Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. NA. a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du
24 février 2016 par lequel le ministre de l'intérieur l'a assigné à résider dans la commune de Lagny- sur-Marne, a fixé les heures auxquelles il doit se présenter au commissariat de Lagny-sur-Marne, l'a astreint à demeurer dans les locaux où il réside de 21h30 à 7h30, et lui a interdit de se déplacer en dehors de son lieu d'assignation à résidence sans autorisation préalable du préfet de Seine et Marne.
Par un jugement n° 1603486/1 du 10 novembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 novembre 2016, M. N. A., représenté par
MeD..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Melun n° 1603486/1
du 10 novembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 24 février 2016 prononçant une assignation à résidence à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation ;
- il n'était pas un " lieutenant " de l'ancien imam ;
- il n'a été en relation qu'avec un individu mis en examen qui a bénéficié d'un non lieu dans le cadre de ce dossier ;
- il n'assurait pas la gestion de la mosquée de Lagny-sur-Marne ;
- aucune école coranique n'a jamais été créée à son domicile.
La requête a été communiquée au ministre de l'intérieur qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 modifiée ;
- la loi n° 2016-162 du 19 février 2016 ;
- le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 ;
le décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. V,
- les conclusions de Mme W, rapporteur public.
1. Considérant que M. A. relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 février 2016 par lequel le ministre de l'intérieur l'a assigné à résider dans la commune de Lagny-sur-Marne, a fixé les heures auxquelles il doit se présenter au commissariat de cette commune, l'a astreint à demeurer dans les locaux où il réside de 21h30 à 7h30, et lui a interdit de se déplacer en dehors de son lieu d'assignation à résidence sans autorisation préalable du préfet de Seine et Marne ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi susvisée du 3 avril 1955 modifiée relative à l'état d'urgence, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " L'état d'urgence est déclaré par décret en Conseil des ministres. Ce décret détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur. / Dans la limite de ces circonscriptions, les zones où l'état d'urgence recevra application seront fixées par décret. / La prorogation de l'état d'urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi. " ; qu'aux termes de l'article 6 de la même loi : " Le ministre de l'intérieur peut prononcer l'assignation à résidence, dans le lieu qu'il fixe, de toute personne résidant dans la zone fixée par le décret mentionné à l'article 2 et à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics dans les circonscriptions territoriales mentionnées au même article 2. Le ministre de l'intérieur peut la faire conduire sur le lieu de l'assignation à résidence par les services de police ou les unités de gendarmerie. / La personne mentionnée au premier alinéa du présent article peut également être astreinte à demeurer dans le lieu d'habitation déterminé par le ministre de l'intérieur, pendant la plage horaire qu'il fixe, dans la limite de douze heures par vingt-quatre heures. (...) Le ministre de l'intérieur peut prescrire à la personne assignée à résidence :1° L'obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, selon une fréquence qu'il détermine dans la limite de trois présentations par jour, en précisant si cette obligation s'applique y compris les dimanches et jours fériés ou chômés (...) " ;
3. Considérant qu'en application de la loi du 3 avril 1955, l'état d'urgence a été déclaré par le décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015, à compter du même jour à zéro heure, sur le territoire métropolitain ; qu'il a été prorogé pour une durée de trois mois, à compter du 26 novembre 2015, par l'article 1er de la loi du 20 novembre 2015, puis prorogé à nouveau pour une durée de trois mois à compter du 26 février 2016 par l'article unique de la loi du 19 février 2016, pour une durée de deux mois à compter du 26 mai 2016 par l'article unique de la loi du 20 mai 2016 et pour une durée de six mois à compter du 21 juillet 2016 par l'article 1er de la loi du 21 juillet 2016 ; que l'article 1er de la loi du 19 décembre 2016 a prorogé l'état d'urgence jusqu'au 15 juillet 2017 ; qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 portant application de la loi du 3 avril 1955 : " Outre les mesures prévues aux articles 5, 9 et 10 de la loi du 3 avril 1955 susvisée, sont applicables à l'ensemble du territoire métropolitain et de la Corse, les mesures mentionnées aux articles 6, 8, et au 1° de l'article 11. " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments précis et circonstanciés contenus dans les " notes blanches " établies par les services de renseignement, que, d'une part, la salle de prière dite " Mosquée de Lagny-sur-Marne ", gérée depuis 2010 par l'association " Retour aux sources ", a servi à M. C...son fondateur pour ses activités de prêche et d'enseignement en faveur d'un islamisme radical, prônant le rejet des valeurs de la République et de l'Occident, l'hostilité aux chrétiens et aux chiites et faisant l'apologie du djihad armé ainsi que de la mort en martyr ; que cette salle a également servi de lieu d'endoctrinement et de recrutement de combattants volontaires, dont plusieurs ont rejoint les rangs de Daech et ont combattu en Irak et en Syrie, où certains sont décédés ; qu'à la suite du départ de M. C...pour l'Egypte, en décembre 2014, afin d'y rejoindre une vingtaine de disciples qu'il avait formés à Lagny-sur-Marne et auxquels il continue d'enseigner une vision radicale de l'islam et de prôner l'engagement dans le djihad armé, la salle de prière a été gérée, en fait ou en droit, par trois associations étroitement imbriquées, " Retour aux sources ", " Retour aux sources musulmanes " créée en 2013 et l'" Association des musulmans de Lagny-sur-Marne " créée en 2015, comprenant les mêmes dirigeants, proches du fondateur de cette mosquée, qui ont continué à propager son idéologie ; qu'en outre, plusieurs des prédicateurs ayant officié à la mosquée et des fidèles ont fait l'objet de mesures d'interdiction de sortie du territoire français ; que certaines des personnes fréquentant la mosquée ont été interpellées, mises en examen ou incarcérées en raison de leur participation à des filières terroristes ; que, d'autre part, M. A. ne conteste pas avoir fréquenté assidument cette mosquée de Lagny-sur-Marne et avoir entretenu des liens avec son ancien imam, dont il était en outre voisin, jusqu'à son départ en décembre 2014 pour l'Egypte, ainsi qu'avec des fidèles, dont son frère, qui l'ont rejoint en zone irako-syrienne ; qu'il ne conteste pas figurer avec cet ancien imam sur une photographie produite par les services de renseignement ; qu'il ne conteste pas avoir participé à la gestion de cette mosquée, avoir été vice-trésorier de l'association " Le retour aux sources musulmanes " ; qu'il reconnait expressément avoir acquis en son nom des tables, des chaises et des bancs destinés à aménager cette mosquée ; qu'après avoir reconnu scolariser sa fille ainée alors âgée de 7 ans à son domicile, il ne conteste pas sérieusement avoir hébergé une école coranique dotée d'un matériel pédagogique dans l'appartement de sa compagne ; que lors de la perquisition survenue à son domicile le 2 décembre 2015, des disques de chants à la gloire des combattants djihadistes y ont été saisis; qu'en fondant sa décision sur l'ensemble de ces éléments, dont il n'est pas établi qu'ils seraient entachés d'une inexactitude matérielle, et en considérant qu'ils étaient de nature à justifier une assignation à résidence, le ministre de l'intérieur n'a entaché sa décision d'aucune erreur de fait, de droit ou d'appréciation ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A. est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. N. A. et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 21 février 2017, à laquelle siégeaient :
- M. V, président de chambre,
- Mme X, président assesseur,
- M. Y, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 7 mars 2017.
Le président rapporteur,
VLe président assesseur,
X
Le greffier,
ZLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03521