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06/11/2017 | FRANCE | N°16PA03740

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 06 novembre 2017, 16PA03740


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1409659-7 du 6 octobre 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 7 décembre 2016, les 1er mars et 24 juillet 2017, M. A..., représent

par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1409659-7 du 6 octobre 2016 du Tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Melun la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1409659-7 du 6 octobre 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 7 décembre 2016, les 1er mars et 24 juillet 2017, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1409659-7 du 6 octobre 2016 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est en droit d'assurer lui-même en sa qualité d'avocat sa propre représentation devant la Cour, la jurisprudence issue de la décision Manseau du Conseil d'Etat de 2009 étant contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme résultant de sa décision n° 30671/08 du 11 février 2014 Milan Masirevic c/ Serbie ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'a pas répondu à l'intégralité des moyens qu'il avait soulevés ;

- il justifie qu'il assume la charge principale de son enfant ;

- les dispositions du II de l'article 156 du code général des impôts ne font pas obstacle à la déduction de la pension alimentaire qu'il verse à son ex-épouse dès lors que celle-ci à la nature d'une charge supplémentaire non prise en compte par la majoration de son quotient familial ;

- la règle de non-cumul du quart de part de coefficient familial et de la déduction de la pension alimentaire méconnaît le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques dès lors qu'il en résulte une rupture d'égalité entre les contribuables divorcés ou séparés disposant de revenus équivalents et ayant le même nombre d'enfants dont les uns versent seulement une pension alimentaire et les autres sont en situation de garde alternée et versent en outre une pension alimentaire ;

- cette même inégalité de traitement entre les parents divorcés qui ont adopté le système de la garde alternée et les autres est constitutive d'une discrimination injustifiée en méconnaissance des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combinées avec celles de l'article 1er au protocole n° 1 à cette convention ;

- en application des instructions BOI-IR-BASE-20-30-20-20 du 12 septembre 2012 §340 et BOI-IR-BASE-20-30-20-30 du 2 mai 2014 §50, il était en droit de déduire de son revenu imposable la pension litigieuse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de M. A...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Notarianni,

- et les conclusions de M. Platillero, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite d'un contrôle sur pièces des déclarations de revenus de M. A... au titre des années 2010 et 2011, l'administration a remis en cause la déduction de la pension alimentaire qu'il avait versée à son ex-épouse pour l'entretien et l'éducation de leur enfant dont la résidence avait été fixée dans le cadre d'une garde alternée au domicile de ses deux parents par le jugement de divorce ; que M. A...relève appel du jugement du 6 octobre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de ces deux années dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que si M. A...soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, il n'assortit pas son moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé faute, notamment, d'identifier les moyens prétendument laissés sans réponse ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 194 du code général des impôts : " I. Le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable prévue à l'article 193 est déterminé conformément aux dispositions suivantes : (...) Célibataire, divorcé ou veuf sans enfant à charge : 1 / Célibataire ou divorcé ayant un enfant à charge : 1,5 (...) En cas de résidence alternée au domicile de chacun des parents et sauf disposition contraire dans la convention homologuée par le juge, la décision judiciaire ou, le cas échéant, l'accord entre les parents, les enfants mineurs sont réputés être à la charge égale de l'un et de l'autre parent. Cette présomption peut être écartée s'il est justifié que l'un d'entre eux assume la charge principale des enfants. Lorsque les enfants sont réputés être à la charge égale de chacun des parents, ils ouvrent droit à une majoration de : a) 0,25 part pour chacun des deux premiers et 0,5 part à compter du troisième, lorsque par ailleurs le contribuable n'assume la charge exclusive ou principale d'aucun enfant ; (...). II. Pour l'imposition des contribuables célibataires ou divorcés qui vivent seuls, le nombre de parts prévu au I est augmenté de 0,5 lorsqu'ils supportent à titre exclusif ou principal la charge d'au moins un enfant. Lorsqu'ils entretiennent uniquement des enfants dont la charge est réputée également partagée avec l'autre parent, la majoration est de 0,25 pour un seul enfant et de 0,5 si les enfants sont au moins deux. Ces dispositions s'appliquent nonobstant la perception éventuelle d'une pension alimentaire versée en vertu d'une décision de justice pour l'entretien desdits enfants (...) " ;

4. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que M. A...est divorcé et père d'un enfant mineur né en 2000 dont la résidence a été fixée en alternance à son domicile et à celui de son ex-épouse par un jugement de divorce du 11 décembre 2008 ; qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées du I et du II de l'article 194 du code général des impôts que dans cette situation l'enfant concerné est réputé, sauf à ce que M. A...justifie qu'il en avait en réalité la charge principale, être à la charge de ses deux parents et ouvre droit au bénéfice de chacun d'eux, dont le requérant, à une majoration de quotient familial fixée à 0,25 de part, dont M. A... a bénéficié au titre des années 2010 et 2011 ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des termes précités du I du même article que le parent en situation de garde alternée qui justifie supporter en réalité la charge principale de l'enfant bénéficie de l'attribution d'une majoration de quotient familial fixée à 0,5 part ; qu'à cet égard, si le requérant soutient qu'il avait en réalité la charge principale de l'enfant, il résulte des termes mêmes des dispositions précitées du II de l'article 194 du code général des impôts que la présomption légale prévue au I selon laquelle la charge de l'enfant est réputée partagée avec l'autre parent en cas de résidence alternée s'applique alors même que l'un des parents verse à l'autre une pension alimentaire en vertu d'une décision de justice pour l'entretien et l'éducation de l'enfant ; que, dans ces conditions, M. A...n'établit pas qu'il avait la charge principale de l'enfant commun par le fait qu'il versait une pension alimentaire à l'autre parent ; qu'ainsi, à supposer qu'il ait entendu se prévaloir des dispositions précitées, il ne justifie pas qu'il en remplissait les conditions ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du 2° du II de l'article 156 du même code : "(...) Le contribuable ne peut opérer aucune déduction pour ses descendants mineurs lorsqu'ils sont pris en compte pour la détermination de son quotient familial " ; qu'il résulte de ces dispositions que seul le parent qui ne bénéficie pas d'une majoration de quotient familial au titre d'un enfant peut prétendre à la déduction de son revenu imposable des pensions alimentaires versées pour l'entretien et l'éducation de cet enfant ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'enfant concerné était pris en compte pour la détermination du quotient familial du foyer de M.A... ; qu'il est à cet égard sans incidence que l'enfant n'ouvrait droit qu'à une majoration réduite à 0,25 part de quotient familial du fait d'une situation de garde alternée ; que, dans ces conditions, sur le plan de l'application de la loi fiscale, M. A...ne peut, conformément aux dispositions précitées du 2° du II de l'article 156 du code des impôts, prétendre à la déduction de la pension alimentaire qu'il verse à son ex-épouse pour cet enfant ;

En ce qui concerne le moyen pris de l'inconstitutionnalité de la loi :

8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité " et qu'aux termes de l'article R. 771-4 du même code : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 " ;

9. Considérant que le requérant, qui n'a pas saisi la Cour d'une question prioritaire de constitutionnalité dans les formes et conditions prévues par les dispositions précitées de l'article R. 771-3 du code de justice, n'est pas recevable à soutenir que l'impossibilité résultant du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts, en cas de garde alternée, de déduire la pension alimentaire versée à l'autre parent méconnaîtrait le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques ;

En ce qui concerne l'inconventionnalité de la loi :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international [...]" ; qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ;

11. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées du I de l'article 194 du code général des impôts que les parents divorcés en situation de garde alternée, dont les enfants sont réputés sauf preuve contraire être à la charge égale de l'un et de l'autre parent et se partagent à ce titre le bénéfice du quotient familial correspondant à cet enfant, ne se trouvent en principe pas, au regard de l'objet de cette loi, dans une situation analogue à celles des parents divorcés dont celui qui a la charge principale ou exclusive bénéficie de l'attribution intégrale du quotient familial et l'autre bénéficie du caractère déductible des pensions alimentaires qu'il verse pour l'entretien et l'éducation de cet enfant ; qu'il s'ensuit que M. A...n'est pas fondé à se prévaloir sur le fondement des stipulations précitées d'une inégalité de traitement entre ces deux catégories de parents divorcés ;

En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du même livre : " il ne sera procédé à aucun rehaussement si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration "

13. Considérant que si M. A...se prévaut de la règle générale rappelée par le § 340 de l'instruction référencées BOI-IR-BASE-20-30-20-20 du 12 septembre 2012, qui précise que " Le contribuable peut déduire de son revenu imposable la pension alimentaire qu'il a versée à son conjoint pour son entretien et celui des enfants dont il a la charge à compter de l'année au cours de laquelle la décision de justice est intervenue ", le § 420 de la même instruction rappelle que " Il résulte des dispositions du 2° du II de l'article 156 du CGI que la déduction des pensions alimentaires est limitée aux cas où l'enfant pour l'entretien duquel les sommes sont versées ne confère au débirentier aucun avantage de quotient familial " ; qu'ainsi la doctrine dont il se prévaut n'ajoute rien à la loi fiscale ;

14. Considérant, enfin, et en tout état de cause, qu'il ne peut utilement se prévaloir des termes de l'instruction BOI-IR-BASE-20-30-20-30 du 2 mai 2014, postérieure aux années d'imposition en litige ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 novembre 2017.

Le rapporteur,

L. NOTARIANNI

Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA03740


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03740
Date de la décision : 06/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Enfants à charge et quotient familial.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Laurence NOTARIANNI
Rapporteur public ?: M. PLATILLERO
Avocat(s) : LAFFARGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-06;16pa03740 ?
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