Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SNC 107 boulevard Soult a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la Ville de Paris à lui verser la somme de 152 461,93 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation des dommages subis du fait de l'illégalité de la décision du maire de Paris en date du 10 juin 2008 ordonnant l'arrêt des travaux d'installation d'un ascenseur dans l'immeuble sis 107 boulevard Soult (Paris, XIIème arrondissement) et de la décision en date du 24 septembre 2008 par laquelle le maire s'est opposé à la déclaration portant sur ces travaux.
Par un jugement n° 1111675/7-2 du 1er décembre 2014, le tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à cette demande et condamné la ville de Paris à verser à la SNC 107 boulevard Soult la somme de 51 024, 83 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2011 pour la somme de 23 024,83 euros et du 22 juin 2012 pour celle de 28 000 euros, ainsi que la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 février 2015 et un mémoire enregistré le 17 octobre 2016, la SNC 107 boulevard Soult, représentée par la SCP Fabre-Luce Mazzacurati, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1111675/7-2 du 1er décembre 2014 du tribunal administratif de Paris, en tant qu'il a fixé à 28 000 euros l'indemnisation du préjudice par elle subi en raison du manque à gagner sur les ventes de lots intervenues avant l'annulation de la décision d'opposition illégale du maire de Paris et de porter cette somme à 70 989 euros, assortis des intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2012 ;
2°) de mettre à la charge de la ville de Paris le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la somme de 23 024,83 euros correspond au préjudice causé par l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de payer des intervenants avec lesquels elle avait passé contrat pour des travaux qui n'ont pu être réalisés ou qui l'ont été en pure perte ;
- s'agissant du manque à gagner sur les lots vendus sans que l'ascenseur ait pu être construit, il ne doit en être déduit, dès lors que le tribunal administratif a écarté toutes les ventes de lots conclues ou à conclure postérieurement à l'annulation des décisions municipales, que la part des travaux d'installation de l'ascenseur proportionnelle aux six lots retenus par lui comme ayant subi un manque à gagner en lien direct et certain avec l'illégalité.
Par un mémoire enregistré le 29 septembre 2016, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête d'appel de la SNC 107 boulevard Soult ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- d'annuler le jugement n° 1111675/7-2 du 1er décembre 2014 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il l'a condamnée à verser à la SNC 107 boulevard Soult la somme de 51 024,83 euros assortie d'intérêts et la somme de 1 500 euros au titre des frais de procédure ;
- de rejeter la demande présentée par la SNC 107 boulevard Soult devant le tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de la SNC 107 boulevard Soult la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le manque à gagner invoqué par la requérante à l'appui de son appel principal n'a pas de lien avec l'usage ultérieur d'un ascenseur, mais résulte de l'absence de réalisation des travaux d'installation de ce dernier avant la vente des lots ; c'est donc bien la totalité du coût afférent aux travaux d'installation qui devait être pris en compte et déduit du manque à gagner indemnisé au titre des seuls six lots vendus pendant la période considérée, et non un coût réparti entre l'ensemble des lots de l'immeuble ;
- les premiers juges ont admis à tort la recevabilité des conclusions indemnitaires de l'appelante qui portaient sur le préjudice relatif au manque à gagner sur les ventes d'appartements de l'immeuble, préjudice qui n'était mentionné ni dans la demande préalable adressée à l'administration ni dans la requête présentée au tribunal administratif ;
- le préjudice lié au coût des travaux, aux honoraires et aux frais d'assurance exposés pour l'installation de l'ascenseur ne revêt pas un caractère certain, les sommes n'ayant pas été engagées en pure perte ;
- le préjudice tiré du manque à gagner résultant d'un prix de vente du bien sans ascenseur revêt un caractère hypothétique, dès lors que le certificat d'expertise produit par l'appelante ne permet pas d'établir la réalité d'un différentiel entre le prix de vente sans ascenseur et la valeur vénale avec ascenseur.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- les observations de Me Mazzacurati, avocate de la SNC 107 boulevard Soult et Me Claude-Loonis, avocate de la ville de Paris.
Une note en délibéré présentée pour la SNC 107 boulevard Soult a été enregistrée le 7 novembre 2016.
1. Considérant que la SNC 107 boulevard Soult a entrepris au cours de l'année 2008 des travaux de rénovation, comportant notamment l'installation d'un ascenseur, dans l'immeuble de cinq étages sur rez-de-chaussée qu'elle avait acquis à cette adresse, dans le 12ème arrondissement de Paris ; qu'un agent de la ville de Paris s'est rendu sur place le 10 juin 2008, a constaté, selon le procès-verbal d'infraction ensuite dressé le 7 juillet 2008, la " création d'une trémie d'un mètre carré au rez-de-chaussée d'un immeuble sur cour avec démolition partielle du mur d'échiffre " sans autorisation administrative préalable et a indiqué au représentant de la société que les travaux devaient être interrompus et qu'une déclaration préalable en régularisation devait être déposée ; que la société a alors déposé, le 20 juin 2008, une déclaration préalable en vue de la régularisation des travaux pour l'implantation de l'ascenseur ; que par un arrêté du 24 septembre 2008, le maire de Paris s'est opposé à ces travaux au motif que " les démolitions envisagées sur un escalier de grande qualité, lui-même faisant partie d'un ensemble bâti remarquable et très bien préservé, typique de l'architecture faubourienne, [étaient] de nature à compromettre la protection du patrimoine bâti (article L. 421-6 du code de l'urbanisme) " ; que sur la demande de la SNC 107 boulevard Soult, le tribunal administratif de Paris a annulé, par un jugement du 17 décembre 2010, la décision d'opposition, au motif que les travaux litigieux ne nécessitaient aucune autorisation au titre du code de l'urbanisme ; que ce jugement est devenu définitif à la suite du rejet par le Conseil d'Etat, le 9 novembre 2011, du pourvoi en cassation déposé par la ville de Paris ;
2. Considérant que, saisi par la SNC 107 boulevard Soult, le tribunal administratif de Paris a, par le jugement contesté du 1er décembre 2014, décidé que les illégalités entachant les décisions des 10 juin et 24 septembre 2008 constituaient des fautes de nature à engager la responsabilité de la ville de Paris ; qu'il a, à ce titre, mis à la charge de la ville de Paris, d'une part, la somme totale de 23 024,83 euros en réparation du préjudice lié au coût des travaux, honoraires et frais d'assurance exposés inutilement en 2008 pour l'installation de l'ascenseur et la remise en état de l'immeuble, et, d'autre part, la somme de 28 000 euros correspondant au manque à gagner résultant pour la SNC 107 boulevard Soult de la vente de six appartements, entre le 31 août 2009 et le 24 juin 2010, à des prix inférieurs à ceux auxquels ces biens auraient pu être vendus si l'immeuble en cause avait été équipé d'un ascenseur ;
3. Considérant que la SNC demande à la Cour de réformer ce jugement en portant l'indemnisation de son manque à gagner à la somme de 70 989 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2012 ; que ; par la voie de l'appel incident, la ville de Paris demande l'annulation du même jugement, en tant qu'il l'a condamnée dans les conditions décrites au point 2, et le rejet de la demande de l'appelante formée devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur le préjudice lié au coût des travaux, aux honoraires et aux frais d'assurance exposés pour l'installation de l'ascenseur ayant fait l'objet d'une décision illégale d'opposition à travaux :
4. Considérant que la SNC 107 boulevard Soult a justifié devant le tribunal administratif, par la production des factures et des contrats signés avec les constructeurs, des frais exposés en 2008 en vue de l'installation de l'ascenseur puis pour la remise en état des lieux à la suite de l'opposition exprimée le 10 juin et le 24 septembre par la ville de Paris, ainsi que des honoraires d'architecte, du bureau de contrôle et des frais d'assurance correspondant à ces travaux ; que si l'installation d'un ascenseur a pu être reprise après l'annulation de l'opposition à déclaration préalable par le tribunal administratif et la confirmation du jugement par le Conseil d'Etat, il ne résulte pas de l'instruction que les sommes ainsi versées en 2008, pour un montant total de 23 024,83 euros, ne l'auraient pas été en pure perte ; qu'il s'ensuit que la ville de Paris n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris l'a condamnée à indemniser la SNC 107 boulevard Soult de ce chef de préjudice à hauteur de la somme de 23 024,83 euros, assortie des intérêt au taux légal à compter du 13 avril 2011, date de réception de la demande préalable ;
Sur le préjudice lié au manque à gagner dans la vente des lots :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance ;
5. Considérant que pour démontrer qu'elle a subi un préjudice du fait des décisions illégales ayant fait obstacle à l'installation, de 2008 à fin 2010, d'un ascenseur dans l'immeuble, l'appelante produit un certificat d'expertise immobilière qui fait apparaître, pour chacun des appartements vendus pendant la période de référence, le prix auquel a été réalisée la vente et celui auquel elle aurait, selon le cabinet auteur de l'étude, pu être réalisée si l'immeuble avait été doté d'un ascenseur ; que cependant les auteurs de ce document relèvent que, si en moyenne les appartements avec ascenseur se sont vendus légèrement plus cher que les appartements sans ascenseur ( + 2,9% en 2009 et + 0,60 % en 2010), l'analyse du marché, alors que toute comparaison entre appartements est très difficile, ne permet pas d'établir d'écart clairement chiffrable entre le prix de vente d'un appartement sans ascenseur et sa valeur vénale avec ascenseur ; que, dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la SNC 107 boulevard Soult a subi un manque à gagner dû à l'absence d'ascenseur lors de la vente, entre juin 2008 et décembre 2010, de six appartements de l'immeuble ; que, dès lors, la ville de Paris est fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris l'a condamnée à indemniser la SNC 107 boulevard Soult de ce chef de préjudice à hauteur de la somme de 28 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2012 ; que la SNC 107 boulevard Soult, en revanche, n'est pas fondée à soutenir que le tribunal a fait une estimation insuffisante du même chef de préjudice ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, qu'il a lieu de réformer l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Paris, en limitant à la somme de 23 024,83 euros, assortie des intérêt au taux légal à compter du 13 avril 2011, le montant du préjudice de la SNC 107 boulevard Soult que la ville de Paris doit être condamnée à indemniser et, d'autre part, que le surplus des conclusions d'appel incident de la ville de Paris et les conclusions d'appel principal de la SNC 107 boulevard Soult doivent être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la ville de Paris fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dont les dispositions s'opposent à ce que la SNC 107 boulevard Soult, qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme que la ville de Paris a été condamnée à verser à la SNC 107 boulevard Soult par l'article 1er du jugement n° 1111675/7-2 du tribunal administratif de Paris du 1er décembre 2014 est ramenée à 23 024,83 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2011.
Article 2 : Les conclusions de la SNC 107 boulevard Soult et le surplus des conclusions de la ville de Paris sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC 107 boulevard Soult et à la ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Amat, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 novembre 2016.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLa présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
A. LOUNIS La République mande et ordonne au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA00490