Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme à responsabilité limitée Vidéopolis France a demandé au Tribunal administratif de Paris la restitution d'un crédit d'impôt recherche dont elle s'estime titulaire au titre de l'exercice clos en en 2012 pour un montant de 43 243 euros.
Par un jugement n° 1313640/1-2 du 23 juin 2015 le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 septembre 2015 et le 4 novembre 2016, la société Vidéopolis France, représentée par la SELARL Gramond et associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1313640/1-2 du 23 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer le remboursement de ce crédit à hauteur de 43 243 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions des articles 244 quater B du code général des impôts et 49 septies G de l'annexe III à ce code ont été méconnues en ce que les dépenses de rémunération versées à M. A...et à M. B...étaient éligibles dès lors qu'ils participaient directement aux activités de recherche et développement ; le fait qu'ils n'aient qu'un diplôme de management est sans incidence dès lors qu'ils exercent effectivement des activités de définition, de planification et de gestion des aspects scientifiques et techniques des projets de recherche et développement et travaillent dans ce cadre en étroite collaboration avec les ingénieurs et chercheurs ; le " manuel de Frascati ", § 300, auquel se réfère la doctrine fiscale BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 n° 1 inclut dans la catégorie des chercheurs les " cadres de direction et les administrateurs ayant des activités de planification et de gestion des aspects scientifiques et techniques des travaux des chercheurs " ;
- elle réalisait des opérations de recherche de développement expérimental au sens de l'article 49 septies F du code général des impôts ; il résulte de ce texte et du Guide du crédit d'impôt recherche 2012 édité par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche que l'amélioration substantielle du produit développé, notamment par l'essai de prototypes ayant pour objectif de lever des incertitudes techniques, constitue une opération de recherche éligible ; l'utilisation d'installations pilotes permettant de réaliser de multiples tests est reconnue par l'instruction fiscale du 21 février 2012 n° 4 A-3-12 comme faisant partie des activités de recherche et développement ; ces opérations n'avaient pas pour finalité d'enrichir un outil informatique mais d'identifier des verrous technologiques par rapport à un état de l'art existant et la recherche de l'amélioration des performances imposait la mise en oeuvre de solutions techniques innovantes et risquées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions à fin d'annulation de la décision de rejet partiel de la demande de restitution sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par la société Vidéopolis France ne sont pas fondés ;
- en application de l'article 199 C du livre des procédures fiscales, il est en droit d'opposer pour la première fois devant la Cour le fait que les dépenses litigieuses n'ont pas été exposées dans le cadre d'opérations de recherche au sens des dispositions des articles 244 quater B du code général des impôts et 49 septies F de l'annexe III au même code dès lors qu'elles avaient seulement pour finalité d'adapter des outils informatiques préexistants et d'augmenter leurs performances.
Par ordonnance du 7 novembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 décembre 2016 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire présenté par le ministre de l'économie et des finances a été enregistré le 2 mai 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Notarianni,
- et les conclusions de M. Blanc, rapporteur public.
1. Considérant que la société à responsabilité limitée Vidéopolis France, qui exerce son activité dans le domaine informatique et multimédia, a sollicité, au titre de l'exercice clos en 2012, le remboursement d'un crédit d'impôt en faveur de la recherche sur le fondement des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts pour un montant de 77 980 euros, qui ne lui a été accordé qu'à hauteur de 34 737 euros, l'administration ayant regardé comme non éligible les rémunérations versées à deux dirigeants de la société au motif que ces derniers avaient des diplômes de management et ne pouvaient être assimilés à des ingénieurs ou des scientifiques ; qu'elle relève appel du jugement du 23 juin 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de remboursement du crédit d'impôt recherche dont elle s'estime titulaire au titre de l'exercice clos en 2012 pour un montant de 43 243 euros ;
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Considérant qu'aux termes du II de l'article 244 quater B du code général des impôts : " Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations (...) ; qu'aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : [...] c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté. " ; qu'aux termes enfin de l'article 49 septies G de l'annexe III au même code : " Le personnel de recherche comprend : / 1. Les chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux. Sont assimilés aux ingénieurs les salariés qui, sans posséder un diplôme, ont acquis cette qualification au sein de leur entreprise. / 2. Les techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental. (...) Dans le cas des entreprises qui ne disposent pas d'un département de recherche, les rémunérations prises en compte sont exclusivement celles versées aux chercheurs et techniciens à l'occasion d'opérations de recherche" ; que, pour l'application de ces dispositions, ouvrent droit au crédit d'impôt, les dépenses de personnel afférentes notamment aux salariés qui, sans posséder un diplôme d'ingénieur, se livrent à des opérations de recherche et ont acquis, au sein de leur entreprise, des compétences les assimilant, par le niveau et la nature de leurs activités, aux ingénieurs impliqués dans la recherche ; qu'il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de bénéficier du crédit d'impôt recherche prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts ;
3. Considérant, d'une part, qu'il est constant que MM. A...et B...n'étaient pas titulaires d'un diplôme d'ingénieur ou scientifique mais de diplômes de management, étant respectivement titulaires de diplômes de l'Ecole supérieure de commerce de Paris et de l'EM Lyon Business School et qu'ils occupaient des fonctions de direction dans la société requérante respectivement en tant que " chief executive officer ", correspondant à un poste de directeur général, et de " chief operating officer ", correspondant à un poste de directeur des opérations ; que la société requérante n'établit pas comme elle l'allègue que ces personnels avaient acquis au cours de leur carrière des compétences techniques les assimilant, par le niveau et la nature de leurs activités, aux ingénieurs impliqués dans les travaux de recherche de la société requérante ; qu'en tout état de cause, s'ils participaient comme elle le fait valoir aux activités de définition, de planification et de gestion des aspects scientifiques et techniques des projets de recherche et développement de la société en collaboration avec les ingénieurs et chercheurs de l'entreprise, il ne résulte pas de l'instruction que cette participation excédait celle correspondant à leurs fonctions de direction générale d'une société exploitant une activité dans le domaine informatique et multimédia pour correspondre pour partie à celle d'un ingénieur relevant de ces domaines ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la qualification d'opérations de développement expérimental au sens du c de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts des activités dont se prévaut la société requérante, que celle-ci n'est pas fondée à soutenir, sur le plan de l'application de la loi fiscale, que les dépenses de rémunérations de ces deux salariés devaient être prises en compte pour le calcul du crédit impôt recherche en litige ;
Sur le bénéfice de la doctrine fiscale :
5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration " ;
6. Considérant que la société Vidéopolis France n'est pas fondée à se prévaloir des diverses doctrines qu'elle invoque, dès lors, et en tout état de cause, qu'une demande de remboursement de crédit d'impôt ne constitue pas un rehaussement au sens du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre précité ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède la société Vidéopolis France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Vidéopolis France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vidéopolis France et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 11 mai 2017 à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Dalle, président assesseur,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er juin 2017.
Le rapporteur,
L. NOTARIANNILe président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA03560