Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 22 juin 2010 par laquelle la société France Telecom a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont il a été victime le 25 juin 2009.
Par un jugement n° 1015847 du 22 mai 2014, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé la décision attaquée, d'autre part, enjoint à la société Orange de prendre, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident survenu le 25 juin 2009, enfin mis à sa charge les frais de l'expertise ordonnée avant dire droit et une somme de 1 500 euros à verser à M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 juillet 2014, la société Orange, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1015847 du 22 mai 2014 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de M. C... le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de fait en retenant que M. C...avait été victime d'un accident sur son lieu de travail alors que son supérieur hiérarchique et ses collègues n'ont décelé aucun comportement anormal jusqu'à l'arrivée des pompiers ; que les certificats médicaux ne démontrent pas la réalité des allégations de M. C...;
- il n'est pas établi de lien direct, certain et déterminant entre entre le service et l'incident du 25 juin 2009 ; cet incident trouve son origine exclusive dans la personnalité de M. C...et résulte d'une évolution propre d'un état dépressif antérieur ;
- la circonstance que l'imputabilité au service du congé de longue durée de M. C...ait été reconnue par France Telecom est sans incidence sur la qualification de l'incident du 25 juin 2009 en accident du travail, dès lors qu'elle se borne à constater que le service aurait pu aggraver des troubles préexistants ; cette décision est postérieure à la date de la décision attaquée ;
- les autres moyens soulevés par M. C...sont infondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2014, et des mémoires complémentaires enregistrés les 4 et 11 décembre 2015, M.C..., représenté par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses conclusions :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'enjoindre la société Orange :
- de prendre une nouvelle décision sur l'imputabilité au service de son accident, dans un délai de 2 mois sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
- de saisir la commission de réforme pour statuer sur les prolongations et le taux d'invalidité dans un délai de 2 mois sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
- de lui verser la rémunération et les primes complémentaires dont il a été privé en raison de la décision contestée, dans un délai de 2 mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;
3°) de dire et juger que tous les salaires, avancement et primes lui seront versés intégralement depuis le 25 juin 2009 ;
4°) de mettre les entiers frais d'expertise à la charge de la société Orange ;
5°) de mettre le versement de la somme de 6 000 euros à la charge de la société Orange sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision contestée est insuffisamment motivée ;
- la décision contestée est entachée d'incompétence ;
- l'accident du 25 juin 2009, survenu sur son lieu de travail et pendant son service est imputable au service.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gouès,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- et les observations de M.C... ;
1. Considérant que M.C..., fonctionnaire de France Télécom depuis 1978, technicien de niveau 2.2 occupant en dernier lieu les fonctions de coordonnateur de production au sein de l'Unité Intervention Affaires, soutient avoir été victime sur son lieu de travail, le 25 juin 2009, d'un malaise, qui, après une prise en charge par le service des urgences de l'Hôtel Dieu, a été suivi d'arrêts de travail régulièrement renouvelés ; que le 22 juin 2010, France Télécom, suivant l'avis de la commission de réforme du 10 juin 2010, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du malaise du 25 juin 2009 ; que la société Orange relève appel du jugement du 22 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 22 juin 2010 et lui a enjoint de prendre, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident survenu le 25 juin 2009 ;
Sur l'appel de la société Orange :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) " ;
3. Considérant qu'un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service ; qu'il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...a sollicité, le 25 juin 2009 à 10h44, l'intervention des sapeurs-pompiers de Paris sur son lieu de travail et que ceux-ci, présents sur place jusqu'à 11h55, ont constaté chez lui " de l'angoisse, de l'anxiété et du stress " ; que M. C... a été conduit à l'Hôtel Dieu où a été diagnostiquée une crise d'angoisse et prescrit dans un premier temps un arrêt de travail jusqu'au 26 juin 2009 inclus ; que si la société Orange fait valoir que les policiers arrivés sur les lieux avec les pompiers sont repartis sans investigations complémentaires, que les collègues de M. C...n'avaient remarqué aucun comportement anormal de sa part et qu'il n'a pas sollicité leur aide avant d'appeler les secours, qu'enfin l'enquête diligentée par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail a exclu toute situation d'alerte, ces éléments ne permettent pas de contredire les éléments médicaux réunis au dossier qui établissent la réalité d'une crise d'angoisse survenue sur le lieu de travail ;
5. Considérant qu'alors que M. C...impute cette crise d'angoisse à un harcèlement par son supérieur hiérarchique qui était venu lui remettre en main propres, à 10h30, une convocation à un entretien disciplinaire, la société Orange soutient que l'intéressé souffrait de troubles dépressifs antérieurs dépourvus de lien avec le service et que la théâtralisation de l'incident s'inscrit dans le cadre de relations conflictuelles avec sa hiérarchie, alimentées par la personnalité et par le comportement de M. C... constitutifs de fautes disciplinaires ; qu'il ne ressort toutefois nullement des circonstances ainsi décrites ni de l'ensemble des pièces du dossier qui font état d'un contexte conflictuel entre M. C...et son employeur depuis 2005 au moins que le malaise du 25 juin 2009, survenu sur le lieu et dans le temps de travail, trouverait son origine exclusive dans la personnalité de l'intéressé ou résulterait d'une pathologie antérieure dépourvue de tout lien avec le service ; que, dans ces circonstances, cet accident ne peut être regardé comme détachable du service ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Orange n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 22 juin 2010 par laquelle la société France Telecom a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont M. C...a été victime le 25 juin 2009, lui a enjoint de prendre, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident survenu le 25 juin 2009 et a mis à sa charge les frais de l'expertise ordonnée avant dire droit et une somme de 1 500 euros à verser à M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions présentées par M.C... :
7. Considérant, d'une part, que, comme dit précédemment, le tribunal administratif de Paris a, par le jugement contesté, ordonné à la société Orange de prendre une nouvelle décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident survenu le 25 juin 2009 dans le délai de deux mois ; qu'il n'y a pas lieu de réitérer cette injonction, ni, dans les circonstances de l'espèce, de l'assortir d'une astreinte ;
8. Considérant, d'autre part, que les autres demandes d'injonction formulées par M. C...dans ses mémoires devant la Cour sont sans lien direct avec l'annulation de la décision du 22 juin 2010 prononcée par le tribunal et confirmée par la cour ; que ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;
9. Considérant, enfin, que, comme dit précédemment, le tribunal, par un jugement confirmé sur ce point, a mis à la charge de la société Orange l'ensemble des frais d'expertise, y compris l'allocation provisionnelle de 1 500 euros versée par M.C... ; qu'il n'y a pas lieu de statuer à nouveau en ce sens ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.C..., qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Orange demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Orange une somme de 1 500 euros à verser à M. C...au titre des frais qu'il a exposés pour sa défense en appel ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Orange est rejetée.
Article 2 : La société Orange versera une somme de 1 500 euros à M. C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. C...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Orange et à M. D... C....
Copie en sera adressée à l'expert et au ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,
- M. Gouès, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 décembre 2015.
Le rapporteur,
S. GOUESLe président,
S. PELLISSIER Le greffier,
F. TROUYET La République mande et ordonne au ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA03160