Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Cinqpats a demandé au Tribunal administratif de Paris d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, la désignation d'un expert en vue d'établir le caractère éligible de ses dépenses au crédit d'impôt recherche prévu par l'article 244 quater B du code général des impôts, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 à raison de la remise en cause de l'imputation du crédit d'impôt recherche dont elle s'estimait titulaire sur les cotisations d'impôt sur les sociétés dues au titre de ces exercices et d'ordonner la restitution, à son profit, d'un montant de 51 722 euros représentant le montant du crédit d'impôt recherche dont elle s'estimait titulaire au titre de l'année 2011.
Le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris a parallèlement, sur le fondement de l'article R*. 199-1 du livre des procédures fiscales, déféré au Tribunal administratif de Paris la réclamation contentieuse du 28 novembre 2013 par laquelle la société Cinqpats lui avait demandé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 2009 et 2010.
Par un jugement n° 1405028, 1421566 du 1er décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Cinqpats.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 janvier 2016, la société par actions simplifiée Cinqpats, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) avant dire droit, d'ordonner une expertise sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative en vue de déterminer si les dépenses en cause sont éligibles au crédit d'impôt recherche ;
3°) de prononcer les décharges sollicitées au titre des années 2009 et 2010 ;
4°) d'ordonner le versement du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2011 d'un montant de 51 722 euros ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 25 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société requérante soutient que :
- le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le tribunal a omis de lui communiquer le mémoire en réplique produit le 2 septembre 2015 par le défendeur ;
- la procédure d'imposition est irrégulière faute de débat oral et contradictoire ;
- la reprise des crédits d'impôt recherche au titre des années 2009 et 2010 ainsi que le refus de remboursement du crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2011 sont mal fondés pour s'appuyer exclusivement sur des avis qui, émis par le même agent du ministère chargé de la recherche, ne procèdent pas à une analyse des travaux de recherche qu'elle a menés, mais se bornent à énoncer que l'entreprise n'en établit point le caractère innovant, alors que tel est en réalité le cas pour cinq projets identifiés au regard de l'article 244 quater B du code général des impôts et de l'article 49 septies F de l'annexe III audit code et l'administration fiscale s'est crue en situation de compétence liée au regard de l'avis émis par l'expert du ministère chargé de la recherche.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête en toutes ses conclusions.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la société Cinqpats n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu:
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Auvray, rapporteur ;
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
1. Considérant que la société par actions simplifiée Cinqpats, qui exerce son activité dans le domaine du conditionnement des parfums et des produits cosmétiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos les 30 juin 2010 et 2011, à l'issue de laquelle le service a remis en cause son droit aux crédits d'impôt recherche qui lui avaient été remboursés, soit 173 676 euros au titre de l'année civile 2009, et 86 660 euros au titre de l'année civile 2010 ; qu'en outre, par une décision du 24 janvier 2014, le service a rejeté une demande de remboursement de crédit d'impôt recherche, d'un montant de 51 722 euros, formulée le 16 octobre 2012 par l'intéressée au moyen de la déclaration spéciale n° 2069 A au titre de l'année civile 2011;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la société Cinqpats soutient que le jugement attaqué du 1er décembre 2015 a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière au motif que les premiers juges ne lui ont pas communiqué le mémoire en duplique, enregistré le 2 septembre 2015, produit par le directeur régional des finances publiques et du département de Paris ; que, par ce mémoire, le directeur se borne à énoncer que " les développements de la requérante n'ajoutent aucun élément nouveau et qu'en conséquence, l'administration s'en tient au précédent mémoire en défense dans la mesure où tous les points en litige ont été examinés et discutés " ; que dans ces conditions, en s'abstenant de communiquer ce mémoire à la société Cinqpats, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie " ; qu'aux termes de l'article R. 45-B-1 du même livre, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses pries en compte pour la détermination du crédit d'impôt mentionné à l'article L. 45 B peut être vérifiée soit par des agents dûment mandatés par le directeur de la technologie, soit par des délégués régionaux à la recherche et à la technologie ou par des agents dûment mandatés par ces derniers. A cet effet, ils peuvent se rendre dans les entreprises après envoi d'un avis de visite (...) / Les résultats de ce contrôle sont notifiés à l'entreprise et sont communiqués à l'administration des impôts " ;
4. Considérant que ni les dispositions citées au point précédent, en vertu desquelles les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie peuvent vérifier la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts, ni aucun texte ou principe, n'imposent à ces agents d'engager avec l'entreprise un débat oral et contradictoire ; que le moyen tiré de ce que la société Cinqpats a été privée d'un tel débat avec l'expert du ministère chargé de la recherche est, par suite, inopérant ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que, dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une société commerciale a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat, soit avec les mandataires sociaux, soit avec leurs conseils, préposés ou mandataires de droit ou de fait ;
6. Considérant, s'agissant de la reprise des crédits d'impôt recherche au titre des années civiles 2009 et 2010, qu'il résulte de l'instruction et, notamment, de la proposition de rectification du 6 décembre 2012, que les opérations de contrôle se sont déroulées au siège de l'entreprise et ont donné lieu à plusieurs interventions du vérificateur entre le 7 et le 27 novembre 2012 en présence du représentant légal de la société Cinqpats ou de celle de son comptable, dûment mandaté à cet effet ; qu'en se bornant à soutenir que le vérificateur n'a pas analysé les opérations présentées comme relevant de la recherche développement, mais s'est limité à proposer un rejet faute d'éléments probants, la société Cinqpats n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que, durant les opérations de contrôle sur place qui ont eu pour seul objet la remise en cause du remboursement des crédits d'impôt accordés à l'intéressée au titre des années civiles 2009 et 2010, le vérificateur se serait refusé à tout débat oral et contradictoire, lequel n'est au demeurant requis qu'à l'égard des seules pièces comptables ;
7. Considérant, s'agissant de la décision du 24 janvier 2014 rejetant la demande de remboursement de crédit d'impôt recherche formulée le 16 octobre 2012 par la société Cinqpats au titre de l'année civile 2011, que si une telle demande constitue une réclamation au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, la décision par laquelle l'administration rejette tout ou partie d'une telle réclamation n'a pas pour autant le caractère d'une procédure de reprise ou de rectification ; que, par suite, les irrégularités susceptibles d'avoir entaché la procédure d'instruction de cette réclamation sont sans incidence sur le bien-fondé de la décision de refus de rembourser le crédit d'impôt recherche sollicité ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la requérante qui, au titre de l'année civile 2011, a en tout état de cause fait l'objet d'un contrôle sur pièces et non d'une vérification de comptabilité, aurait été privée d'un débat oral et contradictoire, est inopérant ;
8. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction et, notamment, de la proposition de rectification du 6 décembre 2012, que le vérificateur a procédé à l'analyse de chacun des projets en cause et a indiqué le ou les motifs pour lesquels le projet considéré ne pouvait être regardé comme éligible au crédit d'impôt recherche, en citant des extraits du rapport de l'expert du ministère chargé de la recherche ; que le vérificateur, qui en conclusion de la proposition de rectification, a en outre relevé l'absence de détail sur les travaux de recherche réalisés, doit ainsi être regardé comme s'étant approprié les termes du rapport de l'expert ; que, par suite, l'administration fiscale ne peut être regardée comme s'étant crue, à tort, en situation de compétence liée ;
9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " Les entreprises industrielles et commerciales (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : a) Les dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique (...) b. Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations (...) c) Les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations (...) " ; qu'aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : (...) b) Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ; c) Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, servies, ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté " ;
10. Considérant, s'agissant des années civiles 2009 et 2010, qu'il résulte de l'instruction que la société Cinqpats a présenté cinq projets, intitulés " Mascara Stylo ", " Flacon Poche Airless ", " Diffuseur de Poudre ", " Rouge Passion " et " Mascara Shake Shake ", qu'elle estime éligibles au crédit d'impôt recherche au motif que, destinés à satisfaire les demandes des plus grands groupes cosmétiques à la recherche de nouveautés et d'avancements technologiques, ils correspondent aux opérations prévues aux b) et c) de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts ;
11. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction et, notamment, des deux rapports d'expertise et du rapport de contre-expertise que les cinq projets en cause ne présentent pas un caractère de nouveauté au sens des dispositions de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts, mais constituent un simple perfectionnement de techniques déjà existantes n'ayant pas nécessité de contourner ou de lever des " verrous technologiques ", alors même que, selon les fiches descriptives produites par l'intéressée, les projets " Mascara Stylo " et " Rouge Passion " ont donné lieu à dépôt de brevets et que celui concernant le premier projet aurait été racheté ; que si, dans son avis du 26 septembre 2012, l'expert du ministère chargé de la recherche qualifie de " nouveau " le dispositif de conditionnement et d'application visé par le projet " Mascara Stylo ", il relève qu'aucune levée d'incertitude n'apparaît dans le projet ; qu'il suit de là que la société Cinqpats n'est pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui, résultant de la reprise des crédits d'impôt recherche qui lui avaient été remboursés au titre des années civiles 2009 et 2010, ont été mises en recouvrement à son encontre par avis du 8 avril 2013 ;
12. Considérant, s'agissant du refus de rembourser à la requérante un montant de 51 722 euros au titre du crédit d'impôt recherche qu'elle revendique au titre de l'année civile 2011, qu'il résulte de l'instruction que l'intéressée n'a pas donné suite à la demande de renseignements qu'elle a reçue le 26 octobre 2012 de l'administration fiscale et que, par courrier du 8 février 2013, les services du ministère de la recherche, saisis le 19 octobre 2012, ont émis un avis défavorable à l'éligibilité au crédit d'impôt recherche des projets en cause qui sont les mêmes que ceux présentés au titre des années civiles 2009 et 2010, selon la société requérante qui n'apporte aucune autre précision devant le juge de l'impôt ; que, dans ces conditions et pour les raisons énoncées au point précédent, c'est à juste titre que l'administration a refusé de faire droit à la demande de l'intéressée tendant au remboursement d'un crédit d'impôt recherche de 51 722 euros au titre de l'année civile 2011 ;
13. Considérant qu'eu égard aux éléments de fait ci-dessus rappelés sur lesquels le service s'est fondé pour estimer que les projets en cause n'étaient pas éligibles au crédit d'impôt recherche, les conclusions de la société Cinqpats tendant à ce que la Cour ordonne une expertise avant dire droit ne peuvent qu'être rejetées ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Cinqpats n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les conclusions de la requérante tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société par actions simplifiée Cinqpats est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Cinqpats et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction régionale de finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris (pôle fiscal parisien 1).
Délibéré après l'audience du 23 octobre 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- M. Auvray, président-assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 15 novembre 2017
Le rapporteur,
M. AUVRAYLe président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16PA00275