Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'économie mixte de la baie de la Moselle (SODEMO), a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'interpréter la convention conclue le 31 mars 1998 avec la SARL Le bout du monde et ayant pour objet l'occupation du local nommé " club house " de Port Moselle, afin de déterminer si cette convention a bien pour objet d'autoriser la société à occuper une dépendance du domaine public.
Par un jugement n° 1600129 du 3 novembre 2016, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a décidé que la convention du 31 mars 1998 conclue entre la SODEMO et la SARL Le bout du monde a pour objet l'occupation d'une dépendance du domaine public portuaire et est arrivée à échéance le 31 mars 2016.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 décembre 2016, la SARL Le bout du monde représentée par Me B..., demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1600129 du 3 novembre 2016 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie.
Elle soutient que :
- aucun critère ne permet de regarder la parcelle n° 39 comme classée dans le domaine public ;
- la parcelle a été, dès l'exécution des travaux d'endigage, classée dans le domaine privé de la Nouvelle-Calédonie ;
- l'ouvrage dans lequel elle exerce son activité ne constitue pas un ouvrage indispensable à l'exercice d'une mission de service public ; le bien n'est pas affecté à l'usage direct du public ; il ne peut être regardé comme affecté à une mission de service public ; aucune mission indispensable au service public ne s'y exerce ;
- l'activité en cause revêt un caractère commercial et ne constitue pas un accessoire indispensable au port ;
- l'incorporation au domaine public ne se présume pas ; elle doit résulter d'une volonté certaine de la collectivité propriétaire ; en l'espèce, la Nouvelle-Calédonie n'a transféré au port autonome que la gestion de la parcelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 mars 2017, la société d'économie mixte de la baie de la Moselle (SODEMO), représentée par Me Royanez, conclut à la confirmation du jugement.
Elle fait valoir que :
- la parcelle siège du " club house " du port Moselle a été incorporée au domaine public de la Nouvelle-Calédonie à compter du moment où elle a été incluse dans le périmètre du port de plaisance de la baie de la Moselle dont elle est concessionnaire ;
- les dispositions de l'article 45 de la loi organique statutaire du 19 mars 1999 prévoient que les terrains gagnés sur la mer appartiennent au domaine public et celles de la loi du pays du 11 janvier 2002 prévoient que les ports de plaisance et leurs dépendances appartiennent au même domaine public ;
- la parcelle en litige est une dépendance du port de plaisance ;
- la loi du pays du 5 septembre 2012 prévoit que le domaine public artificiel de la Nouvelle-Calédonie, des provinces, de leurs groupements et de leurs établissements publics est constitué des biens leur appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ; les critères organique et matériel sont largement satisfaits par le local du club house.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son article 77 et l'Accord sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai 1998 ;
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;
- la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer ;
- la loi du pays n° 2001-017 du 11 janvier 2002 sur le domaine public maritime de la Nouvelle-Calédonie et des provinces ;
- la loi du pays n° 2012-6 du 5 septembre 2012 fixant les règles générales du domaine public immobilier de la Nouvelle-Calédonie, des provinces, de leurs groupements et de leurs établissements publics ;
- la délibération n° 127/CP du 26 septembre 1991 relative à l'administration des intérêts patrimoniaux et domaniaux du Territoire ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- les observations de Me Royanez, avocat de la SODEMO.
1. Considérant que, en suite d'une concession d'endigage accordée au port autonome de la Nouvelle-Calédonie le 13 août 1987, des terrains exondés dans la baie de la Moselle, dont la parcelle n° 39, actuellement siège du " club house " du port Moselle, ont été incorporés, par acte du 17 octobre 1990, au domaine privé de la Nouvelle-Calédonie ; que, par un arrêté du haut-commissaire de la République, exécutif du Territoire, en date du 20 février 1998, la gestion d'une partie de ces terrains a été transférée au port autonome de la Nouvelle-Calédonie ; que le port autonome, qui avait conclu avec la société d'économie mixte de la baie de la Moselle (SODEMO), le 25 août 1989, une concession en vue de l'établissement et de l'exploitation d'un port de plaisance, a, par un " avenant n° 3 " à cette convention en date du 17 mars 1998, incorporé ces nouvelles parcelles, sur lesquelles il avait fait édifier un nouveau bâtiment à usage de " club house ", dans le périmètre du port de plaisance ; que, le 31 mars 1998, la SODEMO a conclu avec la SARL Le bout du monde, en vue de l'exploitation dudit " club house " une convention d'occupation temporaire, consentie pour une période de neuf ans, prenant effet au 1er avril 1998, renouvelable pour une période de 9 ans supplémentaire ; que, saisi par la SODEMO d'une demande d'interprétation de la convention du 31 mars 1998, le tribunal administratif de Nouméa a décidé que cette dernière a pour objet l'occupation d'une dépendance du domaine public portuaire et est arrivée à échéance le 31 mars 2016 ; que la SARL Le bout du monde demande à la Cour d'annuler ce jugement ;
2. Considérant que la demande de la SODEMO a été présentée alors qu'un litige existe entre les deux parties sur la nature de la convention conclue, convention d'occupation du domaine public ou bail commercial, et sur la possibilité pour la SODEMO, la durée stipulée d'occupation du domaine public étant arrivée à son terme, de mettre en place une procédure de mise en concurrence pour attribuer une nouvelle autorisation domaniale ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'article 5 de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer validant les concessions d'endigage sur le domaine public maritime consenties par délibération du 13 août 1987 par le congrès du territoire de la Nouvelle-Calédonie au port autonome de Nouméa que les terrains exondés appartiennent au domaine privé du territoire de la Nouvelle-Calédonie puis, à compter de la promulgation de la loi organique susvisée du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, au domaine privé de la Nouvelle-Calédonie ;
4. Considérant que, contrairement à ce que soutient la SODEMO, l'article 45 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, en vertu duquel le domaine public maritime des provinces comprend notamment les terrains gagnés sur la mer et aux termes duquel : " le sol et sous-sol du plan d'eau du port autonome de la Nouvelle-Calédonie font partie du domaine public de la Nouvelle-Calédonie " n'a eu, par lui même, ni pour objet ni pour effet d'incorporer au domaine public de la Nouvelle-Calédonie des terrains appartenant précédemment à son domaine privé ; qu'en tout état de cause, la loi organique du 19 mars 1999, prise sur le fondement de l'article 77 de la Constitution, n'aurait pu édicter des règles substantielles dans une matière ressortissant désormais, en vertu de l'Accord sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai 1998, à la compétence de la Nouvelle-Calédonie ou des provinces, alors même que cet Accord se borne à prévoir, en son point 1.4. que : " (...) Les domaines de l'État et du territoire doivent faire l'objet d'un examen dans la perspective d'attribuer ces espaces à d'autres collectivités ou à des propriétaires coutumiers ou privés, en vue de rétablir des droits ou de réaliser des aménagements d'intérêt général ", et qu'en vertu de son point 3.1.1. figurent, au titre des compétences immédiatement transférées par la loi organique à intervenir : " le domaine public maritime, transféré aux provinces " ; qu'elle n'aurait pu davantage, sans méconnaître le principe à valeur constitutionnelle de sécurité juridique, remettre en cause les effets de la validation opérée par l'article 5 de la loi n° 98-145 du 6 mars 1998 ; que l'article 65 de la loi du pays n° 2001-017 du 11 janvier 2002 sur le domaine public maritime de la Nouvelle-Calédonie et des provinces, qui dispose que : " Dans les limites administratives des ports de son domaine, la Nouvelle-Calédonie peut concéder l'aménagement et l'exploitation de ports de plaisance (ou de marinas), à des personnes publiques ou à des personnes privées " n'ont davantage eu cet objet ni cet effet ;
5. Considérant, en second lieu, que l'article 2 de la loi du pays n° 2012-6 du 5 septembre 2012 fixant les règles générales du domaine public immobilier de la Nouvelle-Calédonie, des provinces, de leurs groupements et de leurs établissements publics, dispose désormais que : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public artificiel de la Nouvelle-Calédonie, des provinces, de leurs groupements et de leurs établissements publics est constitué des biens leur appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public " ; que, toutefois, avant l'entrée en vigueur de ces dispositions le 1er octobre 2012, l'appartenance au domaine public d'un bien était, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné ; qu'en l'absence de toute disposition en ce sens, l'entrée en vigueur de la loi du pays n'a pu, par elle-même, avoir pour effet d'entraîner le déclassement de dépendances qui appartenaient antérieurement au domaine public et qui, depuis le 1er octobre 2012, ne rempliraient plus les conditions désormais fixées par son article 2 ; qu'il convient donc de rechercher si, à la date de la signature de la convention entre l'appelante et la SODEMO, la parcelle objet du litige était, soit directement affectée à l'usage du public, soit affectée au service public et spécialement aménagée en vue du service public auquel elle était destinée ;
6. Considérant que l'arrêté du 20 février 1998 par lequel l'exécutif du territoire de la Nouvelle-Calédonie a, sur le fondement de la délibération n° 127/CP du 26 septembre 1991 relative à l'administration des intérêts patrimoniaux et domaniaux du Territoire, alors en vigueur, dont l'article 5 disposait que : " L'affectation est l'acte en vertu duquel un immeuble dépendant du domaine privé du Territoire ou détenu en jouissance, à un titre quelconque, par le Territoire est mis à la disposition d'un service public territorial pour lui permettre d'assurer le fonctionnement du service public dont il a la charge. ", transféré au port autonome de la Nouvelle-Calédonie la gestion d'une partie des parcelles exondées de la baie de la Moselle a eu pour effet de les affecter au service public portuaire ; que la parcelle en cause concourt dès lors, au même titre que les autres parties de ce port, à l'utilité générale qui a déterminé l'affectation de ce terrain à l'établissement public du port autonome ; que, de par sa situation même à proximité de la zone portuaire, sur des terrains remblayés en vertu d'une concession d'endigage accordée sur le fondement d'une délibération de l'assemblée territoriale de la Nouvelle-Calédonie, cette parcelle, sur laquelle le port autonome a fait édifier un bâtiment à usage de " club house ", a fait l'objet d'un aménagement spécial destiné à la faire entrer dans le domaine public du Territoire, nonobstant son appartenance antérieure du domaine privé de cette collectivité ; qu'au surplus, elle est directement accessible au public ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, nonobstant la circonstance que la convention conclue entre la SODEMO et la SARL Le bout du monde n'a pas pour objet de confier à cette dernière une mission de service public, la parcelle occupée et le club-house qui y est implanté constituent une dépendance du domaine public portuaire ayant vocation à héberger des activités de nature à contribuer à l'animation et au développement du port ; qu'il s'ensuit que la convention du 31 mars 1998 doit être regardée comme une autorisation d'occupation du domaine public et ne saurait être requalifiée en bail commercial ; que la SODEMO dispose donc de toutes les prérogatives de puissance publique attachées à cette convention ; que, dès lors, la SARL Le bout du monde n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a décidé que la convention du 31 mars 1998 avait pour objet l'occupation d'une dépendance du domaine public portuaire et que, eu égard aux dispositions de l'article 5 de cette convention, la SARL Le bout du monde ne justifiait d'un titre pour occuper les locaux que pendant deux périodes de neuf années, soit jusqu'au 31 mars 2016 ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Le bout du monde est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le bout du monde et à la société d'économie mixte de la baie de la Moselle (SODEMO).
Copie en sera adressée au ministre des Outre-mer, au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, à la province Sud et au Port autonome de Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Nguyên-Duy, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 8 février 2018.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLa présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16PA03943