Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite de rejet née le 23 septembre 2016 du silence gardé par le préfet de Seine-et-Marne sur sa demande de carte de résident.
Par un jugement n° 1608306 du 14 septembre 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 novembre 2018, et un mémoire en réplique enregistré le 3 juin 2019, M. B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 14 septembre 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite de rejet née le 23 septembre 2016 du silence gardé par le préfet de Seine-et-Marne sur sa demande de carte de résident ;
3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une carte de résident dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision méconnait les stipulations du f) de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ; il remplit la condition de dix ans de séjour régulier posée par cet accord pour la délivrance de plein droit d'une carte de résident ;
- il ne représente pas une menace pour l'ordre public ; sa condamnation pénale est effet ancienne, sa situation a changé, son comportement est depuis lors irréprochable, et le préfet ne produit au débat aucun élément démontrant qu'il représenterait une telle menace ; en outre, la commission d'expulsion des ressortissants étrangers réunie le 22 novembre 2017 a émis un avis défavorable à son expulsion sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et, par un jugement du 16 avril 2019, le Tribunal de grande instance de Paris a fait droit à sa requête en exclusion de la mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire, de sa condamnation prononcée par le Tribunal correctionnel de Paris le 2 avril 2013 ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il y a toujours lieu de statuer sur sa requête.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 mai 2019, le préfet de Seine-et-Marne conclut à ce que la Cour prononce un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de M. B...dès lors que lui a été délivré un récépissé provisoire en vue du renouvellement de sa carte de séjour temporaire valable du 12 avril 2018 au 11 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- et les observations de Me D...pour M.B....
Considérant ce qui suit :
1. M. A...B..., ressortissant tunisien né le 3 août 1983 à Tripoli (Lybie), est entré en France le 31 août 2002. Il a obtenu le statut de réfugié, et le préfet de l'Essonne lui a alors délivré une carte de résident valable du 20 septembre 2004 au 19 septembre 2014. Toutefois, par une décision du 4 mars 2015, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a prononcé la cessation de sa qualité de réfugié. Par un courrier du 19 mai 2016, M. B...a sollicité la délivrance d'une carte de résident sur le fondement des stipulations du f) de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié. Du silence gardé par le préfet sur cette demande est née, le 23 septembre 2016, une décision implicite de rejet. M. B...a alors demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler ce refus implicite et d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer une carte de résident. Par un jugement du 14 septembre 2018, le tribunal a rejeté sa demande. M. B...fait appel de ce jugement.
Sur l'étendue du litige :
2. Ainsi que le fait valoir M.B..., la carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " qui lui a été délivrée sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 a une durée de validité qui ne peut excéder un an, tandis que la carte de résident qu'il sollicitait sur le fondement des stipulations de l'article 10 de l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail a une durée de validité de dix ans. Dans ces conditions, la délivrance à M. B...d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", puis la procédure de renouvellement de cette carte, ne peuvent être regardées comme emportant des effets équivalents à ceux du titre demandé. Par suite, contrairement à ce que soutient le préfet de Seine-et-Marne la requête de M. B... n'est pas devenue sans objet.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, l'article 10 de l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail, dans sa rédaction issue de l'avenant du 19 décembre 1991, stipule qu' " un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : (...) f) Au ressortissant tunisien qui est en situation régulière depuis plus de dix ans, sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " ".
4. M. B...reprend en appel le moyen déjà soulevé devant les premiers juges, tiré de ce que la décision implicite de rejet de sa demande de carte de résident méconnaitrait les stipulations citées ci-dessus dès lors qu'il remplit la condition de dix ans de séjour régulier requise par ces stipulations pour pouvoir prétendre à la délivrance de plein droit d'une telle carte. C'est toutefois à bon droit que le tribunal a relevé que ces mêmes stipulations ne privent pas l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale en vigueur relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour d'un ressortissant étranger en se fondant sur des motifs tenant à l'ordre public. Or, il ressort des pièces du dossier que M. B...a, notamment, été condamné par jugement du 13 janvier 2010 du Tribunal correctionnel de Paris à cinq ans d'emprisonnement, dont un an avec sursis, pour des faits de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, et les premiers juges ont estimé qu'eu égard à ces agissements, sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public justifiant le rejet de sa demande. En faisant état de l'ancienneté de ces faits, de l'avis, défavorable à son expulsion émis par la commission d'expulsion le 22 novembre 2017, et de l'exclusion, postérieurement à la décision attaquée, de la mention au bulletin n° 2 de son casier judiciaire, de sa condamnation prononcée par le Tribunal correctionnel de Paris le 2 avril 2013, M. B...ne fait valoir aucun élément nouveau de nature à remettre en cause le bien-fondé de ces motifs.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. B...allègue qu'il réside en France depuis plus de dix ans et qu'il y a établi le centre de ses intérêts privés et familiaux. Il ressort en effet des pièces du dossier qu'il justifie de l'ancienneté de séjour alléguée, qu'il est marié, père de trois enfants à la date de la décision contestée, et qu'il est titulaire depuis 2015 d'un contrat à durée indéterminée en tant que conducteur de cars. Il n'est toutefois pas contesté que son épouse et ses enfants dont l'aîné était scolarisé en classe de maternelle à la date de la décision attaquée, sont comme lui de nationalité tunisienne. Dans ces conditions, en l'absence de circonstance particulière qui ferait obstacle à ce que leur vie familiale se poursuive dans leur pays, où il a vécu jusqu'à l'âge de dix-neuf ans, et compte tenu du motif d'ordre public rappelé ci-dessus, la décision attaquée ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, ou comme reposant sur une erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 juin 2019.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
La greffière,
T. ROBERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA03609