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24/04/2019 | FRANCE | N°18PA02448

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 24 avril 2019, 18PA02448


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Philiart a demandé au Tribunal administratif de Paris d'une part d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur son recours hiérarchique reçu le 18 janvier 2016 à l'encontre de la décision implicite du préfet de police rejetant son recours gracieux dirigé contre sa décision du 21 juillet 2015 lui refusant l'autorisation d'ouverture de nuit et d'autre part d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur son recour

s hiérarchique reçu le 10 mai 2017 à l'encontre de la décision du préfet de po...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Philiart a demandé au Tribunal administratif de Paris d'une part d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur son recours hiérarchique reçu le 18 janvier 2016 à l'encontre de la décision implicite du préfet de police rejetant son recours gracieux dirigé contre sa décision du 21 juillet 2015 lui refusant l'autorisation d'ouverture de nuit et d'autre part d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur son recours hiérarchique reçu le 10 mai 2017 à l'encontre de la décision du préfet de police du 29 mars 2017 lui refusant l'autorisation d'ouverture de nuit ainsi que la décision expresse du 7 août 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté ce même recours hiérarchique.

Par un jugement n°s 1607448/3-2 et 1713703/3-2 du 6 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 20 juillet 2018 et 7 janvier 2019, la SAS Philiart prise en la personne de son président, M.B..., et représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 6 juin 2018 ;

2°) d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant le recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision implicite du préfet de police rejetant son recours gracieux dirigé contre sa décision du 21 juillet 2015 lui refusant l'autorisation d'ouverture de nuit sollicitée ;

3°) d'annuler la décision implicite du ministre de l'intérieur sur son recours hiérarchique reçu le 10 mai 2017 à l'encontre de la décision du préfet de police du 29 mars 2017 lui refusant l'autorisation d'ouverture de nuit sollicitée ;

4°) d'annuler la décision expresse du 7 août 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté ce recours hiérarchique du 10 mai 2017.

Elle soutient que :

- les décisions contestées sont insuffisamment motivées ;

- le tribunal s'est, à tort, fondé pour rejeter ses demandes sur la circonstance que l'établissement en cause n'avait pas d'activité de musique ou de spectacle sans prendre en compte son utilité nocturne pour les touristes et les personnes travaillant la nuit ;

- une ouverture nocturne aurait un impact très favorable sur son chiffre d'affaires et permettrait la création de plusieurs emplois ;

- le tribunal s'est, à tort, fondé sur les risques de troubles pour l'ordre public et la tranquillité publique en raison notamment de l'absence à proximité de parkings ouverts alors qu'il existe plusieurs parkings et que l'établissement est de plus desservi par plusieurs lignes d'autobus " noctiliens " ;

- par son concept même, compte tenu de sa fréquentation importante par les personnes travaillant la nuit, l'établissement a une vocation nocturne ;

- aucun trouble à l'ordre public n'a jamais été constaté lors d'autorisations dérogatoires d'ouverture de nuit ;

- elle ne peut se voir opposer l'interdiction de vente à emporter sur la voie publique la nuit dès lors que son établissement, s'il fait de la vente à emporter, sert aussi des clients sur place comme un restaurant traditionnel ;

- le tribunal ne pouvait sans erreur, écarter l'argument tiré de l'adaptation à la clientèle d'aujourd'hui et aux ouvertures nocturnes croissantes des magasins ;

- les décisions attaquées créent une rupture d'égalité dès lors qu'un autre établissement à l'enseigne Mac Donald's s'est vu accorder une autorisation d'ouverture de nuit ;

- les décisions attaquées procèdent à une erreur d'interprétation de l'arrêté du 10 juin 2010 qui prévoit des autorisations d'ouverture nocturne pour des établissements justifiant de leur vocation nocturne par son concept ou son implantation, ce qui est le cas en l'espèce.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 19 mars 2019, le ministre de l'intérieur déclare s'en rapporter à ses écritures de première instance et aux écritures du préfet de police.

Par ordonnance du 21 février 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mars 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté n° 2010-00396 du 10 juin 2010 du préfet de police fixant l'heure d'ouverture et de fermeture des débits de boissons et des établissements de spectacles et de divertissements publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Labetoulle,

- et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Philiart exploite un restaurant à l'enseigne " Mac Donald's " situé 5, avenue du général Leclerc à Paris 14ème arrondissement, à proximité de la place Denfert-Rochereau. Elle a sollicité le 26 mai 2015 une autorisation d'ouverture de nuit de son établissement qui a fait l'objet d'un refus de la part du préfet de police par décision du 21 juillet 2015. Par une décision implicite née le 18 mars 2016, le ministre de l'intérieur a rejeté le recours hiérarchique de la société à l'encontre de la décision implicite du préfet de police rejetant son recours gracieux dirigé contre la décision du 21 juillet 2015. La société requérante a ensuite déposé une seconde demande d'autorisation d'ouverture de nuit le 9 janvier 2017, qui a également été rejetée par le préfet de police, par une décision du 29 mars 2017. Le ministre de l'intérieur a ensuite rejeté le recours hiérarchique formé à l'encontre de cette décision, par décision implicite, puis par une décision expresse du 7 août 2017 qui s'est substituée à cette décision implicite. La société Philiart a alors déposé devant le Tribunal administratif de Paris deux demandes, que le tribunal a analysées comme tendant à l'annulation d'une part, des décisions du préfet de police du 21 juillet 2015 et du ministre de l'intérieur du 18 mars 2016, et d'autre part, des décisions du préfet de police du 29 mars 2017 et du ministre de l'intérieur du 7 août 2017. Joignant ces deux requêtes il les a rejetées par jugement du 6 juin 2018 dont la société requérante interjette appel.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En application de l'article 1° de la loi du 11 juillet 1979 alors en vigueur et aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (....) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 " . Or, les deux décisions du préfet de police en date des 21 juillet 2015 et 29 mars 2017 mentionnent son arrêté du 10 juin 2010 fixant l'heure d'ouverture et de fermeture des débits de boissons et des établissements de spectacles et de divertissements publics et régissant les autorisations d'ouverture de nuit qui constitue le fondement juridique des refus contestés. Par ailleurs, elles indiquent également que ce refus est fondé sur un triple motif tenant à l'absence de vocation nocturne de l'établissement en cause, à l'existence de risques de troubles à l'ordre et la tranquillité publics et à l'interdiction de la vente à emporter après 0 heure 30. Ces deux décisions comportant ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation manque en fait.

3. Aux termes de l'article 3 de l'arrêté visé ci-dessus du 10 juin 2010 du préfet de police fixant l'heure d'ouverture et de fermeture des débits de boissons et des établissements de spectacles et de divertissements publics, " des autorisations d'ouverture, entre 2H et 5H peuvent, à titre exceptionnel, être accordées aux établissements à vocation nocturne, à condition qu'il n'en résulte aucun trouble pour l'ordre public. L'autorisation est strictement personnelle et incessible (...) ". Aux termes de l'article 4 du même arrêté " sont considérés comme établissements à vocation nocturne : - les établissements qui offrent à leur clientèle, à titre principal, l'audition de musique et le spectacle sur scène ; - à défaut de satisfaire au critère susmentionné, l'exploitant doit justifier par une lettre de motivation la vocation nocturne de l'établissement par son concept ou par son implantation dans un secteur festif, touristique ou culturel de la ville de Paris ".

4. Il est constant en premier lieu, que l'établissement exploité par la société requérante ne satisfait pas au critère principal pour la délivrance d'une autorisation d'ouverture nocturne puisqu'il n'offre pas à sa clientèle d'audition de musique ou des spectacles. Par ailleurs, en dépit de sa proximité alléguée avec le quartier de Montparnasse et de la présence voisine d'une station d'Orly Bus susceptible de favoriser la présence de touristes, ce quartier de l'avenue du général Leclerc ne peut être regardé comme un secteur festif, touristique ou culturel de la ville de Paris. Enfin la circonstance que l'ouverture, la nuit, de cet établissement permettrait de répondre aux besoins des touristes de passage et de la population travaillant de nuit, qui serait particulièrement nombreuse en raison de la présence à proximité de l'hôpital de la Rochefoucauld, du centre hospitalier Sainte-Anne et du commissariat central de police, ne permet pas d'établir que l'établissement aurait, par son concept, une vocation nocturne . Par suite, le préfet de police a pu fonder son refus sur l'absence de vocation nocturne de l'établissement pour prendre les décisions attaquées.

5. Il ressort en deuxième lieu, des pièces du dossier que l'établissement exploité par la société requérante a fait l'objet en 2015 d'un avertissement préfectoral en application de l'article L.3332-15-1 du code de la santé publique pour infraction aux lois et règlements relatifs aux débits de boissons, ainsi que d'une mise en garde du fait d'une rixe survenue le 23 août 2015, en raison de laquelle les services de police avaient proposé une fermeture administrative de l'établissement. Il ressort également du dossier que la demande d'autorisation d'ouverture nocturne a fait l'objet d'avis défavorables du directeur de la police judiciaire, du directeur de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne, se fondant sur le rapport du commissariat central du 14ème arrondissement, ainsi que du service de la prévention de police administrative et de documentation de la préfecture de police. Le préfet de police pouvait donc à juste titre, se fonder sur les risques pour la tranquillité et l'ordre publics pour refuser d'accéder à sa demande.

6. Si l'interdiction d'autorisation de la vente à emporter au-delà de 0H30 ne s'opposait pas à la délivrance de l'autorisation sollicitée, le cas échéant assortie d'une réserve quant au respect de cette interdiction de vente à emporter, ainsi que cela a été prévu pour un autre établissement exerçant sous l'enseigne " Mac donald's " situé 111 Cours de Vincennes dans le 20ème arrondissement de Paris, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les deux motifs tirés du défaut de vocation nocturne de l'établissement en cause et des risques pour l'ordre et la tranquillité publics que présenterait l'autorisation sollicitée. Dans ces conditions, et quel que soit le caractère le cas échéant insuffisant des possibilités de stationnement à proximité, invoqué seulement dans la décision initiale du 21 juillet 2015, le préfet de police a pu légalement et sans entacher ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation se fonder sur ces deux motifs pour refuser les autorisations demandées.

7. Si la société Philiart fait par ailleurs valoir que l'autorisation d'ouverture nocturne de son établissement aurait un impact très favorable sur son chiffre d'affaires et permettrait la création de plusieurs emplois, ce moyen est sans incidence sur la légalité des décisions attaquées de même que celui tiré de la nécessaire adaptation à la clientèle d'aujourd'hui et aux ouvertures nocturnes croissantes des magasins.

8. Enfin, le principe d'égalité ne s'applique qu'à des personnes se trouvant dans des situations identiques. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'établissement " Mac Donald's " situé dans un quartier différent, qui a obtenu une autorisation d'ouverture nocturne, se trouverait dans une situation comparable à celui exploité par la société Philiart. Par ailleurs, si la requérante fait état de l'autorisation accordée à un restaurant italien dans un quartier du 13ème arrondissement qui n'aurait pas de caractère touristique, il ressort de l'article de presse qu'elle produit elle-même que cet établissement aura une activité musicale, et satisfera dès lors au critère principal posé par l'article 4 de l'arrêté du préfet de police du 10 juin 2010. Le moyen tiré de l'atteinte portée au principe d'égalité doit par suite, en tout état de cause, être écarté.

8. Il résulte dès lors de tout ce qui précède que la société Philiart n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Sa requête ne peut dès lors qu'être rejetée sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des demandes de première instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Philiart est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Philiart et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 avril 2019.

Le rapporteur,

M-I. LABETOULLE

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N° 18PA02448


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02448
Date de la décision : 24/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-04 Police. Polices spéciales. Police des débits de boissons.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : BASSIRI-BARROIS PASCAL ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-04-24;18pa02448 ?
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