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18/07/2017 | FRANCE | N°16PA01943

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 18 juillet 2017, 16PA01943


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 11 avril 2014 par laquelle la directrice adjointe du centre pénitentiaire de Fresnes a décidé son placement à l'isolement du 12 avril 2014 au 12 juillet 2014.

Par un jugement n° 1405361 du 15 avril 2016, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 juin 2016, M. A...B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'a

nnuler le jugement n° 1405361 du 15 avril 2016 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 11 avril 2014 par laquelle la directrice adjointe du centre pénitentiaire de Fresnes a décidé son placement à l'isolement du 12 avril 2014 au 12 juillet 2014.

Par un jugement n° 1405361 du 15 avril 2016, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 juin 2016, M. A...B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1405361 du 15 avril 2016 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 11 avril 2014 par laquelle la directrice adjointe du centre pénitentiaire de Fresnes a décidé son placement à l'isolement du 12 avril 2014 au 12 juillet 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un détournement de procédure, visant à le sanctionner sans les garanties du droit disciplinaire ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 juin 2017, le ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public.

1. Considérant que M. A...B..., né en mai 1973, était incarcéré depuis le 10 janvier 2014 au centre pénitentiaire de Fresnes, en exécution d'un reliquat de peine restant à subir de deux ans, un mois et quatorze jours pour des faits de détention frauduleuse de plusieurs faux documents administratifs et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans ; qu'il était également sous mandat de dépôt dans quatre affaires notamment pour des faits de corruption active et passive par une personne dépositaire de l'autorité publique et trafic d'influence ; que par une décision du 11 avril 2014, la directrice adjointe du centre pénitentiaire de Fresnes l'a placé à l'isolement pour une période de trois mois du 12 avril 2014 au 12 juillet 2014 ; que le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de M. B...tendant à l'annulation de cette décision par un jugement en date du 15 avril 2016 dont l'intéressé relève appel devant la Cour ;

Sur la légalité externe de la décision litigieuse :

2. Considérant qu'en vertu du dernier alinéa de l'article R. 57-7-64 du code de procédure pénale, la décision d'isolement d'office initial doit être motivée ; qu'en l'espèce, la décision attaquée, qui vise notamment l'article R. 57-7-62 du code de procédure pénale, est motivée par le fait que M. B... a reconnu détenir des produits non cantinables au centre pénitentiaire de Fresnes, produits qu'il n'avait pu acquérir régulièrement puisqu'il n'a pas effectué de séjour préalable dans un autre établissement pénitentiaire, et qu'il convient de prendre toutes dispositions pour prévenir la réitération de ces introductions frauduleuses, alors que l'intéressé a été placé sous mandat de dépôt pour des faits de corruption active ; que la décision comporte ainsi les motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire a pu, à sa seule lecture, en connaître les motifs ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision en litige manque en fait doit être écarté ;

Sur la légalité interne de la décision litigieuse :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 726-1 du code de procédure pénale : " Toute personne détenue, sauf si elle est mineure, peut être placée par l'autorité administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l'isolement par mesure de protection ou de sécurité soit à sa demande, soit d'office. (...) Le placement à l'isolement n'affecte pas l'exercice des droits visés à l'article 22 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, sous réserve des aménagements qu'impose la sécurité (...) " ; que l'article R. 57-7-62 du même code dispose : " La mise à l'isolement d'une personne détenue, par mesure de protection ou de sécurité, qu'elle soit prise d'office ou sur la demande de la personne détenue, ne constitue pas une mesure disciplinaire. La personne détenue placée à l'isolement est seule en cellule. Elle conserve ses droits à l'information, aux visites, à la correspondance écrite et téléphonique, à l'exercice du culte et à l'utilisation de son compte nominatif. Elle ne peut participer aux promenades et activités collectives auxquelles peuvent prétendre les personnes détenues soumises au régime de détention ordinaire, sauf autorisation, pour une activité spécifique, donnée par le chef d'établissement. Toutefois, le chef d'établissement organise, dans toute la mesure du possible et en fonction de la personnalité de la personne détenue, des activités communes aux personnes détenues placées à l'isolement. La personne détenue placée à l'isolement bénéficie d'au moins une heure quotidienne de promenade à l'air libre " ; qu'aux termes de l'article R. 57-7-66 du même code : " Le chef d'établissement décide de la mise à l'isolement pour une durée maximale de trois mois (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-7-73 du même code : " Tant pour la décision initiale que pour les décisions ultérieures de prolongation, il est tenu compte de la personnalité de la personne détenue, de sa dangerosité ou de sa vulnérabilité particulière, et de son état de santé (...) " ;

En ce qui concerne les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation :

4. Considérant que si le placement à l'isolement d'un détenu contre son gré constitue, eu égard à l'importance de ses effets sur les conditions de détention, une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, le juge administratif exerce un contrôle restreint sur les motifs d'une telle mesure ;

5. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...présente un passé pénal marqué par quatre mandats de dépôt pour des faits de corruption active, passive et trafic d'influence ; que ces éléments de personnalité pouvaient être pris en compte au regard des dispositions précitées de l'article R. 57-7-73 du code de procédure pénale ; que, d'autre part, il est constant que les produits d'hygiène, pour certains coûteux, détenus dans sa cellule par M. B... n'étaient pas autorisés au centre pénitentiaire de Fresnes et n'ont pu être obtenus dans un autre établissement ; qu'enfin, il ressort des pièces du dossier que, le 18 mars 2014, l'intéressé avait déjà fait l'objet d'un compte rendu d'incident pour l'introduction frauduleuse d'objets en détention ; qu'eu égard à l'ensemble de ces circonstances, l'administration pénitentiaire a pu sans erreur de droit considérer que la détention par M. B... de ces produits coûteux et non cantinables révélait, alors même qu'ils ne présentaient pas en eux-mêmes de danger, un risque pour la sécurité et le bon ordre dans l'établissement et était susceptible de justifier une mesure de protection ou de sécurité telle que le placement du détenu à l'isolement ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur de droit ; qu'il ne ressort pas plus des pièces du dossier que l'administration pénitentiaire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant, dans les circonstances de l'espèce, de placer M. B... à l'isolement pour une durée de trois mois ; que, par suite, ces moyens doivent être écartés ;

En ce qui concerne le moyen tiré du détournement de procédure :

6. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 57-7-62 du code de procédure pénale, citées au point 3, la décision de placer une personne détenue à l'isolement ne constitue pas une sanction disciplinaire, mais une mesure de police administrative tendant à assurer le maintien de l'ordre public et de la sécurité au sein de l'établissement pénitentiaire ou, le cas échéant, la prévention des infractions ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 5, le comportement en détention de M.B..., caractérisé par l'introduction frauduleuse réitérée d'objets en détention, justifiait une telle mesure, qui n'est pas entachée de détournement de procédure ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; qu'eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d'entière dépendance vis-à-vis de l'administration, il appartient aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie ainsi qu'à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'eu égard à la nature d'une mesure de placement d'office à l'isolement et à l'importance de ses effets sur la situation du détenu qu'elle concerne, l'administration pénitentiaire doit veiller, à tout moment de son exécution, à ce qu'elle n'ait pas pour effet, eu égard notamment à sa durée et à l'état de santé physique et psychique de l'intéressé, de créer un danger pour sa vie ou de l'exposer à être soumis à un traitement inhumain ou dégradant ;

8. Considérant, toutefois, que la légalité d'une décision administrative contestée dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise ; qu'il en résulte que les circonstances postérieures à son édiction ne sont pas de nature à affecter sa légalité ;

9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...aurait présenté, avant l'intervention de la décision attaquée, des signes cliniques révélant un état de santé incompatible avec son placement à l'isolement ; que la seule circonstance qu'il fait l'objet d'un suivi psychologique et bénéficie d'un traitement pour des manifestations anxieuses n'est pas de nature, par elle-même, à faire regarder son placement à l'isolement comme un traitement inhumain et dégradant ; qu'en outre, le requérant ne démontre pas en quoi les conditions de l'isolement subies par lui, qui sont celles prévues par l'article R. 57-7-62 du code de procédure pénale, constitueraient en elles-mêmes un traitement inhumain et dégradant ; que ces conditions de détention, limitées dans leur durée, ne peuvent, contrairement à ce que soutient le requérant, être qualifiées d'isolement sensoriel ou social total et être regardées comme un traitement inhumain et dégradant au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B...ne peut qu'être rejetée, en ce comprises ses conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative dès lors que l'État n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Cyril B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Cyril B...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2017 à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 18 juillet 2017.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIERLe greffier,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA01943


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 16PA01943
Date de la décision : 18/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : BOESEL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-07-18;16pa01943 ?
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