Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Manureva Tours a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005, 2006 et 2007, mises en recouvrement par rôles nos 1020, 1021 et 1022 du 3 avril 2013, ainsi que des intérêts de retard y afférents.
Par un jugement n° 1400307 du 27 janvier 2015, le Tribunal administratif de la
Polynésie française l'a déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005, 2006 et 2007, ainsi que des intérêts de retard y afférents.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 mai 2015, le gouvernement de la Polynésie française, représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400307 du 27 janvier 2015 du Tribunal administratif de la Polynésie française en ce qu'il a déchargé la société Manuvera Tours des cotisations supplémentaires d'impôts au titre de l'impôt sur les sociétés pour les exercices 2005, 2006 et 2007 et en ce qu'il a condamné la Polynésie française à lui payer la somme de 150 000 F CFP ;
2°) de rejeter la demande présentée par Société Manureva Tours devant le Tribunal administratif de la Polynésie Française ;
3°) de mettre à la charge de Société Manureva Tours le versement d'une somme de
3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que l'administration fiscale a procédé à la remise en cause du crédit d'impôt en application de l'article 375-1 du code des impôts dans sa rédaction issue de la délibération n° 2001-211 du 20 décembre 2001 parue au JOFP du 27 décembre 2001;
- la prescription de trois ans prévue par l'article 451-1 du code des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition, n'était pas acquise dès lors que le fait générateur permettant de déterminer le point de départ du délai de reprise est la date de présentation du certificat de conformité, soit le 1er janvier 2016, la présentation du certificat de conformité de la tranche B ayant été reportée au 31 décembre 2015 ;
- les règles d'urbanisme ne sont pas opposables à l'administration fiscale ;
- les intérêts de retard ont été appliqués à bon droit à raison du retard dans la perception de la créance au profit du Trésor.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2015, la société Manureva Tours, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement d'une somme de 4 000 euros soit mis à la charge de la Polynésie française sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le délai de prescription est de trois ans et non de cinq ans en application de l'article 451-1 du code des impôts dans sa version antérieure à la loi du pays de 2009 ;
- la délivrance du certificat de conformité pour la tranche A le 27 octobre 2006 a fait courir le délai de reprise ;
- elle a respecté son engagement de conservation des parts et des apports prévu par l'article 374-1 du code des impôts.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la réclamation préalable ;
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- le code des impôts de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.
1. Considérant que la société Manureva Tours a participé au financement du projet de construction d'un complexe hôtelier implanté près du parcours de golf de Témaé à Mooréa comprenant un hôtel, un club house et un hangar de maintenance, projet porté par la société
South Pacific Golf and Resort Development (SPGRD) dans le cadre d'un dispositif d'incitation fiscale à l'investissement en Polynésie française ; que ce dispositif a permis à la société Manureva Tours d'imputer un crédit d'impôt sur l'impôt sur les transactions dû au titre des exercices 2005, 2006 et 2007 ; que le service de l'urbanisme ayant délivré en 2006 un certificat de conformité pour la tranche A du projet relative aux travaux du club house et du hangar de maintenance, la société SPGRD a estimé qu'elle pouvait autoriser le 30 décembre 2006 la société Manureva Tours à mettre fin à sa participation ; que lors d'une vérification de comptabilité de la société SPGRD en 2011, le service a constaté que la construction de l'hôtel n'était pas achevée ; que l'administration a notifié à la société Manureva Tours, par une notification de redressements en date du 1er décembre 2011, des redressements en matière d'impôt sur les transactions au titre des exercices 2005, 2006 et 2007 à raison de la remise en cause de l'imputation du crédit d'impôt, au motif que la contribuable n'avait pas respecté son engagement de conservation des investissements ; que la Polynésie française relève appel du jugement du 27 janvier 2015 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a déchargé la société Manureva Tours des impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes auxquelles elle avait été assujettie ;
Sur le moyen de décharge retenu par le tribunal :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 374-1 du code des impôts de la Polynésie française, dans sa rédaction issue de la délibération n° 2001-211 APF du 20 décembre 2001 : " Les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés bénéficient d'un crédit d'impôt de 60 % pour tout financement égal ou supérieur à 10 millions de francs réalisé dans un projet de construction à vocation hôtelière d'un coût total ou supérieur à 200 millions de francs. / (...) Le bénéfice du crédit d'impôt est subordonné à l'engagement pris par le bénéficiaire de conserver les actions, parts ou apports au moins jusqu'à la date de délivrance du certificat de conformité (...) / Ces avantages sont remis en cause, et l'impôt dont le crédit a été préalablement accordé devient immédiatement exigible, nonobstant le cas échéant, l'expiration des délais de prescription, dans les circonstances suivantes : /- non-respect des conditions prévues par les dispositions du présent article ; (...) - non-présentation du certificat de conformité à l'issue du quarante-deuxième mois suivant celui de la délivrance du permis de construire (...) " ; qu'aux termes de l'article 451-1 du code des impôts de la Polynésie française, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette ou la liquidation des impôts et taxes visés au présent code ainsi que les erreurs commises dans l'établissement des impositions, dans l'application des tarifs ou dans le calcul des cotisations peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due. " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 374-1 du code des impôts de Polynésie française que les avantages résultant de l'imputation du crédit d'impôt qu'elles prévoient peuvent être remis en cause dès lors que le certificat de conformité n'a pas été présenté à l'issue du quarante deuxième mois suivant la délivrance du permis de construire ; que, d'autre part, le point de départ du délai de reprise par l'administration du bénéfice du crédit d'impôt obtenu sur le fondement des dispositions précitées de l'article 374-1 du code des impôts de la Polynésie française est la date du fait générateur de l'impôt ; que le fait générateur de l'imposition résultant de la remise en cause de l'imputation du crédit d'impôt doit ainsi être rattaché à l'année au cours de laquelle le délai de 42 mois a expiré ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le projet ci-dessus mentionné a fait l'objet d'un permis unique délivré le 17 juillet 2003 ; que, par une lettre du
25 mai 2005, le ministre de l'urbanisme a autorisé la société SPGRD à entreprendre les travaux en deux tranches, une tranche A correspondant à la construction du club house et du hangar de maintenance et une tranche B correspondant à la construction de l'hôtel ; que la tranche A du projet a fait l'objet d'un certificat de conformité le 27 octobre 2006, soit dans le délai de quarante deux mois prévu par les dispositions précitées ; que, par ailleurs, il est constant que la société
Manureva Tours n'a pas retiré sa souscription avant le 30 décembre 2006 ; qu'il résulte du point 3 que le délai de reprise de trois ans dont disposait l'administration pour réparer les omissions et insuffisances constatées dans l'assiette ou la liquidation de l'impôt sur les transactions au titre des années 2005 à 2007 avait, en application des dispositions précitées de l'article 451-1, expiré lorsque l'administration a remis en cause l'imputation du crédit d'impôt par une notification de redressements du 1er décembre 2011 ; que, par suite, l'administration fiscale, pour remettre en cause l'imputation du crédit d'impôt, ne pouvait plus utilement se prévaloir de ce que la société
Manureva Tours ne pouvait mettre fin à sa souscription avant la délivrance du certificat de conformité pour l'ensemble du projet ;
5. Considérant, en second lieu, que l'administration invoque encore un report du point de départ du délai de reprise, compte tenu des prorogations successives de délai accordées à la société SPGRD pour présenter le certificat de conformité relatif à la tranche B du projet ; qu'il résulte toutefois des dispositions précitées de l'article 374-1 qu'il n'est fait mention d'aucune circonstance permettant de suspendre le délai de présentation du certificat de conformité ; qu'ainsi la société SPGRD aurait dû produire le certificat de conformité de la tranche B au plus tard le 17 janvier 2007 en application de ces dispositions ; qu'il appartenait dès lors à l'administration d 'exercer son droit de reprise jusqu'au 31 décembre 2010 ; que par suite, et alors même que le ministre de l'économie a informé en 2011 la société SPGRD que les souscriptions devaient être conservées jusqu'à l'achèvement du projet hôtelier dans son ensemble, et sans qu'elle puisse utilement se prévaloir de l'indépendance des législations en matière d'urbanisme et en matière fiscale, la Polynésie française n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale pouvait bénéficier d'un report du point de départ du délai de reprise pour notifier les redressements en litige ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Polynésie française n'est pas fondée à soutenir que la prescription ne lui était pas opposable ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Polynésie française n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a accordé la décharge des impositions supplémentaires en litige et des pénalités dont elles étaient assorties ; que les dispositions de l'article L. 761-1 ne faisaient pas obstacle au versement de la somme qu'elle a été condamnée à verser à ce titre ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française le versement à la société Manureva Tours de la somme qu'elle demande en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle aux conclusions sur ce fondement de la Polynésie française, partie perdante dans la présente instance ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la Polynésie française est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Manureva Tours présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Manureva Tours et à la Polynésie française.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- Mme Lescaut, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 30 septembre 2016.
Le rapporteur,
G. MOSSERLe président,
L. DRIENCOURT Le greffier,
A-L. PINTEAU
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02125