Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011.
Par un jugement nos 1517101, 1609960 du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Paris a prononcé, à hauteur de 13 377 euros, un non-lieu à statuer et a rejeté le surplus de la demande de M.B....
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 25 juillet, 12 septembre, 6 décembre 2017 et 15 mars 2018, M.B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il lui est défavorable ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux restant en litige auxquels il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B...soutient que :
- le jugement attaqué, entaché d'une omission à statuer, est irrégulier dès lors que les premiers juges ont, à tort, analysé sa réclamation soumise d'office enregistrée sous le n° 1609960 en estimant qu'il avait invoqué les mêmes moyens que ceux analysés dans l'affaire n° 1517101 et n'ont par ailleurs ni visé ni analysé les écritures qu'il avait présentées, dans les deux affaires, le 3 avril 2017 ;
- les revenus qui ont été distribués sont inférieurs au montant qu'a retenu l'administration, cette minoration procédant de la réintégration, dans les charges de la
société Le restaurant du palais de Tokyo, de sommes versées en espèces pour des prestations d'animation musicale, au titre des exercices clos en 2010 et 2011, pour des montants respectifs de 25 492 euros et 27 002 euros ;
- il n'est pas le seul maître de l'affaire de sorte que c'est à tort que l'administration l'a imposé de la totalité des sommes regardées comme distribuées ;
- une partie des recettes dissimulées a été appréhendée par d'autres personnes.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 octobre 2017, 5 février 2018 et
6 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy,
- et les conclusions de Mme Mielnik-Meddah, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Le restaurant du palais de Tokyo, dont M. B...est l'associé et le gérant, a fait l'objet, au cours de l'année 2013, d'une vérification de comptabilité, portant sur les exercices clos en 2010 et 2011, à l'issue de laquelle elle a notamment été assujettie, au titre de ces mêmes exercices, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. A l'occasion de ces opérations de contrôle, le vérificateur a estimé que M. B...avait bénéficié, de la part de cette société, de revenus distribués, sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 et du c) de l'article 111 du code général des impôts, pour un montant de 120 905 euros en 2010 et de 155 498 euros en 2011. Il a ensuite assujetti l'intéressé, selon la procédure contradictoire définie à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et à des prélèvements sociaux, au titre des années 2010 et 2011, qui ont été mis en recouvrement, le 31 décembre 2014, pour un montant total, en droits et pénalités,
de 278 376 euros. Les réclamations présentées par M. B...les 26 février 2015 et 25 février 2016 ont été respectivement, pour la première, rejetée le 20 août 2015 et, pour la seconde, soumise d'office au juge de l'impôt le 27 juin 2016 en application des articles R. 199-1 et R. 200-3 du livre des procédures fiscales. Par un jugement du 6 juin 2017, le tribunal administratif de Paris a prononcé, à hauteur d'une somme de 13 377 euros, un non-lieu à statuer et a rejeté le surplus de la demande du requérant tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires. M. B...relève appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable.
Sur les conclusions aux fins d'annulation et de décharge :
2. D'une part, l'article R. 741-2 du code de justice administrative prévoit notamment que le jugement contient l'analyse des conclusions et des mémoires des parties. D'autre part, lorsqu'en application de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, l'administration décide de soumettre d'office au tribunal administratif une réclamation présentée par un contribuable, cette réclamation, en vertu de l'article R. 200-3 du même livre, " vaut requête au tribunal ".
3. Il ressort des pièces des dossiers de première instance que la réclamation en date du 25 février 2016 soumise d'office au tribunal administratif, enregistrée sous le n° 1609960, comportait un moyen qui n'avait pas été invoqué dans la requête présentée par M.B..., enregistrée sous le n° 1517101, relatif à la minoration des revenus distribués procédant de la réintégration, dans les charges de la société Le restaurant du palais de Tokyo, de sommes versées en espèces pour des prestations d'animation musicale. Ce moyen a ensuite été expressément soulevé dans les dernières écritures présentées par M. B..., dans les deux dossiers, le
3 avril 2017, avant la clôture de l'instruction, dans lesquelles le requérant a en outre exposé, de manière détaillée, de nouveaux arguments au soutien du moyen tiré de ce qu'il n'était pas le seul maître de l'affaire et produit de nouveaux documents à l'appui de son argumentation.
4. Les premiers juges se sont, à tort, limités à analyser la réclamation soumise d'office en estimant que M. B... avait invoqué les mêmes moyens que ceux analysés dans l'affaire n° 1517101 et n'ont par ailleurs ni visé ni analysé les écritures présentées par M. B...le 3 avril 2017. Ils n'ont pas davantage, dans les motifs du jugement, statué sur le moyen analysé au point 3, qui n'était pas inopérant, ni pris en compte les arguments et les pièces produits le 3 avril 2017 qui étaient pourtant susceptibles d'être utiles à la solution du litige.
5. Le requérant est donc fondé à soutenir que la partie du jugement attaqué statuant sur " le surplus de ses conclusions " est entaché d'une omission à statuer et à demander, pour ce motif, son annulation.
6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la partie de la demande de M. B... restant en litige.
7. En premier lieu, le requérant fait valoir que les revenus qui ont été distribués sont inférieurs au montant qu'a retenu l'administration et que cette minoration procède de la réintégration, dans les charges de la société Le restaurant du palais de Tokyo, de sommes versées en espèces pour des prestations d'animation musicale, au titre des exercices clos en 2010 et 2011, pour des montants respectifs de 25 492 euros et 27 002 euros.
8. Le 1 de l'article 39 du code général des impôts prévoit que le bénéfice net d'une société est établi sous déduction de toutes charges et, notamment, des frais généraux de toute nature, des dépenses de personnel et de main-d'oeuvre.
9. D'une part, il résulte de l'instruction que, lors de la vérification de comptabilité de la société Le restaurant du palais de Tokyo, le service a seulement procédé à la reconstitution des recettes éludées par la société sans remettre en cause les charges comptabilisées par l'entreprise, lesquelles ne comportaient alors aucune dépense relative à des animations musicales. D'autre part, les seuls documents produits par M.B..., relatifs à des commentaires recueillis sur le " site Trip Advisor " " faisant état " d'ambiance musicale ", à des menus du restaurant, à des pièces comptables concernant des années postérieures aux exercices vérifiés et à des notes manuscrites, inexploitables, retrouvées à son domicile, ne sont pas suffisamment précis pour établir la nature et, surtout, le montant des charges en cause. Le requérant n'est donc pas fondé à demander la minoration du montant des revenus distribués.
10. En deuxième lieu, le requérant soutient que, n'étant pas le seul maître de l'affaire, c'est à tort que l'administration l'a imposé de la totalité des sommes regardées comme distribuées.
11. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". Aux termes de l'article 111 de ce code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". En cas de refus de la proposition de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
12. Il résulte de l'instruction, et en particulier du relevé des conditions d'exploitation en date du 27 avril 2013, du procès-verbal de visite et de saisie établi le 11 juillet 2013 en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, des mentions figurant dans la proposition de rectification du 20 décembre 2013 et de la réponse aux observations du contribuable du 15 avril 2014, et il n'est pas sérieusement contesté que M.B..., qui détient 50% des parts sociales de la société Le restaurant du palais de Tokyo, en est le gérant statutaire et dispose de la procuration sur l'ensemble des comptes bancaires de la société ouverts auprès de la Banque populaire, de HSBC France et de Natixis. L'intéressé est en outre présent tous les jours d'ouverture dans les locaux du restaurant, où non seulement il s'occupe du recrutement et de la gestion du personnel, et est en rapport étroit avec les fournisseurs et sert aussi la clientèle mais est également le responsable de la caisse et de la remise des encaissements en banque. Par ailleurs, lors de la visite au domicile de M.B..., le 11 juillet 2013, l'administration a constaté la présence de plus de 10 000 euros en espèces et a saisi, outre 108 bandes de caisses électroniques du restaurant et des notes manuscrites, une clef USB équipée d'un logiciel, dit " webgamer ", permettant de manipuler électroniquement les journaux de ventes émis par les caisses enregistreuses du restaurant en vue de minorer les recettes déclarées et de prélever les espèces correspondant à ces minorations. Enfin, il est constant qu'une seule clef comportant ce type de logiciel a été saisie et que l'intéressé a été le seul à utiliser ce logiciel.
13. Compte tenu de l'ensemble de ce qui vient d'être dit au point 12, l'administration a apporté des éléments suffisants permettant de considérer qu'il existait une confusion des patrimoines entre la société et son dirigeant et que ce dernier disposait sans contrôle des biens de la société et qu'ainsi M. B...devait être regardé comme le maître de l'affaire.
14. Le requérant fait certes valoir que M.D..., qui est le gérant d'une autre société, Le café du cent quatre, au sein de laquelle M. B...détient d'ailleurs 50 % du capital social, dispose de 8 % des parts sociales de la société Le restaurant du palais de Tokyo, en est le directeur salarié, a lui aussi des rapports avec les fournisseurs, détient une procuration sur le compte bancaire de la société auprès de la Banque Populaire et participe aux assemblées générales. Mais ces seuls éléments ne sont corroborés par aucun élément de nature à établir que M. D...aurait, en réalité, effectivement exercé la responsabilité d'au moins une partie de la gestion administrative, commerciale et financière de la société gérée par M. B... et aurait disposé, sans contrôle, de ses fonds au cours des années en litige. L'intéressé n'apporte par ailleurs aucun autre élément sérieux permettant de considérer que d'autres personnes auraient eu une telle responsabilité. Dès lors, le requérant doit être regardé, en l'espèce, comme le seul maître de l'affaire.
15. Si le requérant soutient, en dernier lieu, qu'une partie des recettes dissimulées a été appréhendée par d'autres personnes, et en particulier par M.E..., il n'en n'apporte pas la preuve en se bornant à se prévaloir des mentions, pour la plupart illisibles ou inexploitables, portées sur les notes manuscrites retrouvées à son domicile.
16. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la demande présentée par M. B...tendant à la décharge des impositions restant en litige doit être rejetée.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que demande M. B...au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 2 du jugement nos 1517101, 1609960 du tribunal administratif de Paris en date du 6 juin 2017 est annulé.
Article 2 : Le surplus de la demande de M. B...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal Ile-de-France Est.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- M. Auvray, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 juin 2018.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
M. HEERSLe greffier,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA02571 2