Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 4 juillet 2017 par lequel le préfet de police a ordonné sa remise aux autorités norvégiennes en charge de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 1705726 du 31 juillet 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a admis provisoirement M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er février 2018, M.C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 31 juillet 2017 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert aux autorités norvégiennes du
4 juillet 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 4 juillet 2017 portant transfert aux autorités norvégiennes ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile, ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps nécessaire au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il était mineur au moment de la décision de transfert, et en outre suivi en France pour son état de santé précaire, si bien que le préfet de police n'aurait pas dû prendre de mesure d'éloignement ;
- l'arrêté de transfert méconnaît les articles 6 et 8 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le préfet aurait dû faire usage de la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 juillet 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
Par une lettre en date du 4 octobre 2018, la présidente de la première chambre a informé les parties que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré du non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert du 4 juillet 2017 dans la mesure où il n'est plus susceptible d'exécution.
Par un mémoire enregistré le 8 octobre 2018, le préfet de police conclut au rejet de ce moyen.
Il fait valoir que, en application de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement et du Conseil en date du 26 juin 2013, il a le 4 août 2017 porté à dix-huit mois le délai d'exécution de l'arrêté de transfert, M. C...ayant pris la fuite, et que ce délai ne vient à échéance que le 31 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Legeai a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant afghan, est entré irrégulièrement en France le
16 février 2017 selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile auprès de la préfecture de police le 9 mars 2017. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient déjà été enregistrées en Norvège. Le préfet a saisi les autorités norvégiennes d'une demande de réadmission qui a été acceptée le 14 mars 2017. Par suite, il a pris un arrêté de transfert aux autorités norvégiennes le 4 juillet 2017, notifié à M. C...le même jour. Par la présente requête, M. C...fait régulièrement appel du jugement du tribunal administratif de Melun du 31 juillet 2017 qui a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dispose : " 1. L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour les États membres dans toutes les procédures prévues par le présent règlement (...) 3. Lorsqu'ils évaluent l'intérêt supérieur de l'enfant, les États membres coopèrent étroitement entre eux et tiennent dûment compte, en particulier, des facteurs suivants : a) les possibilités de regroupement familial; b) le bien-être et le développement social du mineur ; c) les considérations tenant à la sûreté et à la sécurité, en particulier lorsque le mineur est susceptible d'être une victime de la traite des êtres humains; d) l'avis du mineur, en fonction de son âge et de sa maturité (...) ". L'article 8 du même règlement dispose : " 1. Si le demandeur est un mineur non accompagné, l'État membre responsable est celui dans lequel un membre de la famille ou les frères ou soeurs du mineur non accompagné se trouvent légalement, pour autant que ce soit dans l'intérêt supérieur du mineur. (...). 2. Si le demandeur est un mineur non accompagné dont un proche se trouve légalement dans un autre État membre et s'il est établi, sur la base d'un examen individuel, que ce proche peut s'occuper de lui, cet État membre réunit le mineur et son proche et est l'État membre responsable, à condition que ce soit dans l'intérêt supérieur du mineur. 3. Lorsque des membres de la famille, des frères ou des soeurs ou des proches visés aux paragraphes 1 et 2 résident dans plusieurs États membres, l'État membre responsable est déterminé en fonction de l'intérêt supérieur du mineur non accompagné. 4. En l'absence de membres de la famille, de frères ou soeurs ou de proches visés aux paragraphes 1 et 2, l'État membre responsable est celui dans lequel le mineur non accompagné a introduit sa demande de protection internationale, à condition que ce soit dans l'intérêt supérieur du
mineur (...) ".
3. M. C...soutient qu'il était mineur à la date à laquelle le préfet de police a pris l'arrêté de transfert aux autorités norvégiennes. Toutefois, il ressort du compte-rendu de l'entretien individuel, comme de sa requête, qu'il a indiqué être né le 2 mars 1998, et avait donc plus de dix-neuf ans à la date de la décision de transfert. S'il fait état d'un examen médical réalisé lors de son passage en Norvège le 5 février 2016, soit plus d'un an avant la décision de transfert du préfet de police, le compte-rendu de celui-ci énonce " il est plus vraisemblable qu'il ait plus de 17 ans plutôt que moins (...) il peut être exclu qu'il ait moins de seize ans ". L'estimation de son âge à " 7 ans en 2007 " figurant sur l'extrait de naissance établi le
7 mai 2007 par le ministère de l'intérieur afghan qu'il verse au dossier, est fondée sur sa seule apparence physique et n'a qu'une valeur probante limitée. Dès lors, la minorité de M. C... au moment de l'édiction de l'arrêté litigieux n'est pas établie. Par suite, l'intéressé, qui n'allègue d'ailleurs pas avoir des liens de famille en France, n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions précitées du règlement n° 604/2013 applicables aux mineurs.
4. En deuxième lieu, l'article 17 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 dispose : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée (...) même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par le présent règlement (...) ".
5. M. C...fait valoir, pour la première fois en appel, qu'il est suivi en France pour des troubles psychiatriques majeurs et que l'interruption du traitement aurait des conséquences d'une extrême gravité. Toutefois les certificats médicaux qu'il produit, établis les
19 octobre 2017 et 29 novembre 2017, ne démontrent pas de suivi à la date de la décision de transfert ni n'allèguent qu'il ne pourrait bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée en Norvège. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet en ne faisant pas application de la clause discrétionnaire de l'article 17 précité doit être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert du 4 juillet 2017. Sa requête d'appel ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'Etat n'étant pas partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Legeai, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.
Le rapporteur,
A. LEGEAI La présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
M. A...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA00379