Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... F... a demandé au Tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le Centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau (CHCBE) à lui verser la somme de 396 096,89 euros, avec intérêts moratoires, conformément aux stipulations de l'article 3.2.7 du CCAP applicable, à compter du 25 juin 2001 et à défaut du 13 février 2014, en réparation du préjudice que lui aurait causé l'irrégularité de la décision de résiliation du marché de conception-réalisation du nouvel hôpital local de Capesterre Belle-Eau.
Par un jugement n° 1500369 du 7 avril 2017, le Tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juin 2017 au greffe de Cour administrative d'appel de Bordeaux, M. F..., représenté par Me A... de la Noue, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Guadeloupe du 7 avril 2017 ;
2°) de condamner le CHCBE à lui verser la somme de 396 096,89 euros, avec intérêts moratoires, ainsi qu'il a été dit ci-dessus ;
3°) de mettre à la charge du CHCBE le versement de la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure suivie par le CHCBE pour prononcer la résiliation du marché est à la fois irrégulière et mal fondée ;
- la résiliation devait être notifiée à chacun des membres du groupement, et non à la seule société Saint-Landry ;
- elle devait être précédée d'une mise en demeure ;
- il doit donc être indemnisé des honoraires dont il a été privé, du fait de cette résiliation ;
- la fin de non-recevoir soulevée en première instance tirée de ce qu'il n'a pas exercé un recours en contestation de la validité de la résiliation doit être écartée ;
- son recours administratif préalable et son recours devant le préfet ont interrompu le délai de recours contentieux ;
- le groupement conjoint s'est trouvé représenté par un mandataire non-expressément habilité par ses membres, la société Saint Landry ; la reprise du marché par la société Saint Landry aurait au contraire du faire l'objet d'un nouvel acte d'engagement afin de reconstituer le groupement ; un avenant devait être conclu pour organiser la poursuite de l'exécution du contrat, malgré la défaillance de l'un des membres du groupement, ce qui n'a pas été fait ; le mandat de la société Saint Landry a en tout état de cause pris fin avec la résiliation du marché ;
- il a rempli ses obligations notamment en proposant la mise en place d'un nouveau marché de maîtrise d'oeuvre selon la loi MOP, ainsi qu'une requalification de la décision de résiliation, et en demandant le décompte de résiliation du marché de conception-réalisation ;
- en revanche, le maître de l'ouvrage a ignoré les bonnes pratiques du marché de conception-réalisation en dépassant les seuils de modifications de programmes prévus dans le CCAG ;
- il a également déstabilisé l'économie du groupement (période Alfa Bâtiment) en refusant de réaliser un avenant de régularisation des multiples ordres de service de modifications de programme ;
- enfin, le maître de l'ouvrage n'a pas mis en place d'avenant de transfert (période Saint-Landry) comme prévu dans le protocole CHCBE/Saint-Landry/ARS permettant à la maîtrise d'oeuvre d'être rattachée au représentant de la société Saint-Landry ;
- M. F... avait, contrairement à ce qu'a retenu le jugement du tribunal administratif, transmis à la société Saint-Landry le détail de son décompte final le 4 juillet 2011 ;
- le jugement du tribunal administratif est irrégulier, les conclusions du rapporteur public ne lui ayant, en méconnaissance du principe du contradictoire, pas été transmises avant l'audience ;
- il n'a pas répondu à tous les éléments qu'il avait avancés, notamment à ses moyens relatifs à la régularité et au bien-fondé de la résiliation, ainsi qu'à son droit à indemnisation ;
- il entre en contradiction avec le précédent jugement du Tribunal administratif de Basse-Terre du 20 juin 2013, n° 1100198 et n° 1100661, et avec l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Bordeaux du 4 mai 2016, n° 13BX02349 qui ont regardé la résiliation comme irrégulière ;
- il est entaché de contradiction de motifs en ce qu'il se réfère à ces décisions, tout en rejetant sa demande d'indemnisation.
Par trois mémoires en défense, enregistrés le 31 octobre 2017, le 17 mai 2018 et le 6 septembre 2019, le Centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. F... le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande introduite par M. F... devant le tribunal administratif était irrecevable puisque tardive compte tenu de la notification, le 24 juin 2011, de la décision de résiliation du marché, datée du 10 juin 2011 ;
- elle a en tout état de cause été introduite en dehors du délai raisonnable ouvert pour agir à l'encontre d'une décision administrative individuelle ;
- elle se heurte au surplus à la règle de la prescription quadriennale instituée par l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31décembre 1968 ;
- la société Saint Landry, mandataire du groupement avait seule qualité pour représenter les entrepreneurs conjoints vis-à-vis du maître de l'ouvrage ;
- les moyens invoqués par M. F... ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en réplique, enregistrés le 30 novembre 2017 et le 15 juin 2018, et par un mémoire récapitulatif, enregistré le 18 avril 2019, M. F..., conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.
Il soutient en outre que le CHCBE n'est pas fondé à invoquer la déchéance quadriennale, pour la première fois en appel, sans décision expresse de son ordonnateur, alors que le cours de la prescription a été interrompu par la présente procédure et n'a en tout état de cause pas commencé à courir en l'absence de réception des travaux.
Par une ordonnance du 1er mars 2019, prise en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour la requête présentée par M. F....
Par une ordonnance du 9 août 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- les observations de Me A... de la Noue pour M. F...,
- et les observations de Me C... pour le CHCBE.
1. Il résulte de l'instruction que l'hôpital local de Capesterre Belle-Eau, devenu le Centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau (CHCBE), a conclu le 30 novembre 2006 un marché de conception-réalisation avec un groupement d'entreprise conjoint, dont M. B... F..., architecte, était membre, ayant pour mandataire la société Alfa Bâtiment. A la suite du placement en redressement judiciaire de la société Alfa Bâtiment, la Cour d'appel de Basse-Terre a, le 7 février 2011, ordonné la cession partielle des seuls actifs de cette société relatifs au chantier de l'hôpital local de Capesterre Belle-Eau au profit de la société Saint-Landry. Par une décision du 10 juin 2011, le CHCBE a résilié le marché. M. F... a alors demandé au Tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le CHCBE à lui verser la somme de 396 096,89 euros, avec intérêts moratoires, en réparation du préjudice que lui aurait causé l'irrégularité de la décision de résiliation. Il fait appel du jugement du 7 avril 2017, par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, l'exercice de la fonction de rapporteur public n'est pas soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l'instruction. Il suit de là que les conclusions du rapporteur public devant le tribunal administratif -qui pouvaient d'ailleurs ne pas être écrites- n'avaient pas à faire l'objet d'une communication préalable aux parties.
3. En deuxième lieu, pour rejeter la demande de M. F..., le tribunal administratif s'est fondé sur les dispositions du quatrième alinéa du 31 de l'article 2, du 52 de l'article 13 et du 5 de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux, dont il résulte que lorsque le marché est confié à un groupement conjoint d'entrepreneurs, le mandataire de ce groupement représente les entrepreneurs conjoints vis-à-vis du maître de l'ouvrage, de la personne responsable du marché et du mandataire du maître d'ouvrage, au moins jusqu'à l'expiration du délai de garantie des travaux. Il a estimé que, par l'effet de l'arrêt de la Cour d'appel de Basse-Terre du 7 février 2011 mentionné ci-dessus, précédé d'un protocole d'accord signé le 10 décembre 2010 entre la société Saint Landry et le centre hospitalier, la société Saint Landry s'était trouvée investie de l'ensemble des droits et obligations non encore exécutés et issus, à l'égard de la société Alfa Bâtiment, du marché litigieux, sans qu'il fût besoin de conclure un avenant à ce contrat, ni de solliciter l'autorisation du maître d'ouvrage, et sans qu'y fasse obstacle l'absence de décision conjointe des entreprises membres du groupement. Il en a déduit que, faute de présentation par ce mandataire du projet de décompte final du groupement après la résiliation du marché, et en l'absence de toute pièce du marché dérogeant au CCAG, la demande de M. F..., présentée directement au maître d'ouvrage en vue du règlement des prestations qu'il soutenait avoir effectuées, ne pouvait qu'être rejetée. Le tribunal administratif n'était dès lors pas tenu de répondre aux moyens invoqués par M. F..., relatifs à la régularité et au bien-fondé de la résiliation, ainsi qu'à son droit à paiement de ses prestations. Il n'était en tout état de cause pas tenu de répondre aux éléments avancés dans la note en délibéré de M. F....
4. En troisième lieu, la circonstance que le Tribunal administratif de Basse-Terre, par un jugement du 20 juin 2013, n° 1100198 et n° 1100661, et la Cour administrative d'appel de Bordeaux, par un arrêt du 4 mai 2016, n° 13BX02349, ont regardé la résiliation du marché comme irrégulière, est en tout état de cause sans incidence sur la régularité du jugement du Tribunal administratif de la Guadeloupe du 7 avril 2017, contesté par M. F....
5. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient M. F..., le jugement du Tribunal administratif de la Guadeloupe du 7 avril 2017 n'est entaché d'aucune contradiction de motifs.
6. En cinquième lieu, le bien-fondé de ce jugement est en tout état de cause sans incidence sur sa régularité.
7. En dernier lieu, la société Saint Landry s'est trouvée investie, par l'effet de l'arrêt de la Cour d'appel de Basse-Terre du 7 février 2011 mentionné ci-dessus, précédé d'un protocole d'accord signé le 10 décembre 2010 entre la société Saint Landry et le centre hospitalier, de l'ensemble des droits et obligations non encore exécutés et issus, à l'égard de la société Alfa Bâtiment, du marché litigieux, sans qu'il fût besoin de conclure un avenant à ce contrat ou un nouvel acte d'engagement, ni de solliciter l'autorisation du maître d'ouvrage, et sans qu'y fasse obstacle l'absence de décision conjointe des entreprises membres du groupement. Dès lors, faute de présentation par ce mandataire du projet de décompte final du groupement après la résiliation du marché, et en l'absence de toute pièce du marché dérogeant au CCAG, la demande de M. F..., présentée directement au maître d'ouvrage en vue du règlement des prestations qu'il soutenait avoir effectuées, ne pouvait qu'être rejetée. M. F... ne peut utilement faire valoir que la société Saint Landry aurait été " défaillante " et n'aurait pas transmis le projet de décompte qu'il lui avait adressé.
8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par le CHCBE, M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CHCBE qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. F... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. F... la somme que le CHCBE demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du CHCBE présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et au Centre hospitalier de Capesterre Belle-Eau.
Copie en sera adressée pour information au ministre des outre-mer ainsi qu'au préfet de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. D..., président-assesseur,
- Mme Labetoulle, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2019.
Le rapporteur,
J-C. D...Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17PA21779