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22/05/2020 | FRANCE | N°19PA03046

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 mai 2020, 19PA03046


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les arrêtés en date du 5 juin 2019 par lesquels le préfet de Seine-et-Marne a décidé de son transfert aux autorités bulgares et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1905276 du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 septembre 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande

à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1905276 du 26 juillet 2019 du tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les arrêtés en date du 5 juin 2019 par lesquels le préfet de Seine-et-Marne a décidé de son transfert aux autorités bulgares et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1905276 du 26 juillet 2019, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 septembre 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1905276 du 26 juillet 2019 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du préfet de Seine-et-Marne en date du 5 juin 2019 par laquelle il a été décidé de son transfert aux autorités bulgares ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de réexaminer sa demande d'asile dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans l'attente de cet examen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article 3-2 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne compte tenu de l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Bulgarie ;

- la décision contestée, qui méconnaît les dispositions de l'article 17 paragraphe 1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'en cas de transfert vers la Bulgarie, les autorités de ce pays, qui ont définitivement rejeté sa demande d'asile, le renverront nécessairement en Afghanistan où il risque de subir des traitements inhumains et dégradants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2019, le préfet de Seine-et-Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par une décision du 26 septembre 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

M. A... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant afghan, est entré irrégulièrement en France où il a sollicité le bénéfice de l'asile le 10 avril 2019 au guichet unique de la préfecture de Seine-et-Marne. La consultation du système " Eurodac " ayant fait apparaitre qu'il avait également présenté une demande d'asile en Bulgarie le 31 janvier 2019, le préfet de Seine-et-Marne a saisi le 15 avril 2019 les autorités bulgares d'une demande de reprise en charge de la demande d'asile de M. D... à laquelle elles ont répondu favorablement le 16 avril 2019. Par un arrêté du 5 juin 2019, le préfet de Seine-et-Marne a prononcé le transfert de M. D... aux autorités bulgares. M. D... relève appel du jugement du 26 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 juin 2019.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de la décision contestée :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 : " (...) / 2. Lorsqu'aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. (...) ". Aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

3. La Bulgarie étant membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit dès lors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités bulgares répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

4. M. D... soutient que lors de son passage en Bulgarie, il aurait été frappé et piétiné par les forces de police et qu'il aurait été placé en rétention sans avoir pu faire examiner sa demande d'asile. D'une part, M. D... n'établit pas, en citant des extraits de documents émanant d'organisations non gouvernementales qu'il existait à la date de l'arrêté litigieux des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs en Bulgarie. D'autre part, la production d'un certificat médical du 25 septembre 2019 émanant d'un médecin généraliste, constatant l'existence de plaies cicatrisées notamment au coude droit, d'une plaie au genou gauche ainsi que de céphalées chroniques et concluant à un " probable syndrome de stress post-traumatique " ne suffit pas à établir qu'il aurait été victime des violences alléguées en Bulgarie alors qu'il a déclaré avoir traversé successivement l'Iran, la Turquie, la Bulgarie, la Serbie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, la Slovénie et l'Italie. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existait à la date de l'arrêté litigieux des motifs sérieux et avérés de croire qu'en cas de remise effective aux autorités bulgares, M. D... risquerait de subir des traitements contraires à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

6. M. D... soutient qu'ayant été définitivement débouté de sa demande d'asile en Bulgarie, son renvoi dans ce pays entrainerait par ricochet son renvoi dans son pays d'origine, l'Afghanistan, où il craint pour sa vie compte tenu du climat d'insécurité qui y règne. Toutefois, l'arrêté contesté n'a ni pour objet, ni pour effet d'éloigner l'intéressé vers l'Afghanistan, mais seulement de prononcer son transfert en Bulgarie. Par ailleurs, à supposer même que la demande d'asile de M. D... ait été définitivement rejetée par les autorités bulgares, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier qu'il ne serait pas en mesure de faire valoir devant ces mêmes autorités, responsables de l'examen de sa demande d'asile, tout élément nouveau relatif à l'évolution de sa situation personnelle et à la situation de conflit qui prévaut en Afghanistan, ni que les autorités bulgares n'évalueraient pas d'office les risques réels de mauvais traitements auxquels il pourrait être exposé en cas de renvoi dans son pays d'origine. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ni que le préfet de Seine-et-Marne, en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE)

n° 604/2013 du 26 juin 2013, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 5 juin 2019. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 27 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. A..., président assesseur,

- Mme Collet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 mai 2020.

Le président de la 8ème chambre,

J. LAPOUZADE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19PA03046


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03046
Date de la décision : 22/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : JASLET

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-05-22;19pa03046 ?
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