Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G...F..., épouseC..., a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions du 18 novembre 2015 et du 18 décembre 2015 du maire de Crégy-lès-Meaux exerçant le droit de préemption de la commune sur un immeuble situé 16 rue Roger Salengro à Crégy-lès-Meaux.
Par un jugement n° 1510351 du 19 janvier 2018, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 mars 2018, Mme F..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1510351 du 19 janvier 2018 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision du 18 novembre 2015 du maire de Crégy-lès-Meaux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Crégy-lès-Meaux une somme de 2 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision par laquelle le maire de Crégy-lès-Meaux a décidé de préempter son bien est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le maire de Crégy-les-Meaux ne justifie pas avoir défini un cadre d'action pour mener à bien un programme local de l'habitat ; la réalité d'un projet d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme n'est pas établie ;
- la décision de préemption méconnaît les dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 213-1 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 juin 2018, la commune de
Crégy-lès-Meaux, représentée par MeH..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme F... à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête, dirigée contre la seule lettre d'information du 18 novembre 2015, est irrecevable ;
- la décision est suffisamment motivée et le projet réel ;
- le maire a régulièrement transmis une demande d'avis à la direction générale des finances publiques.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Legeai,
- les conclusions de Mme Nguyên Duy, rapporteur public,
- et les observations de Me Ponelle, avocat de la commune de Crégy-lès-Meaux.
Considérant ce qui suit :
1. MmeF..., propriétaire d'une maison d'habitation sise 16 rue Roger Salengro à Crégy-lès-Meaux (Seine-et-Marne), a conclu le 5 juin 2015 une promesse de vente de ce bien à M. A...B...au prix de 90 000 euros. Une déclaration d'intention d'aliéner a été notifiée à la commune le 26 octobre 2015. Par un courrier du 18 novembre 2015, le maire de la commune a " informé " le notaire de Mme F...que la commune exerçait son droit de préemption au prix indiqué. Par une décision n° 2015/018 du 18 décembre 2015, le maire de Crégy-lès-Meaux a décidé de préempter le bien, au prix indiqué, pour construire des logements sociaux. Mme F...fait appel du jugement du 19 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 novembre 2015 et de la décision du 18 décembre 2015 du maire de Crégy-lès-Meaux.
2. Mme F...ne demande, dans sa requête d'appel, que l'annulation de la décision contenue dans le courrier au notaire du 18 novembre 2015, tout en critiquant les termes de la décision de préemption du 18 décembre 2015. A supposer même que le courrier du 18 novembre 2015 puisse être regardé comme une décision, il est constant que celle-ci a été confirmée et complétée par la décision du 18 décembre 2015 qui, intervenue dans le délai ouvert au titulaire du droit de préemption pour l'exercer, a pu légalement se substituer à la décision non motivée précédemment prise. Dès lors, pour donner effet utile à la requête de MmeF..., il y a lieu de la regarder comme dirigée contre la décision du
18 novembre 2015 complétée le 18 décembre 2015.
3. L'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dispose : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ". L'article L. 300-1 du même code dispose : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels (...) ". Il résulte des dispositions précitées que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.
4. En premier lieu, la décision du 18 décembre 2015, qui vise les textes applicables, énonce que la commune souhaite acquérir le bien et exercer son droit de préemption dans le cadre de la politique communale de logement social, notamment pour respecter les objectifs fixés par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains et les orientations du projet d'aménagement et de développement durables du futur plan local d'urbanisme consistant à favoriser une plus grande mixité sociale en diversifiant le parc résidentiel. Elle mentionne que la commune projette de construire dans cette propriété des logements sociaux afin d'éviter une concentration massive de ceux-ci dans des zones limitées à forte urbanisation. Ainsi, la nature du projet apparaît dans la décision de préemption, qui est suffisamment motivée.
5. En deuxième lieu, s'agissant de la réalité du projet, Mme F...se borne à soutenir que le maire ne justifie pas avoir défini un cadre d'action qu'il entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme de l'habitat au sein de la commune et que la réalité d'un projet de construction de logements sociaux n'est pas établie. Toutefois, un projet de construction de logements sociaux n'a pas nécessairement à être inscrit dans le cadre d'un programme local de l'habitat. La mention, dans la décision du 18 décembre 2015, de l'objectif fixé par le projet d'aménagement et de développement durables du futur plan local d'urbanisme tendant à favoriser une plus grande mixité sociale en diversifiant le parc résidentiel est de nature à établir la réalité du projet de construction de logements sociaux, Mme F...ne contestant pas cette mention. Par suite, ce moyen doit être écarté.
6. Enfin, le cinquième alinéa de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme dispose : " Lorsqu'il envisage d'acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La décision du titulaire fait l'objet d'une publication (...) ". L'article R. 213-6 du même code dispose : " Dès réception de la déclaration, le maire en transmet copie au directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques en lui précisant si cette transmission vaut demande d'avis ".
7. D'une part, si Mme F...soutient que le maire de Crégy-lès-Meaux n'a pas transmis une copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux, cette affirmation est démentie par les pièces du dossier dès lors qu'y figure l'avis du service France Domaine en date du 26 novembre 2015, visé par la décision de préemption, qui se prononce notamment sur le prix de l'acquisition tel qu'il figure dans la déclaration d'intention d'aliéner.
8. D'autre part, la circonstance que la décision du 18 décembre 2015 n'aurait pas été publiée est sans incidence sur sa légalité. Par suite, ce moyen doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sa requête d'appel ne peut, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, qu'être rejetée, y compris ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune, qui n'est pas partie perdante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme F... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Crégy-lès-Meaux au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme F...est rejetée.
Article 2 : Mme F...versera une somme de 1 500 euros à la commune de
Crégy-lès-Meaux au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MmeG... F... épouse C...et à la commune de Crégy-lès-Meaux.
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Legeai, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.
Le rapporteur,
A. LEGEAI La présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
M.D...
La République mande et ordonne à la préfète de Seine-et-Marne en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01050