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17/01/2019 | FRANCE | N°17PA00002

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 17 janvier 2019, 17PA00002


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...E...et Mme D...C...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 17 avril 2015, du 9 septembre 2015 et du 5 octobre 2015 par lesquelles la maire de Paris a considéré qu'ils ne bénéficiaient pas d'une autorisation de changement d'usage du local dont ils sont propriétaires 47 rue Bonaparte à

Paris 6ème.

Par un jugement n° 1518197 du 24 novembre 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. E...et MmeC....

Procédure devant la C

our :

Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2017 et un mémoire en réplique enregistré l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...E...et Mme D...C...ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions du 17 avril 2015, du 9 septembre 2015 et du 5 octobre 2015 par lesquelles la maire de Paris a considéré qu'ils ne bénéficiaient pas d'une autorisation de changement d'usage du local dont ils sont propriétaires 47 rue Bonaparte à

Paris 6ème.

Par un jugement n° 1518197 du 24 novembre 2016, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. E...et MmeC....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 janvier 2017 et un mémoire en réplique enregistré le

12 novembre 2018, M. E...et MmeC..., représentés par la SELARL Peisse Dupichot Lagarde Bothorel et associés, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1518197 du 24 novembre 2016 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler les décisions du maire de Paris des 17 avril 2015, 9 septembre 2015 et 5 octobre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 5 000 euros à leur verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance et les frais de justice.

Ils soutiennent que :

- leur requête est dirigée contre une décision faisant grief et est recevable ;

- l'autorisation préfectorale accordée le 10 mars 1983 à Mme C...en sa qualité de propriétaire, qui ne comporte aucune limitation de durée et est assortie d'une compensation, ne revêtait pas un caractère personnel, mais, notamment en application de l'article 29 de l'ordonnance du 8 juin 2005, un caractère réel ;

- l'abrogation implicite de l'autorisation accordée en 1983 à Mme C...est illégale et attentatoire aux droits acquis ; le local a continué sans interruption à être occupé par un membre d'une profession libérale ;

- la distinction faite par la ville de Paris entre les bénéficiaires d'autorisations ayant quitté les lieux avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 8 juin 2005 et ceux qui les ont quittés postérieurement institue une différence de traitement injustifiée portant atteinte au principe d'égalité devant la loi et devant les charges publiques.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juin 2018, la ville de Paris conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable comme dirigée contre une décision administrative ne faisant pas grief et donc non susceptible de recours ;

- les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- l'ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de Mme Nguyên Duy, rapporteur public,

- et les observations de Me Soulié, avocat de M. E... et Mme C... et de Me Falala, avocat de la ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 10 mars 1983 prise en application des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, le préfet de Paris a autorisé Mme C..., chirurgien-dentiste, à exercer sa profession, conjointement avec un docteur en médecine, dans un appartement de 105 m² à usage d'habitation dont elle était copropriétaire avec son conjoint,

M.E..., au 1er étage d'un immeuble situé 47 rue Bonaparte, dans le 6ème arrondissement de Paris. À son départ en retraite, deux médecins lui ont succédé dans ce local. Par courrier du 9 décembre 2014 adressé à Mme C...et par courrier du 17 avril 2015 adressé à M. E..., le maire de Paris leur a indiqué qu'ils ne pouvaient se prévaloir d'un changement d'usage en locaux professionnels de leur bien immobilier et qu'en conséquence les occupants actuels devaient solliciter une régularisation de leur situation. Par un courrier du 9 juillet 2015, notifié le 10 juillet 2015, les propriétaires ont formé un recours gracieux contre la décision du

17 avril 2015. En l'absence de réponse de l'autorité municipale, une décision implicite de rejet de ce recours gracieux est née le 10 septembre 2015. Une décision expresse de rejet est venue se substituer à cette dernière décision le 5 octobre 2015. M. E... et Mme C... font appel devant la Cour du jugement du 24 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions des 17 avril, 10 septembre et 5 octobre 2015.

Sur la recevabilité de la requête de première instance :

2. Par courrier du 17 avril 2015, la maire de Paris, saisi d'une demande par M. E..., lui a indiqué que ses locataires, occupants actuels du local dont il est propriétaire, ne pouvaient se prévaloir de l'autorisation préfectorale accordée le 10 mars 1983 à Mme C... et qu'en conséquence, il leur appartenait de régulariser leur situation en déposant une demande de changement d'usage à titre personnel conforme à la loi, faute de quoi la ville de Paris serait contrainte de saisir le Procureur de la République afin qu'il engage les poursuites prévues à l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation. Cette mise en demeure, qui constate l'irrégularité de la situation des occupants actuels du local et menace le propriétaire de poursuites judiciaires et de sanctions civiles, doit être regardée comme une décision administrative faisant grief et, comme telle, susceptible de recours pour excès de pouvoir. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la ville de Paris doit être écartée.

Sur la légalité de la décision attaquée :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 24 décembre 1986 : " Dans les communes définies à l'article 10-7 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 modifiée : 1. Les locaux à usage d'habitation ne peuvent être ni affectés à un autre usage, ni transformés en meublés, hôtels, pensions de famille ou autres établissements similaires (...) / Il ne peut être dérogé à ces interdictions que par autorisation administrative préalable et motivée, après avis du maire. / Le préfet peut autoriser l'exercice, sous certaines conditions, dans une partie d'un local d'habitation, d'une profession qui ne puisse à aucun moment revêtir un caractère commercial si ce local constitue en même temps la résidence du demandeur (...) ". La loi n° 86-1290 du

23 décembre 1986 a ajouté à cet article les deux alinéas suivants : " Ces dérogations et autorisations sont accordées à titre personnel. Cependant, les bénéficiaires membres d'une profession libérale réglementée, qui rendent à l'habitation le local qui était devenu totalement ou partiellement professionnel, peuvent être autorisés à transformer un autre local d'habitation en local professionnel pour une surface équivalente. / La dérogation et l'autorisation cessent de produire effet lorsqu'il est mis fin, à titre définitif, pour quelque raison que ce soit, à l'exercice professionnel du bénéficiaire ". Il résulte des termes, de l'objet et de l'économie générale des dispositions de la loi du 1er septembre 1948, dont est issu l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, que les dérogations et autorisations de changement d'affectation étaient attachées à la personne et non au local avant même l'adoption des dispositions de la loi du 23 décembre 1986 citées ci-dessus.

4. D'autre part, les articles 24 à 28 de l'ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005, entrée en vigueur le 10 juin 2005, ont réformé la réglementation relative au changement d'usage des locaux d'habitation, notamment pour prévoir, à l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation que l'autorisation de changement d'usage, en principe délivrée à titre personnel, peut " être subordonnée à une compensation, sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage " et que, " lorsque l'autorisation est subordonnée à une compensation, le titre est attaché au local et non à la personne ". L'article 29 de la même ordonnance, relatif aux dispositions transitoires, comporte un II qui dispose : " Les autorisations définitives accordées sur le fondement du même article L. 631-7 avant l'entrée en vigueur de la présente ordonnance et qui ont donné lieu à compensation effective, sont attachées, à compter de cette entrée en vigueur, au local et non à la personne ".

5. En premier lieu, la décision du 10 mars 1983 par laquelle le préfet de Paris a fait droit à la demande " de dérogation à l'article L. 631-7 " présentée par Mme C...afin d'utiliser en local professionnel l'appartement à usage d'habitation dont elle était propriétaire au 47 rue Bonaparte indique que cet usage, partagé avec le docteurA..., est autorisé " à condition que le local, s'il n'est pas rendu à usage d'habitation, reste occupé par un membre d'une profession libérale réglementée ". Il ressort des termes mêmes de cette décision que la dérogation était ainsi accordée à des personnes désignées, en raison pour Mme C... de son activité professionnelle et non de sa qualité de propriétaire, et n'était pas attachée au local. S'il est constant que l'autorisation du 10 mars 1983 mentionne qu'elle est accordée dès lors

" qu'en compensation " est remis à l'habitation la totalité du local situé 38 rue des Ecoles dans lequel Mme C... exerçait sa profession, il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que le local en cause, appartement à usage d'habitation, était la résidence familiale des époux E...-C..., d'une superficie de 180 m², dans lequel Mme C... exerçait, sur une superficie de 39 m², sa profession. Ce retour à son usage normal, en 1983, de la totalité de cet appartement ne peut en tout état de cause être considéré comme une " compensation effective " susceptible d'avoir fait naître, en application des dispositions précitées du II de l'article 29 de l'ordonnance du 8 juin 2005, un changement de la destination des deux locaux en cause. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'ils bénéficient de droits réels pour un usage professionnel de l'appartement du 47 rue Bonaparte.

6. En deuxième lieu, il résulte de ce qui vient d'être développé que l'autorisation préfectorale délivrée à titre personnel le 10 mars 1983 a pris fin lors de la cessation d'activité de ses bénéficiaires, Mme C...et M. A.... La mention selon laquelle l'autorisation est accordée " à la condition " que le local, " s'il n'est pas rendu à l'habitation, reste occupé par un membre d'une profession libérale réglementée ", n'a pu créer de droits à son occupation permanente, sans nouvelle autorisation, par tout membre d'une profession libérale. Il s'ensuit que la décision litigieuse, qui se borne à constater l'absence d'autorisation d'occupation à usage professionnel en cours de validité, ne peut être regardée comme le retrait ou l'abrogation d'une décision ayant créé des droits. Les moyens tirés de ce qu'un tel retrait ne pouvait intervenir que pour illégalité et dans le délai de quatre mois suivant l'autorisation du 10 mai 1983 doivent être écartés.

7. En dernier lieu, il résulte des termes de l'ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005 cités au point 4 que les autorisations accordées en contrepartie d'une compensation effective n'acquièrent un caractère réel qu'à compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance. Ainsi, et en tout état de cause, en précisant que les bénéficiaires ayant quitté leurs locaux avant le

10 juin 2005 ne pouvaient se prévaloir du caractère réel de leur autorisation, dès lors que leur autorisation personnelle avait pris fin avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance, les décisions attaquées ont tiré les conséquences des dispositions de l'ordonnance précitée. Par suite, le moyen tiré de la violation du principe d'égalité devant la loi et de la rupture d'égalité devant les charges publiques doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions des 17 avril, 10 septembre et 5 octobre 2015.

Sur les frais liés au litige :

9. Dès lors que M. E...et Mme C...sont la partie perdante dans la présente instance, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de faire droit aux conclusions de la ville de Paris fondées sur les mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... et Mme C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la ville de Paris fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...E..., à Mme D...C...et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 janvier 2019.

Le président-assesseur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIERLe greffier,

M. B...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17PA00002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00002
Date de la décision : 17/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme NGUYÊN-DUY
Avocat(s) : PEISSE DUPICHOT LAGARDE BOTHOREL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-01-17;17pa00002 ?
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