Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...F...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 26 juin 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande de changement de son nom de F...enE....
Par un jugement n° 1514863 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 décembre 2016, M. F..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1514863 du 13 octobre 2016 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 26 juin 2015 du garde des sceaux, ministre de la justice ;
3°) de dire que M. F... portera le nom de E...F...ou F...E... ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'il justifie d'un intérêt légitime au sens de l'article 61 du code civil pour être autorisé à changer de nom.
Par ordonnance du 26 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 27 novembre 2017 à 12h.
Un mémoire présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice, a été enregistré le 22 janvier 2017, postérieurement à la clôture d'instruction, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nguyên Duy,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., pour M.F....
1. Considérant que M. F...a sollicité, par une requête publiée au Journal Officiel de la République française du 7 décembre 2010, le changement de son nom, qui est celui de sa mère, afin que lui soit substitué celui de " E... ", qui est le nom de son père ; que, par une décision du 26 juin 2015, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande au motif qu'il ne justifiait pas d'un intérêt légitime au sens de la loi ; que, saisi par l'intéressé, le tribunal administratif de Paris a, par un jugement du 13 octobre 2016, rejeté son recours tendant à l'annulation de cette décision ; que M. F...relève appel de ce jugement ;
Sur le bien-fondé de la demande :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom (...) " ; que des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ;
3. Considérant que M. C...F..., né en 1982, qui n'a été reconnu par son père, M. B...E..., qu'en 2003, porte, depuis sa naissance, le nom de sa mère, en vertu de l'article 334-1 du code civil, alors applicable, selon lequel l'enfant naturel acquérait le nom de celui de ses deux parents à l'égard duquel sa filiation était établie en premier lieu ;
4. Considérant, en premier lieu, que, pour contester la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de l'autoriser à porter le nom " E... ", M. F... fait valoir qu'il a obtenu en 2010 la nationalité italienne qui était celle de son père ; que toutefois cette seule circonstance ne saurait constituer un motif légitime au sens de l'article 61 du code civil, justifiant qu'il soit autorisé à changer de nom ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que l'attachement de M. F...à son père, aujourd'hui décédé, et son souhait de porter le même nom que son demi-frère paternel ne constituent pas des circonstances exceptionnelles permettant de caractériser un intérêt légitime à changer de nom pour un motif affectif ou psychologique, par dérogation aux règles de dévolution et de fixité du nom de famille établies par la loi ; que si M. F...fait valoir que la loi française, suivant une " tradition ancestrale ", favorise la transmission du nom du père puisque, sauf choix contraire des parents, c'est le nom du père qui est dévolu à l'enfant lorsque les deux filiations sont établies simultanément, il se trouve dans le cas où son père ne l'a reconnu que 21 ans après sa mère, dont il porte le nom ;
6. Considérant, en troisième lieu, que si M. F...soutient, sans d'ailleurs le démontrer, qu'il aurait légalement pu prendre le nom de son père lorsque celui-ci l'a reconnu en 2003, il est constant qu'une telle demande n'a pas été faite à cette époque ; que, dans ces conditions, une telle circonstance ne saurait constituer l'intérêt légitime exigé par l'article 61 du code civil ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il est constant que M. F...a uniquement demandé au garde des sceaux, ministre de la justice, de substituer à son nom actuel le nom " E... ", et non d'adjoindre celui-ci au nom de sa mère ; qu'il ne peut donc utilement demander que la Cour, qui n'est compétente que pour se prononcer sur la légalité d'une décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, rejette une demande de changement de nom, l'autorise à utiliser le double nom de " E...F... " ou de " F...E... " ; qu'à supposer même que M. F...ait, dès l'origine, demandé à l'administration d'être autorisé à adjoindre le nom " E... " à celui de " F... ", il résulte de ce qu'il a été dit aux points 4 à 6 que les circonstances invoquées par le requérant, qui dispose au demeurant de la possibilité d'ajouter à son nom, à titre d'usage, le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien, en vertu de l'article 43 de la loi du 23 décembre 1985, ne sont pas de nature à constituer un motif légitime au changement de nom sollicité au sens des dispositions précitées de l'article 61 du code civil ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction doivent par suite être rejetées ;
Sur frais liés au litige :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de L'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. F...demande au titre des frais de procédure qu'il a exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. C...F...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 février 2018.
Le rapporteur,
P. NGUYEN DUY La présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
M. A...La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui la concerne ou à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03824