Vu la requête, enregistrée le 7 avril 2014, présentée pour Mme C... A..., demeurant..., par
Me B...; Mme A... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1302919/5-3 du 3 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du
17 septembre 2012 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et en fixant son pays de destination ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de
150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 à verser à MeB..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'erreur de droit, dès lors que le préfet de police n'a pas pris en compte l'état de grossesse de la requérante et qu'il lui appartenait de vérifier les conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de l'intéressée avant d'examiner sa demande de renouvellement de titre de séjour ;
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- le refus de titre de séjour méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'à la date de l'arrêté contesté, elle vivait en France depuis 9 ans selon ses déclarations ; qu'elle était enceinte et qu'elle a fait d'importants efforts d'insertion et développé un projet professionnel ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'état de grossesse de l'intéressé n'est pas mentionné sur l'arrêté ; que son état de santé nécessite toujours deux séances hebdomadaire de rééducation chez un kinésithérapeute ; que compte tenu de sa grossesse à risques, la requérante ne pourra pas bénéficier au Mali d'un suivi approprié ; qu'elle justifie de circonstances humanitaires exceptionnelles au sens de l'article précité ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est, par voie d'exception, illégale du fait de l'illégalité de la décision préfectorale refusant la délivrance du titre de séjour sollicité ;
- la décision attaquée emporte des conséquences manifestement disproportionnée sur la situation personnelle de MmeA... ;
- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que cette décision interrompt le suivi médical dont elle fait l'objet en France concernant les séquelles de son accident vasculaire cérébral de 2004 et de sa grossesse à risque et qu'elle doit terminer sa formation qualifiante de gestionnaire de paie en qualité de travailleur handicapé ;
- que cette disposition méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 (10°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et emporte en tout état de cause des conséquences manifestement disproportionnées sur la situation personnelle de la requérante au regard des buts de cette mesure ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est, par voie d'exception illégale du fait de l'illégalité de la décision préfectorale refusant la délivrance du titre de séjour sollicité et l'obligeant à quitter le territoire ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'en cas de retour dans son pays d'origine, la requérante serait exposée à des traitements inhumains et dégradants en tant que le suivi de son état de santé et notamment de sa grossesse d'alors sera impossible et qu'elle ne bénéficiera pas d'une prise en charge satisfaisante si les risques liés à son état de grossesse étaient venus à se réaliser ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2014, présenté par le préfet de police qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
Vu la décision du président de la cour administrative d'appel de Paris en date du
8 avril 2014 admettant Mme A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 mai 2015 :
- le rapport de M. Pagès, premier conseiller,
1. Considérant que MmeA..., née le 10 novembre 1974 à Bamako (Mali), ressortissante malienne, entrée en France le 5 avril 2004 selon ses déclarations, a sollicité le
11 avril 2012 le renouvellement de son titre de séjour auprès du préfet de police de Paris qui a examiné sa demande au regard de l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avant de la rejeter par un arrêté du 17 septembre 2012 ; que par une requête enregistrée à la Cour le 7 avril 2014, Mme A...relève régulièrement appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que Mme A...soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit en tant qu'il a jugé que si le préfet de police n'a pas pris en compte l'état de grossesse de MmeA..., cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision attaqué ; que, cependant, ce moyen ne relève pas de la régularité du jugement attaqué mais de son bien fondé ; qu'au surplus, le préfet de police expose sans être contredit, que Mme A...n'a pas fait connaître cet état au service chargé de l'instruction de sa demande avant la date à laquelle a été prise cette décision ; que ce moyen ne peut donc qu'être écarté ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
3. Considérant en premier lieu qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
4. Considérant que Mme A...soutient qu'elle vit en France depuis près de neuf ans et qu'elle était enceinte à la date de la décision attaquée ; qu'elle justifie d'un suivi médical pour lequel elle a bénéficié de titre de séjour du 22 février 2006 au 28 janvier 2008 puis à compter du 6 septembre 2010 ; qu'elle a cherché à s'insérer professionnellement ; qu'elle a occupé un certain nombre d'emplois et suivi des formations en rapport avec les études supérieures effectuées avant son entrée sur le territoire français ; qu'elle s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé et qu'elle a fait d'important effort d'insertion ;que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme A...a fait l'objet d'un précédent refus de séjour accompagné d'une obligation de quitter le territoire français le 5 mars 2008, que son fils est né le 29 mars 2013 et qu'il n'a pas été reconnu par le père ; qu'elle est célibataire et n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine, où elle a vécu jusque l'âge de
30 ans au moins et dans lequel résident ses parents ainsi que ses frères et soeurs ; qu'eu égard à l'ensemble de ces circonstances, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué ait porté au droit de l'intéressée à sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que par suite, l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article
L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;
6. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de police s'est fondé, pour prendre l'arrêté litigieux, sur l'avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police en date du 2 avril 2012, versé au dossier, selon lequel si l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement dans son pays d'origine dans lequel le suivi est assuré notamment au Centre Hospitalier Universitaire Gabriel Touré ; que la requérante ne produit aucun certificat médical hormis celui de son kinésithérapeute en date du 15 mars 2014 attestant recevoir Mme A...deux fois par semaine régulièrement, et verse une expertise médicale de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales datant de 2008 et tendant à reconnaître le lien entre son handicap et une stimulation ovarienne ; que néanmoins cette expertise, ne peut suffire à remettre utilement en cause, eu égard à son ancienneté, l'avis du le médecin, chef du service médical de la préfecture de Paris rendu quatre ans après l'expertise et concluant sur la non justification médicale du séjour et la stabilisation de l'état de santé de la requérante ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
7. Considérant, d'autre part, que s'il ressort des pièces du dossier que le préfet de police n'a pas pris en compte l'état de grossesse de Mme A..., cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu'en appel, le préfet de police expose une nouvelle fois, sans être contredit, que Mme A...n'a pas fait connaître cet état de santé au service chargé de l'instruction de sa demande avant la date à laquelle a été prise cette décision , Mme A...ayant accouché le 23 mars 2013 ;
8. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant en premier lieu, que les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par la requérante à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence ;
10. Considérant en deuxième lieu que pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A...ne peuvent qu'être écartés ;
11. Considérant en troisième lieu que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article
L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lequel ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, et le moyen tiré des conséquences manifestement disproportionnées au regard des buts de cette mesure, sur la situation personnelle de la requérante doivent être écartés pour les motifs exposés au point 6 ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. Considérant en premier lieu que les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour et contre celle portant obligation de quitter le territoire ayant été écartés, l'exception d'illégalité de ces décisions invoquée par la requérante à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté par voie de conséquence ;
13. Considérant en second lieu qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants " ;
14. Considérant que Mme A...ne produit aucune justification de nature à établir qu'elle se trouverait en cas de retour dans son pays d'origine, exposée à un risque direct et sérieux pour sa vie ou sa liberté et qu'elle ne pourrait y bénéficier d'aucune protection de la part des autorités ; que, si elle invoque l'absence de disponibilité au Mali du traitement médical qui lui est nécessaire, il ressort de ce qui a été dit au point 6 que, contrairement à ce qu'elle soutient, ce traitement est disponible dans ce pays ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
15. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 11 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2015 à laquelle siégeaient :
M. Krulic, président,
M. Luben, président assesseur,
M. Pagès, premier conseiller,
Lu en audience publique le 9 juin 2015.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
J. KRULIC
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA01506