Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...et la société Aéronord ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'État à les indemniser, à hauteur de 699 704,34 euros pour la société Aéronord et de 2 333 749,09 euros pour M. B..., en réparation des préjudices qu'ils ont subis et résultant de la saisie, en Espagne, d'un hélicoptère leur appartenant, dans le cadre d'une procédure de commission rogatoire ordonnée par des magistrats français.
Par une ordonnance n° 1808027 du 21 juin 2018, la présidente du tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 août 2018, M. C...B...et la société Aéronord, représentés par Me Coutant Peyre, demandent à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1808027 du 21 juin 2018 de la présidente du tribunal administratif de Paris ;
2°) de renvoyer le jugement de leur demande au tribunal administratif de Paris.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le président du tribunal administratif, qui n'a pas analysé la totalité des moyens de leur requête, l'a rejetée comme portée devant une juridiction manifestement incompétente pour en connaitre ; il s'est en réalité prononcé sur le bien-fondé de la demande en les privant de la possibilité de la voir contradictoirement débattue et examinée par le tribunal ; il les a privés de l'accès au juge garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- leur demande devant les premiers juges tendait à la mise en cause de la responsabilité fautive de l'État, non à raison de dysfonctionnements du service public judiciaire eu égard à des actes d'un magistrat instructeur, mais à raison d'un fonctionnement défectueux du service public administratif de la justice, eu égard aux actes du magistrat français de liaison à Madrid.
Par ordonnance du 21 septembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 octobre 2018 à 12 heures.
La requête a été communiquée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui n'a pas présenté d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'action commune 96/277/JAI du 22 avril 1996 adoptée par le Conseil sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne, concernant un cadre d'échange de magistrats de liaison visant à l'amélioration de la coopération judiciaire entre les États membres de l'Union européenne ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- les conclusions de Mme Nguyên Duy, rapporteur public,
- les observations de Me Coutant Peyre, avocat de M. B... et de la société Aéronord.
1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) / 2º Rejeter les requêtes ne relevant manifestant pas de la compétence de la juridiction administrative (...) " ; que, sur le fondement de ces dispositions, la présidente du tribunal administratif de Paris a rejeté le 21 juin 2018, par l'ordonnance dont M. C...B...et la société Aéronord font appel devant la Cour, leurs conclusions tendant à la condamnation de l'État à les indemniser des préjudices qu'ils ont subis et résultant de la saisie, en Espagne, d'un hélicoptère leur appartenant, exécutée par les autorités espagnoles dans le cadre d'une procédure de commission rogatoire ordonnée par des magistrats français ;
2. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier, et notamment de la demande indemnitaire préalable adressée au garde des sceaux, ministre de la justice, comme des termes mêmes de la requête présentée devant le tribunal administratif de Paris, que les intéressés ne recherchaient pas seulement la responsabilité fautive de l'État sur le terrain d'un défaut d'organisation et de fonctionnement du service public administratif de la justice eu égard à l'inaction alléguée, dans le suivi de la commission rogatoire, du magistrat français de liaison affecté auprès de l'ambassadeur de France auprès du Royaume d'Espagne, ce qui pourrait effectivement conduire à regarder le litige comme mettant en réalité en cause le fonctionnement du service public judiciaire et donc comme relevant de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, mais également sur deux autres terrains qui sont, d'une part, celui de la responsabilité sans faute de l'État du fait de l'exécution d'une convention internationale et, d'autre part, celui de l'endossement par l'État français des agissements des autorités espagnoles ; que ces deux derniers moyens ne caractérisent pas, en l'espèce et compte-tenu des écritures de première instance des requérants, une incompétence manifeste des juridictions administratives ;
3. Considérant, par suite, et alors qu'il n'appartient pas au magistrat faisant usage des dispositions du 2° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative de se prononcer en cette occasion sur le bien-fondé d'une requête, qu'en rejetant la demande de M. B...et de la société Aéronord, la présidente du tribunal administratif de Paris a méconnu, en l'espèce, la portée de ces dispositions ; que son ordonnance doit donc être annulée ; que M. B...et la société Aéronord n'ont pas repris devant la Cour leurs conclusions sur le fond ; qu'ainsi, il y a lieu de les renvoyer devant le tribunal administratif de Paris pour qu'il y soit à nouveau statué sur leur demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 1808027 du 21 juin 2018 de la présidente du tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Paris.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M.B..., à la société Aéronord et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Legeai, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLa présidente,
S. PELLISSIERLe greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18PA02731