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04/03/2016 | FRANCE | N°14PA04678

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 04 mars 2016, 14PA04678


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge totale des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 pour un montant de 13 863 euros en droits, 222 euros d'intérêts de retard et 1 386 euros de majoration de 10 %.

Par un jugement n° 1402505 du 2 octobre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande et les a condamnés à une amende pour recours abusif de 500 euros.
>Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2014, M. et Mme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...B...ont demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge totale des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 pour un montant de 13 863 euros en droits, 222 euros d'intérêts de retard et 1 386 euros de majoration de 10 %.

Par un jugement n° 1402505 du 2 octobre 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande et les a condamnés à une amende pour recours abusif de 500 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 novembre 2014, M. et Mme B..., représentés par le Cabinet Oratio avocats, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1402505 du 18 septembre 2014 - en réalité du 2 octobre 2014 -du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision de rejet de leur réclamation du 31 janvier 2014 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée et des pénalités y afférentes pour un montant total de 15 471 euros ainsi que de l'amende pour recours abusif prononcée par le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est entaché d'irrégularité pour défaut de réponse d'une part au moyen tiré de ce que l'administration aurait dû motiver une réponse aux observations sur la proposition de rectification, et d'autre part au moyen tiré de ce qu'en mentionnant une date de réception de la réclamation contentieuse erronée dans leur mémoire en défense devant le TA, l'administration fiscale doit être regardée comme n'ayant pas procédé à une instruction consciencieuse, ce qui les a privé d'une garantie ; le tribunal s'est " contenté " de reprendre les arguments développés par l'administration ; le tribunal a entaché sa décision d'irrégularité pour erreurs de droit ;

- le montant correspondant à l'achat d'un véhicule pour les parents du père de M. B...était déductible de leurs revenus dès lors qu'il constituait une pension alimentaire tel que prévu par les articles 205 à 212 du code civil, la notion d'aliments devant s'entendre largement ; l'achat d'une voiture est utile au mode de vie de leurs parents ;

- il résulte de la doctrine administrative 5b-2421 n° 10 du 1er septembre 1999 que les pensions peuvent être allouées en nature ou en espèces et qu'elles sont déductibles dès lors que le montant de la pension correspond aux besoins de celui qui la reçoit et à la fortune de celui qui la doit, sans qu'il soit nécessaire que l'obligation alimentaire ait fait l'objet d'une décision de justice ; l'obligation de fournir des aliments comprend en fait non seulement la nourriture et le logement, mais aussi tout ce qui est nécessaire à la vie courante ;

- le montant n'est pas excessif au regard de la différence de revenus entre les parents et leur fils et au regard de la durée de vie d'un véhicule de sept ans ;

- la décision de rejet de leur réclamation contentieuse est irrégulière en ce qu'elle comporte un défaut de motivation en fait, compte tenu de l'erreur relative à la date de la réception de leur demande, et en ce que le signataire n'avait pas compétence pour prendre la décision, à défaut de délégation ; la décision de rejet de leur réclamation est insuffisamment motivée ;

- l'amende pour recours abusif a été appliquée à tort dès lors que leur recours ne constituait pas un abus mais simplement l'exercice d'un droit ; elle a été prononcée sans qu'ils aient pu préalablement présenter leurs moyens de défense, ce qui méconnaît le principe du contradictoire ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il est laissé à la sagesse de la Cour le soin d'apprécier la pertinence des moyens tirés de l'irrégularité du jugement ;

- la procédure est régulière ;

- les requérants, sur lesquels pèsent la charge de la preuve, ne justifient pas de l'état de besoin des bénéficiaires et de l'exécution effective de la pension alimentaire.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation préalable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la réclamation préalable ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,

- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a, par une proposition de rectification du 21 octobre 2010, remis en cause, selon la procédure contradictoire, la déduction que M. et Mme B...avaient portée au titre de l'année 2009 dans leur déclaration d'impôt sur le revenu à raison d'une pension alimentaire d'un montant de 31 000 euros qu'ils auraient versée au père de M.B... ; qu'il en est résulté des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu d'un montant de 13 863 euros en droits, 222 euros d'intérêts de retard et 1 386 euros de majoration de 10 % mises en recouvrement le 30 avril 2011 ; qu'ils relèvent appel du jugement en date du 2 octobre 2014 - et non du 18 septembre 2014 - par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande en décharge et les a condamnés à une amende pour recours abusif de 500 euros ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, que les requérants soutiennent que le Tribunal administratif de Melun a omis de répondre aux moyens qu'ils avaient soulevés à l'encontre de la décision par laquelle l'administration fiscale a répondu à leur réclamation contentieuse ; qu'il ressort toutefois du considérant 2 du jugement attaqué que le tribunal a répondu aux moyens tels qu'ils étaient soulevés en première instance ; que, par suite, M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité de ce chef ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce qu'ils soutiennent, il ne ressort pas des écritures de première instance que M. et Mme B...aient soulevé un moyen tiré de ce que l'administration n'a pas répondu à leurs observations consécutivement à la proposition de rectification en se bornant à indiquer qu'ils n'ont pas reçu de réponse à leurs observations sans en tirer aucune conséquence juridique ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité pour défaut de réponse à ce moyen ;

4. Considérant, en troisième lieu, que la condamnation des requérants à une amende pour recours abusif qui traduit la mise en oeuvre d'un pouvoir propre du juge ne constitue pas l'application d'un moyen d'ordre public soulevé d'office qu'en application de l'article R. 611-7 du Code de justice administrative celui-ci serait tenu de communiquer préalablement au requérant ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal n'a pas soumis au contradictoire le prononcé de l'amende pour recours abusif qu'il leur a infligée, ne permet pas de retenir que le jugement est entaché d'irrégularité ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne résulte pas des termes du jugement attaqué que le tribunal " s'est borné à reprendre les arguments développés par l'administration " ; qu'ainsi, les premiers juges n'ont pas méconnu leur office ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité de ce chef ;

6. Considérant, en cinquième lieu, que les erreurs de droit alléguées ne relèvent pas de la régularité du jugement mais de l'examen au fond de la demande dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel ;

Sur les conclusions en annulation :

7. Considérant que les décisions par lesquelles il est statué sur la réclamation préalable d'un contribuable qui entend contester les impositions supplémentaires mises à sa charge ne sont pas détachables de la procédure d'imposition ; qu'elles ne peuvent, en conséquence, être déférées à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir et ne peuvent faire l'objet d'un recours contentieux qu'au titre de la procédure fixée par les articles L. 190 et suivants du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, M. et Mme B...ne sont pas recevables à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision par laquelle l'administration fiscale a rejeté leur réclamation préalable ; que lesdites conclusions, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens soulevés, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.(...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales : " La proposition de rectification prévue par l'article L 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition (...) " ;

9. Considérant que pour se prévaloir de l'insuffisance de motivation de la décision de rejet de leurs observations, M. et Mme B...soutiennent qu'ils n'ont pas reçu de réponse à leurs observations ; qu'ils se prévalent d'avoir reçu la proposition de rectification du 21 octobre 2010 le 22 octobre 2010 ; qu'il est constant que leurs observations qu'ils ont adressées à l'administration fiscale le 27 décembre 2010 n'ont été réceptionnées que le 30 décembre 2013, soit au-delà du délai de trente jours prévu par les dispositions précitées ; qu'ainsi, leurs observations en réponse à la proposition de rectification étaient tardives et par suite irrecevables ; que par suite, ils ne peuvent pas utilement se prévaloir de l'article L. 57 précité ; que dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure est inopérant ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : (...) II des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pur l'évaluation des charges des autres catégories ; (...) 2° (...) les pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 206 à 211 (...) du code civil (...) " ; qu'aux termes de l'article 208 du code civil : " Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit [...] " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il incombe au contribuable qui demande à bénéficier de la déduction qu'elles prévoient d'établir tant l'état de besoin du créancier d'aliments que la réalité des versements qu'il prétend avoir effectués à titre de pension alimentaire ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les requérants ont déduit de leurs revenus imposables au titre de l'année 2009 la somme de 31 000 euros correspondant à l'achat d'un véhicule de marque Mercedes dont ils soutiennent qu'ils l'auraient mis à disposition des parents de

M.B..., et plus spécialement à disposition de son père, M. C...B..., à titre de pension alimentaire ; que pour établir l'état de besoin des parents de M.B..., M. et Mme B...se bornent à produire leur avis d'imposition pour l'année 2009 dont il résulte qu'ils ont perçus des revenus de plus de 270 000 euros, ainsi que celui de leurs parents pour la même année dont il résulte que les revenus de ces derniers ont été de 16 738 euros ; que la seule différence de revenus dont ils se prévalent, qui ne peut avoir d'incidence que sur le montant de la pension alimentaire éventuellement due, ne permet pas de caractériser l'état de besoin de leurs ascendants ; qu'en l'absence de précision sur les charges financières des parents de M.B..., la seule production de cet avis d'imposition ne permet pas de caractériser leur état de besoin ; qu'en se bornant par ailleurs à alléguer du caractère utile du véhicule, les requérants n'établissent pas non plus qu'il correspondrait à un besoin au sens des dispositions précitées du code civil ; qu'en tout état de cause, M. et Mme B...n'ont toujours pas justifié en appel du versement de la somme de

31 000 euros correspondant à l'acquisition du véhicule qu'ils soutiennent avoir mis à la disposition du père de M. B...à titre de pension alimentaire ; qu'en effet, la seule production de la carte grise du véhicule Mercedes établie le 6 octobre 2009 au nom de M. C...B..., ne permet pas de justifier de la réalité et du montant de la pension alimentaire qu'ils prétendent avoir versée aux parents de M.B... ;

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

12. Considérant que la doctrine référencée 5B-2421 du 1er septembre 1999 ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle exposée au point 5 pouvant être opposée à l'administration fiscale sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la pension alimentaire déclarée par M. et Mme B...et leur a assigné les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu correspondantes ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande en décharge ;

Sur l'amende pour recours abusif :

15. Considérant que la demande de M. et Mme B...présentait, dans les circonstances de l'affaire, un caractère abusif ; que par suite, alors qu'ils n'ont d'ailleurs toujours pas justifié en appel du paiement de la somme de 31 000 euros, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Melun les a condamnés à une amende pour recours abusif ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme B...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B...et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l'audience du 19 février 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Driencourt, président de chambre,

- Mme Mosser, président assesseur,

- M. Cheylan, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 4 mars 2016.

Le rapporteur,

G. MOSSERLe président,

L. DRIENCOURT Le greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA04678


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA04678
Date de la décision : 04/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable. Charges déductibles du revenu global.


Composition du Tribunal
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur ?: Mme Geneviève MOSSER
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : CABINET ORATIO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-03-04;14pa04678 ?
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