Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 7 mars 2013 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1303386 du 27 novembre 2014, le Tribunal administratif de Melun rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par requête sommaire et mémoire ampliatif enregistrés les 12 janvier et 11 février 2015,
M.D..., représenté par MeE..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 novembre 2014 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 mars 2013 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé de l'admettre au séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, le titre de séjour sollicité sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour et de travail valable pendant le temps nécessaire à la délivrance de ce titre ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à cette autorité de procéder au réexamen de sa situation administrative sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;
Il soutient que :
- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente et n'est pas motivé ;
- la décision lui refusant l'admission au séjour est entachée d'un vice de procédure pour défaut de saisine de la commission du titre de séjour, d'erreur de fait dès lors que la communauté de vie avec son épouse demeure, d'erreur de droit dès lors qu'en cas de renouvellement de titre de séjour en qualité de conjoint de Français, seul le premier est soumis à cette condition de communauté de vie et que le préfet eût dû faire application des stipulations de l'article 10 de l'accord franco-tunisien ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire national est entachée d'illégalité par voie d'exception, est insuffisamment motivée au regard des exigences posées à l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, auxquelles les dispositions de l'article L. 511-7-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas conformes, n'a pas fait l'objet d'un examen de sa situation et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'illégalité par voie d'exception, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu du climat qui règne en Tunisie, particulièrement risqué pour son épouse, de nationalité française.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 modifié entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de travail et de séjour ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties on été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auvray ;
- et les observations de MeE..., représentant M.D....
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
1. Considérant que M.D..., ressortissant tunisien né le 16 décembre 1984 à Tunis, a été mis en possession d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint de Française le 2 janvier 2008, après avoir contracté mariage le 24 mars 2007 avec Mme B...C... ; que, par arrêté du 30 janvier 2009, le préfet du Val-de-Marne a refusé le renouvellement de son titre à l'intéressé pour absence de communauté de vie entre les époux ; que ce refus est devenu définitif après que le Tribunal administratif de Melun eut, par jugement du 22 octobre 2009, rejeté le recours que M. D...avait formé à l'encontre de cette décision ; que par l'arrêté contesté du 7 mars 2013, le préfet a de nouveau refusé de délivrer à l'intéressé le titre de séjour qu'il demandait en qualité de conjoint de Française ;
Sur les conclusions à fin d'annulation, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état-civil français (...) " ;
3. Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, il résulte des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code précité, applicables aux ressortissants tunisiens en vertu de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, que pour pouvoir obtenir la délivrance ou le renouvellement d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint d'un ressortissant français, est requise la condition tenant à ce que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage ;
4. Mais considérant que M.D... soutient sans être contredit que la communauté de vie avec son épouse n'a pas cessé depuis son mariage, le préfet du Val-de-Marne n'ayant produit de mémoire en défense ni devant le tribunal administratif, ni devant la Cour et n'ayant pas produit davantage le rapport d'enquête de police du 23 janvier 2013 qui, mentionné dans l'arrêté contesté, établirait que M. D...ne partage aucune communauté de vie avec son épouse ; qu'il ressort par ailleurs des nombreuses pièces produites, qui émanent tant de l'administration fiscale que de GdF ou de la Caisse d'allocations familiales du Val-de-Marne, ainsi que d'un certificat de vie commune établi le 25 février 2015 par le maire de Vitry-sur-Seine, que la communauté de vie entre M. D...et son épouse doit être regardée comme n'ayant pas cessé depuis le mariage de l'intéressé,; que, dès lors, M. D...est fondé à demander l'annulation de la décision contestée du 7 mars 2013 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, par voie de conséquence, l'annulation des décisions du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de destination.
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation qu'il retient, le présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance à M. D...d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a en revanche lieu d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de procéder au réexamen de la situation administrative de M. D...dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement, au profit de M.D..., d'une somme de 1 000 euros au titre des frais qu'il a exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1303386 en date du 27 novembre 2014 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté en date du 7 mars 2013 du préfet du Val-de-Marne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de réexaminer la situation administrative de M. D...dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. D...une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2015 à laquelle siégeaient :
Mme Fuchs Taugourdeau, président de la chambre,
M. Auvray, président-assesseur,
Mme Petit, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 juin 2015.
Le rapporteur,
B. AUVRAYLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAULe greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA00173