Vu la procédure suivante :
M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du
3 avril 2015 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 1505002/5 du 26 février 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er juillet 2016, M. A..., représenté par Me Simorre, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1505002/5 du 26 février 2016 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne en date du 3 avril 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative à fin de délivrance d'un titre de séjour sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros à verser à son avocat, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les décisions sont insuffisamment motivées ;
- il n'a pas été procédé à un examen de sa situation personnelle ;
- il n'a pas bénéficié du droit d'être entendu spécifiquement sur la mesure portant obligation de quitter le territoire français ; il n'a été entendu qu'avant la décision de rejet de sa demande d'asile, ce qui ne lui a pas permis de faire valoir l'évolution de sa situation familiale ;
- la décision de refus de séjour méconnaît les articles L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 27 mai 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mosser, rapporteur,
- et les observations de Me Simorre, avocat de M. A....
1. Considérant que M. B...A..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 12 octobre 1978, est entré en France le 16 avril 2011 selon ses déclarations ; que par une première décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en date du 30 mars 2012 confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du
11 décembre 2012, sa demande tendant à ce que lui soit reconnu le statut de réfugié ou accordé le bénéfice de la protection subsidiaire a été rejetée ; que par une nouvelle décision de l'OFPRA en date du 23 juin 2014 confirmée par une décision de la CNDA du 22 décembre 2014 sa demande a de nouveau été rejetée ; que par un arrêté en date du 3 avril 2015, le préfet de Seine-et-Marne a opposé un refus à sa demande d'admission sur le territoire au titre de l'asile, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que M. A...relève appel du jugement du 26 février 2016 par lequel le
Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant, d'une part, que la décision de refus de séjour comporte l'énoncé des considérations de droit, notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle comporte également les considérations de faits relatives à la situation personnelle du requérant, notamment la date de son entrée sur le territoire français et le fait qu'il ne soit pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ; que, d'autre part, la motivation de l'obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement ; qu'ainsi, dès lors que ce refus est suffisamment motivé, et que, comme en l'espèce, les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français y ont été rappelées, la décision portant obligation de quitter le territoire est, elle-même, suffisamment motivée ; qu'ainsi le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté ;
3. Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, aucun élément du dossier ne permet de retenir que sa situation personnelle telle que le préfet avait pu en avoir connaissance n'aurait pas fait l'objet de la part de l'administration d'un examen particulier ; qu'ainsi le moyen tiré de l'absence d'examen de sa situation personnelle ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant que lorsqu'il fait obligation à un étranger de quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; qu'enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie ;
5. Considérant que M. A...fait valoir qu'il n'a été entendu par la préfecture qu'avant le rejet de sa demande d'asile ; qu'il soutient ainsi qu'il n'a pas été mis en mesure d'informer l'administration des changements intervenus dans sa vie familiale et notamment son concubinage depuis 2013 avec MmeC..., ainsi que la circonstance qu'il participe à l'éducation et à l'entretien des deux enfants de sa compagne nés d'une première union ; que toutefois, M. A...a disposé d'un laps de temps suffisant pour exposer des éléments nouveaux sur sa situation personnelle, compte tenu de ce qu'il s'est écoulé près de trois ans entre la date à laquelle la première décision de l'OFPRA lui a été notifiée et celle à laquelle le préfet a statué sur sa demande ; qu'aucune pièce versée au dossier ne permet de retenir qu'il a souhaité transmettre à la préfecture de nouveaux éléments quant à sa situation familiale ou que celle-ci l'aurait privé de cette possibilité ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas été entendu par l'administration avant que le préfet ne se prononce sur son admission au séjour au titre de l'asile et lui fasse obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; et qu'aux termes de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;
7. Considérant que M. A...soutient qu'il est arrivé en France le 16 avril 2011 et qu'il vit en concubinage avec Mme C...depuis l'année 2013 ; qu'il fournit à l'appui de sa requête une attestation d'hébergement signée par MmeC..., une quittance de loyer au nom de Mme C...; que l'intéressé fournit également les déclarations de revenus pour les années 2012, 2013 et 2014 dans lesquelles il atteste être hébergé gratuitement par sa concubine ainsi qu'une facture de gaz à leurs deux noms et un acte de reconnaissance de l'enfant à naître en 2016 ainsi que les documents de suivi de grossesse de sa compagne ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'aucun document fourni ne permet d'établir que M. A...contribue effectivement à l'entretien des enfants de sa compagne et que la naissance de l'enfant du couple en 2016, est postérieure à l'arrêté ; que l'arrêté préfectoral mentionne également que l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine puisque ses deux enfants mineurs y vivent encore et qu'il y a lui-même vécu jusqu'à ses 33 ans ; que, par suite, l'intéressé n'établit pas l'intensité de ses liens personnels et familiaux en France ; qu'ainsi, la décision de refus d'admission au séjour de M. A...n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise ; qu'ainsi, l'arrêté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour les mêmes motifs l'arrêté n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni n'est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 mars 2017.
Le rapporteur,
G. MOSSER
Le président,
M. HEERS
Le greffier,
C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA02127