Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E...C...épouse B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 15 janvier 2018 par laquelle la préfète de Seine-et-Marne a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour.
Par un jugement n° 1801123 du 14 juin 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 juillet 2018, MmeC..., représentée par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'enjoindre à la préfète de lui délivrer un titre de séjour temporaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou à défaut de réexaminer son dossier d'admission au séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier pour être intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- son passeport est revêtu d'un visa Schengen et d'un cachet d'entrée des autorités portuaires portugaises. Par suite, la préfète était tenue de lui délivrer un visa de long séjour et de faire droit à sa demande de titre de séjour fondée sur l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle s'est mariée en France avec un ressortissant français avec lequel elle vit depuis plus de six mois.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 mai 2019, la préfète de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Heers,
- et les conclusions de MmeA....
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante ivoirienne, a sollicité, à la suite de son mariage le 29 avril 2017 en France avec M. B..., de nationalité française, auprès de la préfète de Seine-et-Marne, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 15 janvier 2018, la préfète de Seine-et-Marne a refusé de faire droit à sa demande au motif qu'elle ne justifiait pas d'une entrée régulière sur le territoire français. Mme C... relève appel du jugement du 14 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 11-3, R. 611-5 et R. 611-6. (..) ". L'article R. 613-2 de ce code dispose : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne ". Selon l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. / Si les parties présentent avant la clôture de l'instruction des conclusions nouvelles ou des moyens nouveaux, la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d'instruction ". L'article R. 613-4 du même code dispose : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties ".
3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il décide de verser au contradictoire après la clôture de l'instruction un mémoire qui a été produit par les parties avant ou après celle-ci, le président de la formation de jugement du tribunal administratif doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Il lui appartient dans tous les cas de clore l'instruction ainsi rouverte et, le cas échéant, de fixer une nouvelle date d'audience.
4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 30 avril 2018, la préfète de Seine-et-Marne a produit un mémoire en défense. La communication de ce mémoire le vendredi 25 mai 2018 a eu pour effet de rouvrir l'instruction, alors que l'audience s'est tenue le jeudi 31 mai suivant et qu'en application des dispositions précitées de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, la nouvelle clôture de l'instruction est intervenue trois jours francs avant l'audience, soit le dimanche 27 mai 2018 à minuit. Dès lors, la requérante est fondée à soutenir que le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en ne lui laissant pas un délai suffisant pour produire utilement ses observations en réponse à cette première défense du préfet. Le jugement doit donc, pour cette raison, être annulé.
5. Il y a lieu, pour la Cour d'évoquer et de statuer directement sur la demande de Mme C... devant le tribunal administratif.
Sur la demande de MmeC... :
6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". De plus, aux termes de l'article L. 311-7 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ". Enfin, aux termes du 6ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du même code : " Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour ".
7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que pour prétendre à la délivrance d'un visa de long séjour alors qu'il séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint ressortissant de nationalité française, l'étranger doit justifier de son entrée régulière en France.
8. Aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 3-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 12-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009. " De plus, aux termes de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'article L. 531-1 est applicable à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 211-32 du même code : " La déclaration obligatoire mentionnée à l'article L. 531-2 est, sous réserve des dispositions de l'article R. 212-6, souscrite à l'entrée sur le territoire métropolitain par l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne et qui est en provenance directe d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ".
9. La requérante produit un passeport sur lequel est apposé un visa Schengen de type C délivré par les autorités portugaises valable du 2 octobre au 15 novembre 2014. Toutefois, le cachet apposé sur ce visa permet seulement d'établir qu'elle est arrivée à Lisbonne le 19 octobre 2014 en provenance directe de Côte d'Ivoire. De plus, la carte d'embarquement produite pour un vol en date du 24 octobre, sans en mentionner l'année, au départ du Portugal à destination de la France sur lequel est apposé un reçu de bagage de la compagnie Groundforce Portugal, n'est pas de nature à apporter la preuve d'une entrée effective et régulière en France à la date alléguée par la requérante. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée n'a pas effectué la déclaration obligatoire prévue aux dispositions de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, démarche qui conditionne la régularité du séjour. Par conséquent, Mme C...n'établit pas être entrée régulièrement en France et ne remplissait donc pas les conditions pour se voir délivrer un visa de long séjour selon les modalités fixées au 6ème alinéa de l'article L. 211-2 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, la préfète de Seine-et Marne n'a pas méconnu les dispositions des articles L. 311-7 4° et L. 211-2 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Les conclusions aux fins d'annulation du refus du préfet présentées doivent donc être rejetées. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent également être rejetées de même que ses conclusions relatives aux frais liés à l'instance.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de Mme C...devant le tribunal administratif doit être rejetée de même que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant la Cour.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1801123 du 14 juin 2018 du Tribunal administratif de Melun est annulé.
Article 2 : La demande de Mme C...devant le tribunal administratif de Melun et ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant le Cour sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...C...épouse B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée à la préfète de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2019 , à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, président de chambre,
- Mme Julliard, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 juin 2019.
Le président-rapporteur,
M. HEERSL'assesseure la plus ancienne,
M. JULLIARD
La greffière,
F. DUBUYLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA02493 5