Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 23 octobre 2015 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'admission sur le territoire français au titre de l'asile.
Par un jugement n° 1517428/8 du 27 octobre 2015, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 novembre 2015, et un mémoire, enregistré le 7 avril 2016, lequel n'a pas été communiqué, MmeB..., représentée par MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1517428/8 du 27 octobre 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 23 octobre 2015 du ministre de l'intérieur ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de mettre fin aux mesures de privation de liberté prises à son encontre et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 23 octobre 2015 ainsi que les dispositions du I de l'article L. 723-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissent l'article 17-3 de la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- elle méconnaît les dispositions de l'alinéa 4 de l'article R. 213-2 et celles de l'alinéa 2 de l'article R. 213-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, plus particulièrement, la confidentialité des éléments d'une demande d'asile ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que sa demande n'était pas manifestement infondée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2015, le ministre de l'intérieur, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête de Mme B...est, à titre principal, irrecevable et, à titre subsidiaire, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive n° 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres ;
- la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;
- la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,
- et les observations de Me Floret, avocat du ministre de l'intérieur.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B...est arrivée le 21 octobre 2015, en provenance de Beyrouth, à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, munie d'un passeport syrien authentique. Placée en zone d'attente, elle a demandé l'asile politique le 22 octobre 2015. Après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui a émis un avis défavorable à son admission, le ministre de l'intérieur lui a, par une décision du 23 octobre 2015, refusé l'autorisation d'entrer en France au motif que sa demande était manifestement infondée. Mme B...fait appel du jugement du 27 octobre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du ministre de l'intérieur, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 17 de la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013 : " [...]. / 3. Les Etats membres veillent à ce que le demandeur ait la possibilité de faire des commentaires et / ou apporter des précisions, oralement et / ou par écrit, concernant toute erreur de traduction ou tout malentendu dans le rapport ou la transcription, à la fin de l'entretien personnel ou dans un délai précis avant que l'autorité responsable de la détermination ait pris une décision. A cette fin, les Etats membres veillent à ce que le demandeur soit pleinement informé du contenu du rapport ou des éléments essentiels de la transcription, moyennant l'aide d'un interprète si nécessaire. Les Etats membres demandent ensuite au demandeur de confirmer que le contenu du rapport ou de la transcription reflète correctement l'entretien. / [...] ". Aux termes de l'article L. 723-7 du même code, issu de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015, et applicable aux demandes d'asile présentées à compter du 20 juillet 2015 : " I.-L'entretien personnel mené avec le demandeur, ainsi que les observations formulées, font l'objet d'une transcription versée au dossier de l'intéressé. / La transcription est communiquée, à leur demande, à l'intéressé ou à son avocat ou au représentant de l'association avant qu'une décision soit prise sur la demande. / [...] ". Aux termes de l'article R. 213-6 du même code : " [...]. / Lorsque le ministre prend une décision de refus d'entrée au titre de l'asile, l'office transmet sous pli fermé à l'étranger une copie de la transcription mentionnée au I de l'article L. 723-7. Cette transmission est faite au plus tard en même temps que la notification de la décision du ministre ".
3. D'une part, si Mme B...entend invoquer les dispositions du 3 de l'article 17 de la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013, il est constant que les Etats membres avaient jusqu'au 20 juillet 2015, au plus tard, pour se conformer, notamment, à l'article 17 et que cet article a été transposé par les dispositions de l'article L. 723-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issu de la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 précitée. Dans ces conditions, Mme B... ne peut utilement invoquer les dispositions du 3 de l'article 17 de la directive n° 2013/32/UE du 26 juin 2013 au soutien de son argumentation.
4. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus, que Mme B...est fondée à invoquer les dispositions de l'article L. 723-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le champ d'application duquel elle rentre par l'effet du renvoi opéré par l'article R. 213-6 du même code. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la copie de la transcription de l'entretien personnel lui a été communiquée en même temps que la notification de la décision de rejet du ministre de l'intérieur de la demande d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile, conformément aux dispositions susvisées de l'article R. 213-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si la requérante soutient que la procédure a été méconnue dès lors que la retranscription de cet entretien n'a été effectuée qu'en langue française, ce qui l'aurait placée dans l'impossibilité de faire valoir l'existence d'une erreur ou d'un malentendu, le ministre n'était pas tenu de communiquer une version traduite du compte-rendu de l'entretien, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'un interprète a bien assuré la traduction lors de l'entretien et qu'au demeurant Mme B...comprend le français, cette dernière ayant, au cours de son entretien, répondu à des questions posées en français sans attendre la traduction de l'interprète, et répondu à d'autres questions directement en langue française. Par ailleurs, la circonstance que l'interprète n'aurait pas apposé son nom sur le compte-rendu de l'entretien est sans incidence sur la légalité de la décision contestée.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 722-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tous les membres du personnel de l'office sont tenus au secret professionnel en ce qui concerne les renseignements qu'ils auront reçus dans l'exercice de leurs fonctions. / [...] ". Aux termes de l'article R. 213-2 du même code : " Lorsque l'étranger qui se présente à la frontière demande à bénéficier du droit d'asile, il est informé sans délai, dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de la procédure de demande d'asile, de ses droits et obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande. / La décision de refus d'entrée ne peut être prise qu'après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui procède à l'audition de l'étranger. / [...]. / Cette audition fait l'objet d'un rapport écrit qui comprend les informations relatives à l'identité de l'étranger et celle de sa famille, les lieux et pays traversés ou dans lesquels il a séjourné, sa ou ses nationalités, le cas échéant ses pays de résidence et ses demandes d'asile antérieures, ses documents d'identité et titres de voyage ainsi que les raisons justifiant la demande de protection internationale ". Aux termes de l'article R. 213-3 du même code : " L'autorité administrative compétente pour prendre la décision mentionnée à l'article R. 213-2 de refuser l'entrée en France à un étranger demandant à bénéficier du droit d'asile est le ministre chargé de l'immigration. / L'étranger est informé du caractère positif ou négatif de cette décision dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. Lorsqu'il s'agit d'une décision de refus d'entrée en France, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides transmet sous pli fermé à l'étranger une copie du rapport prévu au quatrième alinéa de l'article R. 213-2. Cette transmission est faite en même temps que la remise de la décision du ministre chargé de l'immigration ou, à défaut, dans des délais compatibles avec l'exercice effectif par l'étranger de son droit au recours ".
6. Mme B...invoque un vice de procédure tiré de " la méconnaissance du principe de confidentialité de la demande d'asile ". Toutefois, la procédure prévue par l'article R. 213-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que la décision de refus d'entrée doit être prise par le ministre chargé de l'immigration après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et donc nécessairement au vu de l'avis de cet organisme et des éléments recueillis lors de l'audition de l'intéressé. Le ministre à qui il appartient, en vertu de l'article L. 221-1 du même code, de se prononcer sur le caractère manifestement infondé ou non de la demande d'asile participe directement à l'examen de cette demande et ne saurait donc être regardé, de même que les agents de ses services, qui sont soumis au secret professionnel, comme enfreignant le principe de confidentialité attaché à celle-ci. Dès lors, le moyen tiré de la violation du principe de confidentialité de la demande d'asile doit être écarté.
7. En troisième lieu, le ministre peut, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeter en raison de son caractère manifestement infondé la demande d'asile présentée par un étranger se présentant aux frontières du territoire national lorsque les déclarations de celui-ci, et les documents qu'il produit à leur appui, du fait notamment de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, sont manifestement dépourvus de crédibilité et font apparaître comme manifestement dénuées de fondement les menaces de persécutions alléguées par l'intéressé.
8. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, des déclarations de MmeB..., telles qu'elles ont été consignées dans le compte-rendu d'entretien avec le représentant de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, que celle-ci a la double nationalité syrienne et libanaise en raison de son union avec un ressortissant libanais, nonobstant le décès de celui-ci en 2006, et alors même qu'elle aurait égaré son passeport libanais. En outre, si la requérante fait valoir qu'elle a vécu une attaque armée cinq ans auparavant en Syrie et qu'elle n'a, depuis le décès par infarctus en 2006 de son époux, plus aucune attache au Liban et y craint pour sa vie en raison de la présence de kurdes, elle ne fait état, par son récit vague et comportant de nombreuses incohérences, d'aucune menace de persécution actuelle et personnelle dirigée contre elle. Par ailleurs, l'intéressée, qui résidait en France plusieurs années auparavant, avait déjà fait l'objet d'une décision de rejet de demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 juillet 2013. Par suite, le ministre de l'intérieur a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, considérer que la demande de l'intéressée d'entrer sur le territoire français était manifestement infondée.
9. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'appui de conclusions dirigées contre une décision rejetant une demande d'admission sur le territoire français au titre de l'asile.
10. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté dès lors que MmeC..., qui a la double nationalité libanaise et syrienne ainsi que cela a été dit au point 8 ci-dessus, n'établit pas qu'elle encourrait des risques, au sens dudit article 3, en cas de retour au Liban.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à Mme E...B...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 14 avril 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Luben, président assesseur,
- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 mai 2016.
Le rapporteur,
S. BONNEAU-MATHELOTLe président,
J. LAPOUZADE
Le greffier,
A. CLEMENTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA04101