Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... E... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions des 7 et 15 décembre 2016 par lesquelles le maire de la commune d'Émerainville (Seine-et-Marne) a refusé de renouveler son autorisation d'occupation temporaire du domaine public pour l'installation d'un commerce ambulant place de l'Europe le vendredi soir, ensemble la décision du 17 janvier 2017 rejetant son recours gracieux formé contre ces deux décisions.
Par un jugement n° 1701591 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Melun, d'une part, a annulé les décisions des 7 et 15 décembre 2016 et la décision du 17 janvier 2017, d'autre part, a enjoint au maire de la commune de réexaminer la demande de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et enfin a mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 mars 2019 et un mémoire en réplique enregistré le 27 septembre 2019, la commune d'Émerainville, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1701591 du 10 janvier 2019 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. E... ;
3°) de mettre à la charge de M. E... le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier en estimant que les décisions étaient insuffisamment motivées ; le jugement est irrégulier et doit être annulé ;
- les décisions litigieuses étaient suffisamment motivées ;
- elles sont fondées sur trois motifs d'intérêt général et ne sont pas entachées d'erreur d'appréciation ni ne reposent sur des faits matériellement inexacts ;
- le refus est exempt de tout détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 mai 2019, M. E..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 3 000 euros à la charge de la commune requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et que les décisions litigieuses sont en outre entachées de détournement de pouvoir.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des relations entre le public et les administrations ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,
- les observations de Me F..., pour la commune d'Emerainville, et de Me G..., substituant Me A..., pour M. E....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 7 avril 2015, le maire de la commune d'Émerainville a autorisé M. E... à installer un camion de commerce ambulant pour la vente de pizzas à emporter le vendredi soir, place de l'Europe, du 13 avril 2015 au 12 avril 2016. Par un nouvel arrêté du maire du 14 avril 2016, cette autorisation a été renouvelée pour la période du 15 avril au 31 décembre 2016. Par deux courriers des 7 et 15 décembre 2016, le maire de la commune a informé l'intéressé que cette autorisation d'occupation temporaire du domaine public ne serait pas reconduite après l'expiration de l'autorisation en cours le 31 décembre 2016. Le 21 décembre 2016, M. E... a de nouveau sollicité le renouvellement de son autorisation pour une durée d'un an, qui lui a été refusé par un courrier du 17 janvier 2017. Par une ordonnance du 17 mars 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Melun, après avoir prononcé la suspension de l'exécution des décisions des 7 et 15 décembre 2016 et du 17 janvier 2017, a enjoint à la commune de procéder à une nouvelle instruction de la demande de M. E..., ce qu'elle a fait en prenant une nouvelle décision de refus le 20 avril 2017. M. E... ayant demandé l'annulation des décisions des 7 et 15 décembre 2016 par lesquelles le maire de la commune d'Émerainville a refusé de renouveler son autorisation d'occupation temporaire du domaine public pour l'installation d'un commerce ambulant place de l'Europe à Emerainville le vendredi soir, ainsi que de la décision du 17 janvier 2017 rejetant son recours gracieux formé contre ces premières décisions, le tribunal administratif de Melun a fait droit à ses conclusions et, après avoir annulé ces décisions, a enjoint au maire de la commune de réexaminer la demande de M. E... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. La commune d'Émerainville fait appel de ce jugement devant la Cour.
2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient dénaturé les pièces du dossier en statuant comme ils l'ont fait n'est pas susceptible d'être utilement soulevé devant le juge d'appel, mais seulement devant le juge de cassation. Le moyen, qui est inopérant, doit donc être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 7° Refusent une autorisation (...) ". L'exigence de motivation formelle en droit et en fait, posée par les dispositions précitées du code des relations entre le public et les administrations implique que cette motivation s'apprécie à la date à laquelle une décision a été prise et soit communiquée au destinataire de la décision en même temps que celle-ci.
4. Comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, les courriers des 7 et 15 décembre 2016, qui constituent des refus d'autorisation au sens des dispositions législatives précitées, ne comportent, pour le premier, aucun motif de fait ou de droit qui en constituerait le fondement et, pour le second, aucune considération de droit. Par ailleurs, si le courrier du 15 décembre 2016 évoque des " raisons d'urbanisme, de commerces ", cette mention ne saurait constituer à elle seule les motifs de fait de cette décision, permettant à son destinataire de les comprendre à la seule lecture de cette dernière et de pouvoir les contester utilement. Si les motifs des décisions de non-renouvellement ont finalement été précisés à l'intéressé par un courrier du 1er février 2017, qui évoquait tout à la fois, d'une part, la nécessité de laisser les riverains disposer des places de stationnement, d'autre part, la perspective d'un projet de réaménagement de la place de l'Europe pour remédier aux problèmes de stationnement, et enfin le développement d'une concurrence inégale entre les différents commerçants, la communication de ces motifs de fait postérieurement à l'édiction de la décision litigieuse ne saurait suffire à la régulariser au regard de l'exigence de motivation formelle en droit et en fait rappelée au point 3. Par suite, la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a regardé les décisions litigieuses comme illégales à raison de l'insuffisance de leur motivation en droit et en fait.
5. En troisième lieu, et comme l'a jugé le tribunal administratif de Melun, s'il résulte des principes généraux de la domanialité publique que les titulaires d'autorisations ou de conventions d'occupation temporaire du domaine public n'ont pas de droit acquis au renouvellement de leur titre, il appartient au gestionnaire du domaine d'examiner chaque demande de renouvellement en appréciant les garanties qu'elle présente pour la meilleure utilisation possible du domaine public. Il peut décider, sous le contrôle du juge, de rejeter une telle demande pour un motif d'intérêt général suffisant. Pour déterminer si un tel motif existe, il y a lieu de tenir compte, le cas échéant, parmi l'ensemble des éléments d'appréciation, des contraintes particulières qui pèsent sur l'activité de l'occupant, notamment de celles qui peuvent résulter du principe de continuité du service public. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en oeuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.
6. Il ressort des pièces du dossier que les décisions contestées ont été prises au triple motif, d'une part, de l'existence des difficultés causées aux riverains privés d'une, voire deux places de stationnement du fait de la présence du camion ambulant de M. E... alors que depuis 2015, le stationnement dans cette zone est réservé aux résidents et riverains, d'autre part, de ce que l'installation du commerce ambulant du requérant est constitutive d'une " concurrence inégale " pour les commerçants et, enfin, de l'existence d'un projet de réaménagement de la place de l'Europe pour améliorer le stationnement qui pose problème dans la commune. Les premiers juges ont regardé ces motifs comme infondés, faute pour la commune de produire les éléments de nature à établir la réalité des inconvénients résultant d'un renouvellement de l'autorisation d'occupation du domaine public accordée à M. E... pour installer, une soirée par semaine, son camion ambulant. Les éléments produits par la commune devant la Cour ne démontrent pas davantage la réalité, à la date des décisions litigieuses, des inconvénients qu'elle allègue, dès lors qu'ils se résument à quelques factures dont il ressort que des travaux ont bien été menés place de l'Europe au printemps 2017, à deux attestations de restaurateurs disposant d'établissements dans la commune, datées des 23 et 26 février 2019, affirmant que l'installation du camion à pizzas constituait pour eux une concurrence déloyale et trois pièces dont il ressort que la commune a refusé, en octobre 2018 et janvier 2019, l'autorisation de stationnement sur le domaine public sollicitée par d'autres commerçants ambulants.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Émerainville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun, faisant droit aux conclusions de M. E..., a annulé les décisions litigieuses et a enjoint à son maire de procéder à un nouvel examen de sa demande de renouvellement de l'autorisation d'occupation du domaine public. Les conclusions de la requête de la commune d'Émerainville doivent dès lors être rejetées, en ce comprises celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors qu'elle succombe dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge le versement à M. E... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune d'Émerainville est rejetée.
Article 2 : La commune d'Émerainville versera à M. E... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Émerainville et à M. H... E....
Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme I..., présidente de chambre,
- M. D..., président-assesseur,
- M. Legeai, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 octobre 2019.
Le rapporteur,
S. D...La présidente,
S. I...Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01005