Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 août 2017 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé le changement du nom de son fils mineur A..., Antoine, Richard, de " F... " en " E... ".
Par un jugement n° 1716331 du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 janvier 2019 et des pièces complémentaires produites le 6 septembre 2019, Mme E..., représentée par Me H..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1716331 du 29 novembre 2018 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 30 août 2017 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé le changement du nom de son fils mineur A..., de " F... " en " E... " ;
3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de substituer au nom de son fils celui de E... et de proposer au Premier ministre de prendre un décret de changement de nom dans un délai de deux mois ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision litigieuse est entachée d'une erreur d'appréciation de l'intérêt légitime de son fils à changer son patronyme, dès lors qu'existent des circonstances exceptionnelles ;
- le refus de changement de nom porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des exigences posées par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 juin 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le décret n° 94-52 du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... a été autorisée par une ordonnance du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Marseille en date du 22 janvier 2014 à déposer une requête aux fins de changement du nom de son fils mineur A..., Antoine, Richard, né le 10 novembre 2004, de F... en E.... Par une décision du 30 août 2017, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté cette demande. Mme E... fait appel du jugement du 29 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré (...) ". Des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.
3. Il ressort des pièces du dossier que le jeune A... F... est né le 10 novembre 2004 de l'union de sa mère Mme E... et de son père M. F.... Par un jugement du 26 juin 2007, le tribunal de grande instance de Marseille a prononcé le divorce des époux F... sur demande conjointe et a confié l'autorité parentale conjointement aux deux parents. La requérante soutient que, à compter de cette période, son ex-époux a disparu de la vie de son fils, ne s'est plus manifesté et ne s'est jamais acquitté de son obligation de contribuer à son entretien et à son éducation. Par un jugement du 12 mars 2013, le juge aux affaires familiales a ainsi confié l'exclusivité de l'autorité parentale sur le jeune A... à sa mère et a suspendu le droit de visite de M. F..., lequel n'a d'ailleurs pas répondu aux convocations devant le juge judiciaire dans le cadre de cette procédure.
4. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le patronyme du jeune A... F..., âgé de près de treize ans à la date de la décision litigieuse, serait la cause chez lui de troubles d'ordre psychologique ou affectif, ou occasionnerait des difficultés d'ordre pratique dans sa vie quotidienne et dans celle de sa famille. En outre, la demande de Mme E... vise non simplement à l'adjonction du patronyme maternel à celui du père de son fils, mais à la suppression pure et simple du nom paternel. Par ailleurs, il ressort des documents qu'elle produit, notamment de la main courante du 10 novembre 2010 ou le témoignage du jeune A... daté du 30 août 2019, que contrairement à ce qu'elle a déclaré, notamment devant les juges, M. F... s'est manifesté et a revu son fils après le jugement de divorce. Il ne ressort pas ainsi des pièces du dossier de circonstances exceptionnelles de nature à démontrer l'existence d'un intérêt légitime du jeune A... F... à ne plus porter le nom de son père et se voir attribuer le nom de sa mère.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Comme il a été dit au point 4, il ne ressort pas des pièces du dossier que le patronyme du jeune A... F... serait la cause d'un trouble quelconque de nature à porter atteinte à son droit de mener sa vie privée et familiale et porterait ainsi à ce droit une atteinte excessive au regard de l'intérêt public qui s'attache au respect des principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi. Le moyen ne peut qu'être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme E... doit être rejetée, en ce comprises ses conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors que l'État n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme G..., présidente de chambre,
- M. D..., président-assesseur,
- M. Platillero, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.
Le rapporteur,
S. D...La présidente,
S. G... Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA00171