Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros, en réparation du préjudice résultant de l'illégalité fautive commise par le préfet de police, avec intérêts et capitalisation à compter du 3 juillet 2014, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification du jugement.
Par un jugement n° 152682/7-1 du 3 mars 2016 le Tribunal administratif de Paris a fait partiellement droit à cette demande en mettant à la charge de l'Etat le versement à M. A...de la somme de 15 693,44 euros, majorée des intérêts à compter du 3 juillet 2014, avec capitalisation des intérêts au 3 juillet 2015 puis à chaque échéance annuelle.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 3 mai et
12 octobre 2016, le préfet de police demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1502682/7-1 du
3 mars 2016 en tant que le Tribunal administratif de Paris a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 15 193,44 euros à M.A....
Il soutient que :
- il n'existe pas de lien de causalité direct et certain entre le refus de titre de séjour opposé à M. A...le 19 janvier 2009 et les pertes de rémunérations dont il demande à être indemnisé ;
- le préjudice matériel dont M. A...fait état ne revêt pas de caractère certain ;
- seul est justifié le versement de la somme de 500 euros allouée au titre de son préjudice moral.
Par des mémoires en défense enregistrés les 10 août et 21 décembre 2016, M.A..., représenté par le Cabinet Bourg-Rochiccioli, conclut au rejet de la requête du préfet de police, à ce que la somme allouée au titre de son préjudice moral soit portée à 5 000 euros et à la condamnation de l'Etat au versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761- du code de justice administrative.
Il soutient que :
- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
- eu égard aux incidences de la décision du préfet sur son état de santé, son préjudice moral doit être évalué à 5 000 euros.
Par ordonnance du 19 décembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au
3 janvier 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2009-137 du 9 février 2009 relatif à la carte professionnelle, à l'autorisation préalable et à l'autorisation provisoire des salariés participant aux activités privées de sécurité définies à l'article 1er de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Appèche,
- les conclusions de M. Cheylan rapporteur public,
- et les observations de Me Blanc, avocat de M. B...A....
1. Considérant que le Tribunal administratif de Paris, par jugement n° 0902876
du 20 mai 2009, confirmé par arrêt de la Cour de céans n° 09PA04073 du 20 octobre 2010, a annulé pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 16 janvier 2009 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler le titre de séjour de M.A..., et fait obligation à celui-ci de quitter le territoire français ; que M. A...a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros, en réparation du préjudice résultant de l'illégalité fautive commise par le préfet de police, avec intérêts à compter du 3 juillet 2014 et capitalisation des intérêts, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification du jugement ; que, par un jugement n° 1502682/7-1 du 3 mars 2016, le Tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à la demande de M. A...en mettant à la charge de l'Etat le versement de la somme de 15 693,44 euros en réparation du préjudice matériel fixé à
15 193,44 euros et du préjudice moral évalué à 500 euros, subis par l'intéressé ; que le préfet de police relève appel de ce jugement, en tant qu'il a condamné l'Etat à réparer à hauteur de
15 193,44 euros le préjudice matériel de M.A... ;
2. Considérant, en premier lieu, que, comme le relève le préfet de police, il résulte de l'instruction et notamment du certificat de travail établi par l'employeur de M. A..., ainsi que des fiches de paye afférentes aux mois de janvier à avril 2009, que si l'intéressé occupait bien, depuis le 23 septembre 2007 un emploi d'agent de sécurité en vertu d'un contrat à durée indéterminée, la date de son licenciement par son employeur, n'est intervenue qu'à compter du 1er avril 2009 ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que le préfet de police fait valoir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la perte, par M.A..., de l'emploi d'agent de sécurité qu'il occupait, en vertu dudit contrat, résultait directement de l'impossibilité dans laquelle celui-ci s'est trouvé de justifier, auprès de son employeur, du renouvellement de son titre de séjour venu à expiration le 20 janvier 2009, en raison du refus préfectoral illégalement opposé à la demande faite par l'intéressé en ce sens ; que le préfet de police fait valoir que l'exercice de la profession d'agent de sécurité a été, à compter de l'entrée en vigueur du décret susvisé du 9 février 2009, subordonné à la détention d'une carte de professionnelle exigible au plus tard le 31 mars 2009 et que M.A..., destinataire d'un courrier de son employeur en date du 6 février 2009, l'informant de la nécessité de lui fournir notamment l'équivalent d'un extrait de casier judiciaire n° 3 établi par les autorités de son pays, en vue de constituer le dossier de demande de carte professionnelle, n'a pas donné suite à cette demande ; que le préfet de police soutient que, M. A...n'étant pas en possession de ladite carte professionnelle le 1er avril 2009, il ne pouvait exercer sa profession, et que son licenciement à cette date ne trouve pas, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, sa cause dans la décision du 19 janvier 2009 portant refus de renouvellement de son titre de séjour ;
4. Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 4 du décret susmentionné : " La demande de carte professionnelle est également accompagnée des documents suivants : 1° Pour les ressortissants français et ceux d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, la copie d'une pièce d'identité en cours de validité ; 2° Pour les ressortissants d'un autre Etat que ceux mentionnés au 1°, la copie de leur titre de séjour en cours de validité portant autorisation d'exercer une activité salariée ; 3° Pour les ressortissants étrangers, le document équivalant à une copie du bulletin n° 3 du casier judiciaire, délivré depuis moins de trois mois par une autorité judiciaire ou administrative compétente de leur pays d'origine ou de provenance et accompagné, le cas échéant, d'une traduction en langue française ; 4° La justification de l'aptitude professionnelle acquise. " ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions rappelées ci-dessus que le dossier de demande de carte professionnelle destinée à l'exercice de la profession d'agent de surveillance devait impérativement comporter la copie du titre de séjour en cours de validité de l'étranger désireux d'exercer cette profession ; que la décision du 19 janvier 2009, refusant à M. A...le renouvellement de son titre de séjour venu à expiration le 20 janvier 2009, faisait ainsi obstacle à ce qu'il pût constituer utilement un dossier de demande de carte professionnelle ; que par suite, le préfet de police, qui n'établit pas, ni au demeurant n'allègue, que M. A...aurait également été dans l'impossibilité de fournir un autre des documents énumérés par cet article comme la copie de l'équivalent d'un bulletin n° 3 du casier judiciaire de moins de trois mois, n'est pas fondé à soutenir que le licenciement de M.A..., intervenu le 1er mai 2009, ne serait pas la conséquence directe du défaut de possession d'un titre de séjour en cours de validité consécutivement au refus de renouvellement du 19 janvier 2009 ; que le courrier adressé à M. A...par la société Triomph sécurité, son employeur, le 3 février 2009, l'informant de son intention de suspendre son contrat de travail faute, pour ce salarié, d'avoir justifié du renouvellement de son titre de séjour comme il avait été invité à plusieurs reprises à le faire, et le cas échéant de procéder à son licenciement, de même que le courrier susmentionné en date du 6 février 2009 lui demandant de fournir, outre l'équivalent de l'extrait de casier judiciaire, une copie de son titre de séjour en cours de validité, corroborent l'existence de ce lien direct entre, d'une part, le refus fautif de renouvellement du titre de séjour de M. A...et, d'autre part, la suspension du contrat de travail puis le licenciement de l'intéressé ;
6. Mais, considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment des fiches de paie produites en première instance par M.A..., que celui-ci a été en arrêt de travail pour maladie du 9 janvier 2009 au 31 janvier 2009 et n'a, de ce fait, perçu au titre de ce mois qu'un salaire de 262,01 euros ; qu'en conséquence, l'absence de titre de séjour à compter du
19 janvier 2009, n'est pas à l'origine des pertes de salaire subies durant le mois de janvier 2009, par M. A... ;
7. Considérant, en quatrième lieu, que le congé susmentionné de maladie de M. A...s'est prolongé durant la totalité des mois de février, mars et avril 2009, comme cela ressort des fiches de paie produites par l'intéressé devant le tribunal administratif ; que si M. A...soutient que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé le 19 janvier 2009 serait à l'origine de la dégradation de son état de santé et de la prolongation de ses absences pours congés de maladie, il est constant que la période d'absence pour raisons de santé de M.A..., lequel souffre d'une pathologie lourde, au titre de laquelle il avait formulé sa demande de titre de séjour, avait commencé le 9 janvier 2009, soit dix jours avant que ne lui fût fautivement opposé un refus de renouvellement de son titre de séjour ; que, dans ces conditions, et nonobstant le certificat médical établi par un médecin généraliste produit pour la première fois en appel et daté du 14 octobre 2016, faisant état d'un syndrome anxio-dépressif traité à compter de janvier 2009, l'imputabilité de ce syndrome au refus illégal de titre de séjour ne peut être tenue pour établie, la prescription médicale datée du 11 février 2009 produite par le requérant et établie par un médecin du département de psychiatrie de l'hôpital Paul Brousse, mentionnant, d'ailleurs, ladite prescription comme relative au traitement de l'affection reconnue, de longue durée, dont est atteint M.A... ; qu'en conséquence, le manque à gagner subi par l'intéressé, durant les mois de février, mars et avril 2009, résulte également de l'état de santé de M. A... ; que, d'ailleurs, contrairement à ce qu'il soutient, M.A..., qui ne conteste pas avoir rempli les conditions relatives au quantum d'heures travaillées ou au montant de cotisations ou à la durée d'immatriculation requises par les articles L. 321-1 et R. 313-3 du code de la sécurité sociale, était en droit, nonobstant son défaut de titre de séjour, de percevoir, durant ces congés de maladie, des indemnités journalières de son régime d'assurance maladie ;
8. Considérant qu'il suit de là que, M. A...ayant été en position de congé de maladie du
9 janvier au 30 avril 2009, il n'était, en tout état de cause, pas en état de travailler et les pertes de rémunérations subies durant cette période, imputables à son état de santé dégradé, ne peuvent être regardées comme résultant des agissements de son employeur mentionnés au point 4, motivés par le défaut de titre autorisant le salarié à séjourner et à travailler en France ; que ces pertes de rémunération ne peuvent donc être considérées comme un préjudice direct et certain résultant du refus fautif d'octroi d'un titre de séjour intervenu le 19 janvier 2009 ; que par suite, c'est à tort que les premiers juges ont accordé à M. A...une indemnisation au titre des pertes de salaires subies durant cette période ;
9. Considérant que M.A..., dont le licenciement, notifié par lettre recommandée en date du 29 avril 2009, n'a pris effet, comme cela ressort de la fiche de paie du mois d'avril 2009, qu'au plus tôt à compter du début de mois de mai 2009, soutient qu'il s'est retrouvé, en raison du refus de titre de séjour qui lui a été illégalement opposé, privé d'emploi et donc de salaires, jusqu'en janvier 2011, qu'il n'a retrouvé un emploi à temps partiel qu'à compter de cette date et un emploi à temps complet qu'à compter d'août 2013 ; que, toutefois, il ne produit aucun document de nature à démontrer qu'à compter du 1er mai 2009, il était involontairement privé d'emploi ; qu'en effet, l'unique document émanant de Pôle emploi, versé au dossier du tribunal administratif, retrace les paiements opérés à son profit sur la période allant du 1er février 2010, soit neuf mois après son licenciement, au 7 janvier 2011 et ne fait état, sur cette période, d'aucun versement antérieur à juin 2010, des versements mensuels correspondant à l'allocation de retour à l'emploi n'y étant mentionnés que pour les mois de juin 2010, soit treize mois après la date d'effet du licenciement, à novembre 2010 ; que M.A..., qui a été mis en possession, à partir du 24 juin 2009, d'un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler puis d'un titre de séjour, ne produit aucun document de nature à établir sa situation de demandeur d'emploi et le montant des ressources de toute nature dont il a bénéficié durant la période qui a suivi directement son licenciement, soit à compter du 1er mai 2009 et jusqu'au 1er février 2010 ; que, dans ces conditions, en l'absence de toute information précise et de tout justificatif concernant sa situation, durant cette période de neuf mois consécutive à son licenciement, M. A...ne justifie pas avoir subi, durant cette période, un préjudice matériel réel et certain qui serait constitué de pertes de rémunérations directement liées à son licenciement ; qu'enfin, s'il établit, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, avoir été demandeur d'emploi, bénéficiaire de l'allocation de retour à l'emploi, du mois de juin 2010 au mois de novembre 2010, cette situation ne peut être considérée, en l'absence de toute précision concernant sa situation durant les neuf mois précédant, comme la conséquence directe du licenciement intervenu le 1er mai 2009, motif pris du défaut de titre l'autorisant à séjourner et à travailler en France et donc comme directement liée au refus fautif de renouvellement de son titre de séjour ; que M. A...ne justifiait donc pas davantage d'un préjudice matériel indemnisable constitué de pertes de ressources pour la période postérieure au mois d'avril 2009 ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a mis à la charge de l'Etat une somme de 15 193,44 euros en réparation du préjudice matériel subi par M.A... ;
11. Considérant que, si M. A...a entendu, devant la Cour, faire valoir qu'outre les pertes de rémunérations, il a également subi des troubles dans ses conditions d'existence résultant de la perte de son emploi et de la longue période durant laquelle il a été privé de travail, et un préjudice moral, il ne résulte pas de l'instruction, eu égard notamment à ce qui a été dit ci-dessus, que du fait de l'intervention de l'arrêté préfectoral illégal du 16 janvier 2009 lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, il pourrait prétendre à une indemnisation de ces préjudices supérieure à celle, d'un montant de 500 euros accordée par le jugement du Tribunal administratif de Paris et non contestée en appel par le préfet de police ; que notamment, le certificat médical produit par M. A...devant la Cour ne permet pas de tenir pour établie l'existence d'un lien direct entre, d'une part, ses troubles psychiatriques et l'aggravation alléguée de son état de santé et, d'autre part, le refus fautif de titre de séjour qui lui a été opposé ; qu'il suit de là que le préfet de police est fondé à obtenir la réformation du jugement attaqué en tant qu'il met à la charge de l'Etat le versement à M. A...d'une indemnité excédant 500 euros avec droit aux intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2014 et capitalisation des intérêts échus à la date du 3 juillet 2015, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ; que les conclusions de M. A...tendant à l'obtention d'une indemnité excédant ce montant, présentées tant en première instance que devant la Cour, doivent être rejetées ; qu'il en va de même de celles présentées par l'intéressé devant la Cour au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administratif, l'Etat n'ayant pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante ;
DECIDE :
Article 1er : Le montant de l'indemnité fixée à l'article 1er du jugement n° 152682/7-1
du 3 mars 2016 du Tribunal administratif de Paris est ramené de 15 693,44 euros (quinze mille six cent quatre vingt treize euros et quarante quatre centimes) à 500 (cinq cents) euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2014. Les intérêts échus à la date du
3 juillet 2015, puis à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le surplus de la demande présentée par M. A...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 1er février 2017, où siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- Mme Jimenez, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 février 2017.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S.DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 16PA01503