Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...C...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2014 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans à compter du 17 juillet 2014 ;
Par jugement n° 1420141/5-1 du 19 mars 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 mai 2015, et un mémoire en réplique, enregistré le 7 septembre 2016, Mme C...B..., représentée par Me D...de la SCP Cantier et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1420141/5-1 du 19 mars 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la réalité des faits sur lesquels l'administration s'est fondée pour prendre la décision attaquée n'est pas établie ;
- la sanction d'exclusion temporaire de deux ans présente un caractère excessif et disproportionné ; cette décision est donc entachée d'erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2016, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C...B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- les conclusions de M. Ouardes, rapporteur public,
- et les observations de Me Cantier, avocat de Mme C...B....
1. Considérant que Mme C...B..., professeure de lycée professionnel hors classe, détachée auprès de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) du 1er novembre 2012 au 31 août 2015 en vue d'exercer les fonctions de professeur d'anglais au lycée La Fontaine de Niamey au Niger, a été suspendue de sa mission par décision de l'Agence en date du 24 avril 2014, et, par arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, en date du 16 juillet 2014, a été exclue temporairement de ses fonctions pour une durée de deux ans ; que Mme C...B...relève régulièrement appel du jugement du 19 mars 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en annulation de cet arrêté du 16 juillet 2014 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) " ; qu'aux termes de l'article 66 de la loi
n° 84-16 du 11 janvier 1984 susvisée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. (...) troisième groupe : - (...) la rétrogradation - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans (...) " ; qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire, constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;
3. Considérant que la sanction prise à l'encontre de Mme C...B...est fondée notamment sur un comportement inconvenant à l'endroit de plusieurs de ses élèves du lycée La Fontaine en ne respectant pas l'attitude respectueuse et la distance attendue d'un enseignant à l'égard de ses élèves ; qu'elle a porté, par ses agissements, préjudice à la politique culturelle, éducative et de coopération française au Niger ; qu'il lui est en particulier reproché d'avoir échangé avec l'une de ses élèves sur le réseau social " Facebook " des messages inconvenants et répétés les 3 décembre 2013, 17 janvier 2014 et 10 février 2014, dans lesquels elle a déclaré avoir eu une relation intime avec l'un de ses anciens élèves, le jeuneA..., mineur de moins de quinze ans au moment des faits ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des motifs même de l'arrêté attaqué que la mesure d'exclusion temporaire prise à l'encontre de Mme C...B...a été motivée par des messages inconvenants et répétés adressés par elle à l'une de ses élèves, C., sur la messagerie instantanée du réseau social " Facebook ", les 3 décembre 2013, 17 janvier 2014 et
10 février 2014, dans lesquels elle dissuadait celle-ci de lui " piquer " Y., élève de sa classe de seconde, avec lequel elle déclarait avoir eu des relations sexuelles ; que ces faits ont été rapportés le 22 avril 2014 par le père de C. à l'attaché de sécurité intérieure auprès de l'ambassade de France au Niger, et confirmés par le jeune Y. au cours de deux entretiens, dans lesquels celui-ci a confié avoir eu au moins une relation sexuelle avec Mme C...B...le 9 ou le
16 janvier 2014, après qu'elle l'eut emmené à son domicile en voiture, et avoir fait l'objet d'un harcèlement de la part de celle-ci ; que, si Mme C...B...soutient qu'elle n'aurait pas tenu les propos incriminés et que son ordinateur aurait été " piraté ", les éléments qu'elle apporte à l'appui de ses allégations, sont, en l'absence de vraisemblance chronologique et de plausibilité technique, dépourvus de caractère probant ; qu'en effet, d'une part l'attestation, au demeurant très générale, de la coordinatrice de vie scolaire du lycée, témoignant de ce que l'intéressée aurait évoqué la possibilité, à la fin de l'année 2013, qu'un tiers ait pu accéder à son ordinateur alors que celui-ci était en " salle d'anglais " du lycée et la copie de l'échange sur le réseau social " Facebook " entre Mme C...B...et une de ses connaissances, dans lequel l'enseignante évoque le possible piratage de son compte, ont été établis à l'occasion de la procédure disciplinaire ; que, d'autre part, les propos incriminés tenus sur le réseau social sont pour leur majeure partie datés de la soirée, alors que le lycée et les salles sont fermés durant cette période ; que si Mme C... B...fait valoir qu'un tiers aurait pu avoir accès à son profil " Facebook " et se faire passer pour elle à distance, il ressort toutefois des échanges versés au dossier, que ceux-ci sont dénués d'ambigüité sur son identité, dès lors, notamment, que l'élève C. la vouvoie et semble, par moment, poursuivre par voie numérique des échanges qui auraient débuté en dehors du réseau social ; qu'en tout état de cause, et eu égard aux conditions d'utilisation du réseau social " Facebook ", à la longueur de la période durant laquelle elle a correspondu avec l'élève C., Mme C...B..., alors même qu'il n'est pas contesté qu'elle utilisait le réseau social " Facebook " pour converser avec ses élèves, n'aurait pas pu ignorer pendant une période aussi longue qu'un tiers menait des conversations sous son profil alors que le réseau " Facebook " garde en mémoire et affiche l'ensemble des conversations avec les correspondants d'un même profil ; qu'enfin, il ne ressort pas des pièces versées au dossier que la requérante aurait engagé une quelconque procédure judicaire à raison du prétendu piratage de son compte " Facebook " ou aurait procédé à des démarches particulières auprès de l'opérateur, alors même que la teneur des propos qui auraient été échangés en son nom et leur durée dans le temps exigeaient de telles procédures et démarches ; que, par ailleurs, Mme C...B...soutient, d'une part, qu'elle aurait été dans l'impossibilité matérielle de commettre les faits qui lui sont reprochés le 9 janvier 2014, dès lors que sa voiture était en réparation ce jour là et, d'autre part, qu'elle donnait des cours particuliers à un élève, le 16 janvier 2014 ; que ; toutefois, ainsi que le fait valoir le ministre de l'éducation nationale en défense, la facture du garage automobile qu'elle produit à l'appui de la première allégation n'établit pas que sa voiture était immobilisée le 9 janvier 2014 ; que l'attestation produite par Mme C...B...est trop générale pour justifier de son indisponibilité le 16 janvier 2014 dès lors que le parent de l'élève à qui les cours particuliers étaient dispensés se borne à indiquer, dans cette attestation, que l'intéressée donnait cinq heures de cours hebdomadaires à son fils ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, les éléments sur lesquels le ministre s'est appuyé pour prononcer la décision d'exclusion temporaire de fonctions sont circonstanciés, plausibles et concordants ; que, par suite, du fait de la crédibilité de l'argumentation du ministre, le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits doit être écarté ;
5. Considérant, en second lieu, que le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, pour prononcer la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans, a relevé que Mme C...B..., " par ses agissements, (...) a porté préjudice à la politique culturelle, éducative et de coopération française au Niger " et que les faits en cause " sont particulièrement répréhensibles, eu égard à la nature des fonctions et aux obligations déontologiques spécifiques, de dignité notamment, qui incombent au personnel enseignant " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le jeune Y. avec lequel Mme C...B...a déclaré avoir eu des relations sexuelles et qui a témoigné de son comportement inconvenant, scolarisé dans l'établissement scolaire où la requérante était professeure, était âgé de moins de 15 ans au moment des faits ; que les faits en cause, qui constituent le délit d'atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans, sont passibles de poursuites pénales et ont été signalés par la directrice de l'AEFE au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Lyon ; que la circonstance que ce signalement n'ait pas entraîné de condamnation pénale est sans incidence sur la légalité de la sanction litigieuse, dès lors que les procédures pénales et disciplinaires sont indépendantes ; que la double circonstance que Mme C...B...puisse se prévaloir de très bons états de service, dans la période antérieure aux faits qui lui sont reprochés, et que des parents d'élèves du lycée français de Niamey ont produit des témoignages qui lui sont favorables, postérieurement à la procédure disciplinaire dont elle a fait l'objet, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions, pour une durée de deux ans, infligée à Mme C...B..., ne présente, eu égard à la gravité et à l'incompatibilité des faits reprochés à l'intéressée avec les fonctions de professeur de lycée français à l'étranger, au surplus dans un pays particulièrement sensible comme le Niger, pays qui fournit l'essentiel de l'uranium utilisé en France et où des Français ont été enlevés pendant les années précédentes, et qui connaît l'activité violente du mouvement islamiste " Boko Haram ", aucun caractère disproportionné, alors même que la requérante n'a pas eu d'antécédents disciplinaires et fait état de bons états de service pour la période antérieure auxdits faits ; que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dans le choix de la sanction doit donc également être écarté ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C...B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...C...B...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2016 à laquelle siégeaient :
M. Krulic, président de chambre,
M. Auvray, président-assesseur,
M. Pagès, premier conseiller,
Lu en audience publique le 27 septembre 2016.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
J. KRULIC
Le greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02004