La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2017 | FRANCE | N°15PA01517

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 30 mars 2017, 15PA01517


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 427 252 euros, assortie d'intérêts moratoires, en réparation du préjudice subi du fait du dysfonctionnement du service public de la juridiction administrative.

Par un jugement n° 1406703 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et l'a condamné à une amende de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 427 252 euros, assortie d'intérêts moratoires, en réparation du préjudice subi du fait du dysfonctionnement du service public de la juridiction administrative.

Par un jugement n° 1406703 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et l'a condamné à une amende de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 13 avril 2015 et 14 novembre 2016, M. A..., représenté par Me Laporte, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1406703 du 5 février 2015 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 427 252 euros, assortie d'intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée du fait du fonctionnement défectueux de la justice administrative lié à la méconnaissance par le Conseil d'Etat, quand il a statué par sa décision du 4 mai 2011, de son obligation de transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne, en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la question préjudicielle dont il était saisi ;

- le refus de transmission de la question préjudicielle constitue une violation manifeste du droit de l'Union européenne ; la question préjudicielle était sérieuse car le règlement n° 1408/71 du conseil du 14 juin 1971 est applicable à sa situation ; la décision du Conseil d'Etat du 4 mai 2011 l'a privé d'une chance d'être déchargé des contributions dont il a été à tort déclaré redevable ;

- sa requête devant le tribunal administratif de Paris ne présentait pas le caractère d'un recours abusif.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2015, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande de M. A...est irrecevable faute d'une décision préalable de l'administration liant le contentieux ;

- aucun des moyens du requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amat,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- les observations de Me Laporte, avocat de M.A....

1. Considérant que M.A..., associé et dirigeant d'une société française exploitant un commerce en France, a perçu au cours des années 2002, 2003 et 2004 des dividendes de cette société, qui ont été assujettis par l'administration fiscale à la contribution sociale généralisée (CSG), à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et au prélèvement social sur les revenus du patrimoine ; qu'à la demande de M. A..., le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, par un jugement du 27 mars 2007 confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 28 mai 2009, déchargé le contribuable des cotisations de CRDS et de prélèvement social auxquelles il avait été assujetti à raison de ces dividendes et a rejeté le surplus de ses conclusions ; que, par une décision du 4 mai 2011, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi de M. A...ainsi que ses conclusions tendant à ce que la Cour de justice de l'Union européenne soit saisie d'une question préjudicielle relative à la compatibilité des articles 1600-0 C et 1600-0 F du code général des impôts avec les principes résultant du règlement n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté ; que M. A... relève appel du jugement du 5 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à la réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du dysfonctionnement de la justice administrative que constitue selon lui le refus du Conseil d'Etat de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle qu'il avait formulée dans son pourvoi ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

2. Considérant qu'en vertu des principes généraux régissant la responsabilité de la puissance publique, une faute lourde commise dans l'exercice de la fonction juridictionnelle par une juridiction administrative est susceptible d'ouvrir droit à indemnité ; que si l'autorité qui s'attache à la chose jugée s'oppose à la mise en jeu de cette responsabilité dans les cas où la faute lourde alléguée résulterait du contenu même de la décision juridictionnelle et où cette décision serait devenue définitive, la responsabilité de l'Etat peut cependant être engagée dans le cas où le contenu de la décision juridictionnelle est entaché d'une violation manifeste du droit communautaire ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel: a) sur l'interprétation des traités, b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union. Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question. Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour (...) " ; qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que les juridictions nationales de dernier ressort ne sont toutefois pas tenues de renvoyer une question d'interprétation du droit communautaire soulevée devant elles si la question n'est pas pertinente, notamment dans les cas où la réponse à cette question quelle qu'elle soit ne peut avoir aucune influence sur la solution du litige qui leur est soumis ;

4. Considérant que M. A...soutient que le Conseil d'Etat, en ne transmettant pas à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle qu'il lui avait soumise, a entaché sa décision du 4 mai 2011 d'une violation manifeste du droit communautaire, et notamment de l'article 267 du TFUE, ce qui lui a fait perdre une chance d'obtenir la décharge des impositions qu'il contestait ; que, toutefois, il n'apporte au soutien de cette allégation aucun élément de nature à démontrer que la réponse à la question préjudicielle qu'il souhaitait voir posée était susceptible d'exercer une influence sur l'issue du litige l'opposant à l'administration fiscale ; que, notamment, s'il se prévaut, dans son mémoire en réplique, de deux arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne du 1er février 2000, d'un arrêt rendu le 26 février 2015 par cette même juridiction et de la décision n° 365511 du Conseil d'Etat du 17 avril 2015, il ne démontre pas qu'il résulterait de ces différentes décisions juridictionnelles que la question préjudicielle que le Conseil d'Etat a refusé de transmettre était pertinente pour l'examen de sa situation personnelle ; que M. A...n'établit pas davantage que le Conseil d'Etat aurait, depuis qu'il a statué le 4 mai 2011 sur l'affaire le concernant, contredit, afin de se conformer au droit de l'Union européenne, la position qu'il avait alors adoptée ; qu'ainsi il ne résulte pas de l'instruction que la décision du 4 mai 2011 serait entachée d'une violation manifeste du droit communautaire ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers ; que M. A..., sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir invoquée par le garde des sceaux, ministre de la justice, n'est dès lors pas fondé à rechercher la responsabilité de l'Etat à raison du dysfonctionnement de la justice administrative ;

En ce qui concerne l'application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3000 euros " ;

6. Considérant qu'eu égard à l'objet de la requête de M. A... et aux moyens qui y étaient développés, sa demande de première ne présentait pas un caractère abusif ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a condamné M. A...au versement d'une amende pour recours abusif ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris l'a condamné à verser une somme de 2 000 euros pour recours abusif en application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais de procédure qu'il a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1406703 du 5 février 2015 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 mars 2017.

Le rapporteur,

N. AMATLa présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

A. LOUNIS La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 15PA01517


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 15PA01517
Date de la décision : 30/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: Mme Nathalie AMAT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : SIERACZEK-LAPORTE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-03-30;15pa01517 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award