressé avait pu laisser penser au commissaire aux comptes que ce point de vue était celui de l'ACFCI, d'autre part, qu'en n'attirant pas l'attention du nouveau président sur le caractère manifestement illégal de ces décisions, il n'avait pas accompli les diligences attendues d'un professionnel disposant d'une grande expérience et d'une parfaite connaissance des règles sociales applicables ;
5. Considérant, alors qu'il n'est pas démontré que le commissaire aux comptes aurait interrogé spécifiquement M. C...sur la légalité des décisions du 17 décembre 2010, qu'il ressort de la note du 19 avril 2011, qui ne porte pas exclusivement sur les avantages accordés au directeur général de l'ACFCI, que " la rémunération du directeur général (inférieure à l'embauche aux rémunérations des DG de grandes CCI) n'a bénéficié d'aucune augmentation individuelle depuis sa titularisation en 2002 ", que " depuis son embauche, aucune prime de lui a été versée avant décembre 2010 ", que " la rémunération du DG de l'ACFCI n'avait fait l'objet d'aucune augmentation individuelle depuis près de 9 ans ", que " l'engagement de porter la rémunération du DG à 250 000 euros au 1/01/2009 a été pris au moment de l'embauche (...) " et que l'" augmentation qui a été décidée par le Président de l'ACFCI est conforme aux dispositions du titre II et aux engagements pris " ; qu'eu égard aux termes employés dans cette note, qui fait mention de l'article 42 du titre II du statut du personnel prévoyant le réexamen périodique de la rémunération du directeur général, M. C...s'est borné à justifier, au regard des dispositions statutaires applicables et aux engagements pris par le président de l'ACFCI auprès du directeur général en exercice, l'attribution à ce dernier d'un supplément de rémunération et d'une prime, sans outrepasser ses attributions de directeur général adjoint chargé des relations sociales et des ressources humaines, ni manquer de loyauté envers le président en exercice à la date de cette note ; qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que les avantages attribués au directeur général de l'ACFCI seraient contraires au statut des personnels de l'organisme ; que M. C...n'a pas laissé entendre, dans la même note, que ces avantages avaient été attribués conformément aux règles budgétaires et comptables en vigueur ; que le caractère manifestement illégal des décisions du 17 octobre 2010 au regard des règles statutaires n'étant pas établi, l'intéressé n'a pu manqué à son devoir de conseil envers le nouveau président de l'ACFCI en ne lui signalant pas la nécessité de revenir sur ces décisions ; que, dans ces conditions, d'une part, en estimant que les faits reprochés à M. C...constituaient une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire, le président de l'ACFCI a entaché sa décision de révocation d'une erreur d'appréciation ; que, d'autre part, les faits portés à la connaissance du président de l'ACFCI ne justifiaient pas, avant le prononcé de la sanction, que M. C...soit suspendu de ses fonctions dans l'intérêt de l'organisme ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M.C..., celui-ci est fondé à soutenir que les décisions en date des 16 juin et 1er août 2011 sont entachées d'illégalité ;
Sur la responsabilité de l'ACFCI :
6. Considérant que l'illégalité des décisions portant suspension de fonctions et révocation de M. C...caractérise des fautes de nature à engager la responsabilité de l'ACFCI à son égard ;
7. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. C...du fait des conséquences de la décision du 16 juin 2011 le suspendant de ses fonctions, qui a toutefois maintenu à l'intéressé le bénéfice de sa rémunération et la disposition de son véhicule de fonction, en le fixant à la somme de 5 000 euros ;
8. Considérant que si M. C...soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, il ne fait état aucun élément de fait précis qui serait susceptible de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement avant la décision de suspension prise à son encontre ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que l'illégalité de la décision du 1er août 2011 révoquant M. C...a causé des troubles dans ses conditions d'existence et un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation, dans les circonstances de l'espèce, en les fixant à la somme de 15 000 euros ; qu'en revanche, en l'absence de service fait, M. C...n'est pas fondé à obtenir la condamnation de l'ACFCI à lui verser des salaires au titre de la période postérieure à sa révocation ;
9. Considérant que M. C...a droit aux intérêts au taux légal sur la somme totale de 20 000 euros mise à la charge de l'ACFCI à compter de la date d'enregistrement de sa requête devant le tribunal administratif, soit le 1er septembre 2011, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé aurait présenté une demande préalable ; que M. C...a sollicité dans ladite requête la capitalisation des intérêts ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à la date à laquelle les intérêts étaient dus pour au moins une année entière, soit le 1er septembre 2012, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...est seulement fondé à obtenir l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions prises les 16 juin et 1er août 2011 par le président de l'ACFCI et à la condamnation de l'ACFCI à réparer les préjudices qu'il estimait avoir subi ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés par l'ACFCI et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge de l'ACFCI le versement à M. C...de la somme de 1 500 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les décisions des 16 juin et 1er août 2011 par lesquelles le président de l'ACFCI a décidé respectivement de suspendre de ses fonctions et de révoquer M. C...sont annulées.
Article 2 : L'ACFCI versera à M. C...une indemnité totale de 20 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2011. Les intérêts échus à la date du 1er septembre 2012 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement n°1115038/5-1 du 6 décembre 2012 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'ACFCI versera à M. C...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Les conclusions présentées par l'ACFCI sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C... et à l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie.
Délibéré après l'audience du 5 mai 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Coënt-Bochard, président de chambre,
- M. Dellevedove, premier conseiller,
- M. Cantié, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 mai 2015.
Le rapporteur,
C. CANTIÉLe président,
E. COËNT-BOCHARD
Le greffier,
A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
''
''
''
''
2
N° 13PA00421