Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une ordonnance du 5 décembre 2016, le président du Tribunal administratif de Melun a transmis au Tribunal administratif de Paris, la demande, enregistrée le 1er décembre 2016, présentée par M. B...C...et tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 29 novembre 2016, par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de son éventuel éloignement d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.
Par un jugement n° 1620983/6-2 du 1er février 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. C....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 mars 2017, M. C..., représenté par Me D...E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1620983/6-2 du 1er février 2017 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté préfectoral contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de procéder à l'effacement du signalement à fin de non-admission dans le système d'information Schengen dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière ayant méconnu le principe du contradictoire et l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'arrêté préfectoral litigieux est insuffisamment motivé ;
- cet arrêté est entaché d'un vice de procédure eu égard aux modalités de sa notification et en raison de l'absence de communication par le préfet de la procédure ;
- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur de droit dès lors que le préfet s'est contenté de constater qu'il avait fait l'objet de condamnations pénales pour en déduire qu'il constituait une menace pour l'ordre public sans apprécier si tel était bien le cas ;
- sa présence en France ne constituait pas une menace pour l'ordre public et il présente au contraire de sérieux gages d'insertion ;
- il ne peut faire légalement l'objet, en application des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une mesure d'éloignement eu égard aux pathologies dont il souffre et pour lesquelles il est suivi depuis 2013 ;
- il ne pourrait bénéficier d'une prise en charge dans son pays ;
- l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite contrevient aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- eu égard à l'absence de menace pour l'ordre public et aux garanties de représentation dont il justifiait, le préfet n'a pas pu légalement s'abstenir de lui accorder un délai de départ volontaire ;
- la décision fixant le pays de destination d'un éventuel éloignement d'office devra être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français qui en constitue le fondement ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et contrevient aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français sera annulée en conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement qui en constitue le fondement ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale au regard des dispositions de l'article L. 511-1 III du code susmentionné dès lors qu'eu égard à son état de santé, le préfet aurait dû considérer que des circonstances humanitaires justifiaient qu'une telle interdiction ne fût pas prononcée ;
- cette interdiction contrevient aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention susmentionnée.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Par ordonnance du 23 mai 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ensemble le décret du 3 mai 1974 portant publication de la convention ;
-la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Appèche,
- et les conclusions de M. Cheylan rapporteur public.
1. Considérant que M. C..., après avoir en vain demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 29 novembre 2016 l'obligeant à quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination d'un éventuel éloignement d'office et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans, relève régulièrement appel du jugement du 1er février 2017 par lequel le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la circonstance que le préfet du Val-de-Marne n'aurait pas, dans le cadre de la première instance, communiqué l'ensemble du dossier concernant M. C..., comme il y avait été invité par le tribunal, ne saurait en elle-même entacher d'irrégularité le jugement ;
Sur la légalité externe des décisions contenues dans l'arrêté litigieux :
3. Considérant que la circonstance mentionnée au point précédent et postérieure à l'arrêté préfectoral litigieux ne saurait entacher d'irrégularité les décisions contenues dans cet arrêté, dès lors que leur légalité s'apprécie à la date à laquelle elles ont été édictées soit le 29 novembre 2016 ;
4. Considérant que les conditions dans lesquelles l'arrêté préfectoral litigieux a été notifié à M. C..., sont, pour le même motif, sans influence sur la légalité des décisions qu'il contient ;
5. Considérant que l'arrêté litigieux comporte un énoncé suffisamment précis des circonstances de droit et de fait sur lesquelles son auteur s'est fondé pour édicter l'obligation de quitter le territoire français sans délai, fixer le pays à destination duquel M. C... pourra être reconduit d'office et lui faire interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans ; que dans son arrêté, le préfet du Val de Marne indique notamment que M. C..., de nationalité ivoirienne, ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français et n'est pas titulaire d'un titre de séjour, a fait l'objet d'une condamnation à une peine d'emprisonnement de quatre mois prononcée par le tribunal correctionnel de Paris le 22 septembre 2016 pour vol perpétré dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs, en état de récidive et n'offre pas de garanties de représentation suffisantes ; que par suite, et alors même que l'arrêté contesté ne fait pas mention de l'état de santé de M. C..., lequel ne justifie d'ailleurs pas avoir, comme il le soutient, déposé en 2014 un dossier complet de demande de titre de séjour en raison de son état de santé, et ne détaille pas les raisons pour lesquelles l'intéressé est considéré comme représentant une menace pour l'ordre public, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté manque en fait ;
6. Considérant que M. C...ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; que M. C..., qui est entré irrégulièrement en France, et n'a jamais obtenu ni même sollicité de titre de séjour, ne pouvait ignorer qu'à l'issue de sa période d'incarcération il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'il lui était loisible de communiquer spontanément à l'administration, avant la fin de sa peine et l'intervention de la décision litigieuse, toute observation ou information qu'il jugeait utile dans le but d'éviter un tel éloignement ; que par suite, s'il a entendu invoquer le moyen tiré de ce qu'il a été privé de son droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, il n'est, en l'espèce, pas fondé à le faire ;
Sur la légalité interne des décisions contestées :
7. Considérant, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. " ;
8. Considérant que M. C... soutient qu'il est atteint d'une hépatite B pour laquelle il est suivi depuis 2013 et que, placé en rétention administrative, il a été libéré le 7 décembre 2016 compte tenu des termes d'un certificat établi par le DrA..., médecin chef du service médical de la préfecture de police, qui n'a pas été versé au dossier par le préfet ; que toutefois, les relevés d'analyses biologiques produits par M. C..., dont un daté d'octobre 2016 soit légèrement antérieur à l'arrêté contesté, démontrent seulement l'existence d'une infection par le virus de l'hépatite B mais ne contiennent pas d'éléments précis quant à la charge virale et au stade de l'infection permettant d'attester du degré d'activité de l'infection et de la gravité alléguée de l'état de l'intéressé ; que par ailleurs, les certificats médicaux qui sont versés au dossier, rédigés en termes généraux et stéréotypés, ne permettent pas davantage de tenir pour établi que l'état de santé de M. C... était tel qu'il nécessitait une prise en charge médicale à défaut de laquelle il pourrait être exposé à des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ou qu'un suivi médical adapté à son état ne pourrait lui être assuré dans son pays ; qu'à cet égard, les circonstances que le suivi susceptible d'être prodigué à M. C... en Côte d'Ivoire serait de moins bonne qualité que celui dont il bénéficie en France et que sa longévité pourrait probablement être supérieure s'il continuait à être pris en charge en France ne sauraient suffire à faire rentrer M. C... dans le cas prévu par les dispositions susénoncées et à faire obstacle à ce qu'il pût légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions susénoncées ne peut qu'être écarté ;
9. Considérant que pour justifier la mesure d'éloignement prise à l'encontre de M. C..., le préfet s'est essentiellement fondé sur le fait que celui-ci ne justifiait ni être entré régulièrement en France, ni être titulaire d'un titre de séjour ; que s'il a en outre mentionné, dans son arrêté, la condamnation pénale susdécrite dont a fait l'objet M. C... et indiqué que celui-ci constituait une menace pour l'ordre public, la circonstance que le préfet n'aurait pas détaillé les raisons pour lesquelles il estimait qu'eu égard à cette condamnation, la présence de M. C... constituait une menace pour l'ordre public ne saurait entacher l'arrêté contesté d'erreur de droit ; qu'en tout état de cause, eu égard à la nature des agissements, en état de récidive, ayant conduit à sa condamnation à une peine de quatre mois d'emprisonnement, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir d'une absence de menace pour l'ordre public ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que M. C..., qui est né en 1972 en Côte d'Ivoire et n'a pas de charge de famille en France, soutient, sans en justifier, qu'il était dans ce pays depuis près de quatre ans à la date de l'arrêté contesté, et qu'il vivait depuis deux ans avec une ressortissante française ; qu'à les supposer même établies, eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. C..., ces circonstances ne sauraient faire regarder l'arrêté litigieux comme contrevenant aux stipulations rappelées ci-dessus ;
11. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux développés aux points 8 et 10, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire qui lui a été faite serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une telle mesure sur sa situation personnelle ;
12. Considérant qu'il suit de là que M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été faite est entachée d'illégalité ;
13. Considérant que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination d'un éventuel éloignement d'office devrait être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français qui en constitue le fondement doit, par suite, être écarté ;
14. Considérant que M. C... ne démontre pas qu'il serait, en cas de retour en Côte d'Ivoire, exposé à des risques de traitements prohibés par l'article 3 de la déclaration européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que s'il entend se prévaloir sur ce fondement et sur celui de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de son état de santé, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus notamment au point 8, qu'il n'est, en tout état de cause, pas fondé à le faire ;
15. Considérant que contrairement à ce que soutient M. C..., il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il présentait, à la date de l'arrêté contesté, des garanties de présentation telles que le préfet aurait commis une illégalité en n'assortissant pas l'obligation de quitter le territoire français d'un délai de départ volontaire ;
16. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet pour contester l'interdiction de retour sur le territoire français qui lui est faite pour une durée de trois ans ;
17. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour.(...) " ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'eu égard à son état de santé, le préfet de Val-de-Marne ne pouvait, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour durant trois ans ;
18. Considérant que les moyens tirés de ce que cette interdiction contrevient aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention susmentionnée doivent, eu égard à la situation personnelle et familiale décrite ci-dessus et aux motifs mentionnés notamment aux points 8 et 10, doivent être écartés comme non fondés ;
19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que les conclusions de sa requête tendant à l'annulation du jugement et des décisions préfectorales litigieuses doivent par suite être rejetées ; qu'il en va de même, en conséquence, des conclusions aux fins d'injonction et d'astreintes présentées sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative et de celles présentées sur le fondement l'article L. 761-1 du même code et de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2018, où siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Appèche, président assesseur,
- Mme Jimenez, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 28 juin 2018.
Le rapporteur,
S. APPECHELe président,
I. BROTONS
Le greffier,
S. DALL'AVA
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA00812