La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/10/2019 | FRANCE | N°17PA01914

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 09 octobre 2019, 17PA01914


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler d'une part, la décision du ministre des affaires sociales et de la santé en date du 9 juillet 2014 rejetant sa demande indemnitaire du 15 avril 2014 ainsi que ses trois demandes indemnitaires distinctes du 20 avril 2014, d'autre part, en tant que de besoin, les décisions implicites de rejet de cette demande indemnitaire par les ministres du travail, de la santé et le Premier ministre. Elle a demandé également la condamnation de l'Etat à lu

i verser une somme de 300 000 euros en réparation des préjudices qu'el...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler d'une part, la décision du ministre des affaires sociales et de la santé en date du 9 juillet 2014 rejetant sa demande indemnitaire du 15 avril 2014 ainsi que ses trois demandes indemnitaires distinctes du 20 avril 2014, d'autre part, en tant que de besoin, les décisions implicites de rejet de cette demande indemnitaire par les ministres du travail, de la santé et le Premier ministre. Elle a demandé également la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 300 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises dans la gestion de son dossier.

Par un jugement n° 1501080/3-3 du 4 avril 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2017, et un mémoire enregistré le 21 mars 2019, Mme E..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 avril 2017 ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de condamner l'Etat (ministre du travail) à lui verser la somme de 300 000 euros quitte à parfaire en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2014 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal n'a pas répondu à l'intégralité de son argumentation, à savoir le retard avec lequel l'administration lui a communiqué des informations sur l'illégalité de la clause contenue dans son contrat et sur les prescriptions et le retard avec lequel son dossier a été géré alors notamment qu'elle avait alerté l'inspection du travail dès 2004 ; le tribunal n'a pas non plus répondu à l'argumentation tirée du fait qu'elle n'avait pas été reçue par l'inspection du travail malgré ses demandes ;

- les services du ministère du travail ont commis des fautes et négligences dans la gestion de son dossier, en ne sollicitant pas de son employeur la communication de feuilles de paye corrigées ;

- ils ont également commis une faute en ne lui procurant pas l'information due, notamment en laissant sans réponse la télécopie du 6 août 2004 adressée par ses soins à l'inspecteur du travail et en ne mentionnant pas, dans la mise en demeure adressée à l'employeur par l'inspecteur du travail, la question de la clause du contrat entachée d'illicéité ; le ministère n'a pas tout fait pour obtenir de l'employeur la régularisation de ses cotisations sociales ;

- l'absence d'information sur les prescriptions est également fautive, alors au surplus qu'il ne s'agissait pas d'une question complexe ; il en est de même de l'absence d'information sur l'illégalité de l'abattement pratiqué par l'employeur sur ses cotisations sociales ; ce n'est qu'en 2011, après qu'une plainte a été déposée contre l'administration et que le procureur de la République a adressé un courrier à l'inspection du travail, que des informations claires et précises lui ont été délivrées sur ls prescriptions et ce n'est qu'en 2012 qu'elle sera reçue par un inspecteur du travail qui lui fournira des explications précises ;

- ces manquements de l'Etat ont entraîné pour elle la perte d'une chance sérieuse d'engager une action avant que la prescription ne soit acquise et d'obtenir l'examen de son dossier par les différentes autorités compétentes au vu d'un dossier complet, comprenant des feuilles de paye régulières ;

- l'inaction des services du ministère du travail face à l'abstention de l'employeur jusqu'en 2010 et 2011, alors qu'ils étaient saisis dès 2004 et relancés en 2006, est fautive ; si le courrier qui a finalement été adressé à l'employeur l'avait été avant la date de prescription et si elle avait été destinataire des informations qui y figuraient, elle aurait pu saisir le conseil des Prud'hommes en temps utile ; par ailleurs, après 2005, l'action pénale ne pouvait plus être engagée par l'administration à l'encontre de l'employeur ;

- c'est à tort que le ministère du travail a transmis ses lettres au service social des ministères sociaux, lesquels se sont bornés à indiquer qu'ils ne pouvaient intervenir dans un dossier faisant l'objet d'une action en justice alors que c'est au contraire de leurs réponses que dépendait la saisine de la justice ;

- s'agissant de ces services sociaux, ils ont omis de l'informer sur la possibilité d'obtenir une carte Navigo gratuite et le Trésor public a saisi sa pension d'invalidité de

700 euros en raison d'amendes infligées par la RATP ;

- les fautes commises par l'Etat lui ont fait perdre une chance de pouvoir saisir le Conseil des Prud'hommes dans le délai légal de cinq années, soit au plus tard en 2008 ; le préjudice résultant de la perte de chance de recouvrer le rappel des salaires s'élève à 9 461,44 euros ; le manque à gagner au titre des allocations de l'assurance chômage se monte à 17 908 euros ; au titre des indemnités journalières, il s'élève à 3 991,77 euros ; en ce qui concerne la pension d'invalidité, la perte est de 4 293,32 euros ; il est de 5 123,52 euros pour la pension de retraite ; soit au total un montant de 31 316,61 euros, supérieur à la somme de 20 000 euros allouée par le juge judiciaire au titre de ce préjudice et du préjudice moral, de sorte qu'elle est fondée à demander au titre des préjudices mentionnés précédemment la condamnation de l'Etat à lui payer la différence, soit 11 316,61 euros ; compte tenu de l'ensemble des circonstances, caractérisées par un préjudice moral important et nombreuses conséquences défavorables, elle est fondée à demander au total une indemnisation de 300 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 21 décembre 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Un mémoire et des pièces complémentaires, enregistrés les 21 juin et

2 juillet 2019, ont été présentés pour Mme E....

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 13 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi du 10 juillet 1991 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour Mme E....

Une note en délibéré, enregistrée le 4 octobre 2019, a été présentée pour Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... a subi, de la part de son employeur, une réfaction irrégulière de 30 % sur ses cotisations sociales pour la période s'écoulant de juin 2003 à novembre 2004 avant son départ de l'entreprise, ce qui a entraîné une minoration de ses indemnités journalières, de ses indemnités de chômage, du montant de sa pension d'invalidité ainsi que de ses droits à la retraite. Elle estime également avoir subi une perte de salaires. Après avoir obtenu, par un arrêt du 19 mai 2015, la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices moral et financier, à l'exclusion toutefois du rappel de salaires pour lequel l'action introduite en 2012 était prescrite, elle recherche la responsabilité de l'Etat à raison des préjudices, de nature financière et morale, qu'elle estime avoir subis du fait de divers retards, carences, négligences et défaut d'informations appropriées et délivrées en temps utile par les services de l'inspection du travail qu'elle avait alertés dès 2004 sur sa situation. Mme E..., dans la présente instance, fait appel du jugement du 4 avril 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une part, de la décision du ministre des affaires sociales et de la santé en date du 9 juillet 2014 rejetant sa demande indemnitaire du 15 avril 2014 ainsi que ses trois demandes indemnitaires distinctes du 20 avril 2014, d'autre part, en tant que de besoin, les décisions implicites de rejet de cette demande indemnitaire par les ministres du travail, de la santé et le premier ministre, et, enfin, à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 300 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises dans la gestion de son dossier.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme E... soutient en premier lieu que le tribunal n'a pas répondu à l'intégralité de son argumentation, en particulier sur le retard avec lequel l'administration lui a communiqué des informations sur l'illégalité de la clause contenue dans son contrat et sur les prescriptions. Toutefois, dès lors que le tribunal estimait, au point 4 du jugement, qu'aucune obligation d'information générale ne pesait sur l'administration, pas même en ce qui concerne les délais de prescription d'une action, il n'était pas tenu de se prononcer, à peine d'omission à statuer, sur le retard avec lequel ces informations auraient été données à Mme E..., dès lors que cette argumentation devenait inopérante. Par ailleurs, en ce qui concerne l'argumentation tirée du retard avec lequel son dossier a été géré, et de ce qu'elle n'a pas été reçue par l'inspection du travail, le tribunal y a suffisamment répondu au point 7 de son jugement, dès lors qu'il n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés au soutien du moyen tiré de la faute qu'aurait commise l'Etat dans l'instruction de son dossier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Il résulte de l'instruction que si Mme E... ne s'est pas sentie correctement accompagnée par les services de l'inspection du travail puis par diverses autres administrations, les préjudices de nature morale, notamment un sentiment d'abandon de la part des services administratifs, et financière, au nombre desquels la perte de chance d'engager en temps utile une action devant le conseil des prud'hommes, ainsi que les troubles dans ses conditions d'existence dont elle demande réparation trouvent leur cause déterminante dans la faute de son employeur et non dans les agissements et carences qu'elle invoque dans la gestion de son dossier par l'administration. S'agissant par ailleurs de l'erreur affectant, comme le reconnaît d'ailleurs la ministre du travail, l'information qui lui a été finalement donnée quant au délai restant à courir avant la prescription de l'action qu'envisageait la requérante devant le conseil des prud'hommes, elle ne peut être regardée comme étant à l'origine de ces préjudices, même en partie, dès lors qu'en tout état de cause, l'action était déjà prescrite à la date à laquelle cette information a été délivrée, de sorte qu'une information correcte n'aurait pu faire échec à la prescription opposée par le juge judiciaire à l'action finalement introduite par Mme E... à l'encontre de son employeur. Par suite, les préjudices dont celle-ci demande réparation n'étant pas directement imputables à l'Etat, la responsabilité de ce dernier ne saurait être engagée. Si, en dernier lieu, Mme E... met en cause les services sociaux, pour avoir omis de l'informer sur la possibilité d'obtenir une carte Navigo gratuite, ce qui aurait finalement conduit le Trésor public à saisir sa pension d'invalidité en raison d'amendes infligées par la RATP, cette demande, à supposer que présente le caractère d'un préjudice indemnisable le recouvrement d'amendes, ne saurait être regardée comme se rattachant au litige porté devant le tribunal administratif. La demande de réparation de l'ensemble de ces préjudices ne peut donc qu'être rejetée.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à se plaindre du rejet, par le jugement attaqué, de ses demandes. Par voie de conséquence, sa demande tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peut qu'être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., au ministre du travail et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 23 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme A..., président de chambre,

- Mme D..., présidente assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 octobre 2019.

Le président rapporteur,

M. A...La présidente assesseure,

M. D...

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre du travail en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA01914


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01914
Date de la décision : 09/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-04-01-03-01 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Préjudice. Caractère direct du préjudice. Absence.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : LERAT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-09;17pa01914 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award