Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 31 mai 2017 par laquelle la Bourse du Travail a prononcé son licenciement, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux, outre des conclusions indemnitaires et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1714259/2-1 du 25 septembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions, a condamné la Bourse du Travail à verser à M. D... une somme de 2 827,51 euros en réparation de ses préjudices, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la réclamation préalable, a mis à la charge de la Bourse du Travail une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2018, la Bourse du Travail, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 septembre 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de M. D... ;
2°) de rejeter la demande de M. D... devant le Tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, d'une part, dans la mesure où le tribunal n'a pas retenu l'exception de non-lieu à statuer alors que la décision litigieuse avait fait l'objet d'un retrait, d'autre part, pour méconnaissance des dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;
- le jugement attaqué est mal fondé car c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le licenciement constituait une sanction disproportionnée ;
- en tout état de cause, à supposer même que la Cour estime la sanction disproportionnée, la faute commise par M. D... est de nature à exonérer la Bourse du Travail de sa responsabilité et dès lors le jugement attaqué devra être annulé en ce qu'il a partiellement fait droit à sa demande d'indemnisation.
Une mise en demeure de produire un mémoire en défense a été adressée, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, le 21 mai 2019 à M. D..., mise en demeure à laquelle il n'a pas donné suite.
Par une ordonnance du 21 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 21 juin 2019 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 70-301 du 3 avril 1970 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès, rapporteur,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- les observations de Me B..., pour la Bourse du travail de Paris,
- et les observations de Me C..., pour M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., recruté par la Bourse du travail de Paris par contrat à durée indéterminée à temps partiel conclu le 1er décembre 2008, pour assurer l'emploi de conseiller en droit du travail, a fait l'objet, le 31 mai 2017, d'une décision de licenciement pour faute grave. Il a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cette décision, ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et à la condamnation de la Bourse du travail de Paris de l'indemniser des préjudices qu'il a subis du fait de son licenciement. Par un jugement du 25 septembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé ces décisions, a condamné la Bourse du Travail à verser à M. D... une somme de 2 827,51 euros en réparation de ses préjudices, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la réclamation préalable, a mis à la charge de la Bourse du Travail une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de sa demande. La Bourse du travail de Paris relève appel de ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de M. D....
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, c'est à juste raison que les premiers juges ont estimé que, dès lors que la Bourse du Travail ne justifiait pas que la délibération de sa commission administrative du 10 avril 2018 retirant la décision de licenciement litigieuse aurait été régulièrement notifiée et publiée et ainsi devenue définitive, l'exception de non-lieu à statuer devait être écartée. La Bourse du Travail n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier pour avoir omis à tort de prononcer un non-lieu à statuer.
3. En second lieu, si le rapporteur public n'avait pas mentionné dans le sens de ses conclusions l'exception de non-lieu mentionnée au point 2, cette omission est sans incidence sur la régularité du jugement, l'article R. 711-3 du code de justice administrative exigeant seulement qu'il fasse connaître aux parties l'ensemble des éléments du dispositif de la décision qu'il compte proposer à la formation de jugement d'adopter, ce qu'il a fait.
4. Les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué doivent donc être écartés.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
5. L'article 36 du décret du 15 février 1988 visé ci-dessus, pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale dispose que : " Tout manquement au respect des obligations auxquelles sont assujettis les agents publics, commis par un agent contractuel dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions est constitutif d'une faute l'exposant à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par le code pénal. ". Aux termes de l'article 36-1 du même décret : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. (...) ".
6. Pour prononcer le licenciement de M. D..., le secrétaire général de la commission administrative de la Bourse du travail de Paris s'est fondé en l'espèce sur la circonstance que l'intéressé exerçait, parallèlement à ses fonctions de conseiller en droit du travail à la Bourse du travail de Paris, donnant lieu à des consultations gratuites, une activité privée de conseil juridique de même nature, ce qui était contraire à son obligation de loyauté envers son employeur, et sur le fait qu'il avait volontairement utilisé les moyens matériels de la Bourse du Travail pour proposer ensuite des prestations payantes en droit du travail, ce qui était de nature à porter préjudice aux salariés venus chercher une aide gratuite ainsi qu'aux missions de la Bourse du Travail.
7. Il est constant que M. D... a été condamné par un jugement du Tribunal correctionnel de Paris du 4 septembre 2014 confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 10 juin 2016 à une amende de 3 000 euros pour des faits d'exercice illégal de la profession d'avocat, l'intéressé ayant, au cours du mois d'octobre 2010, proposé à une salariée, à laquelle il avait délivré des consultations gratuites dans le cadre de ses fonctions à la Bourse du Travail, de l'accompagner dans ses démarches de négociation avec son employeur moyennant une rémunération de 1 080 euros. Quand bien même M. D... était employé à temps partiel par la Bourse du travail de Paris et à supposer même qu'il n'aurait pas tenté de prodiguer des conseils moyennant rémunération à d'autres salariés, ce qui est d'ailleurs contesté par la Bourse du Travail, eu égard à la nature de ses fonctions de conseiller à la Bourse du Travail, cette dernière est fondée à soutenir que ce manquement qui a fait l'objet d'une condamnation pénale devenue définitive est constitutif d'une faute grave justifiant son licenciement. La Bourse du Travail est donc fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fait droit au moyen tiré de la disproportion de la sanction.
8. Il y a lieu toutefois pour la Cour saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris.
9. Aux termes de l'article 37 du décret du 15 février 1988 visé ci-dessus : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité territoriale ayant le pouvoir de procéder au recrutement. / L'agent contractuel à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'autorité territoriale doit informer l'intéressé de son droit à communication du dossier. ".
10. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas contesté par la Bourse du Travail, que M. D... n'a, à aucun moment de la procédure de licenciement, été informé de son droit à communication de son dossier individuel, qui constitue une garantie. M. D... est donc fondé à soutenir que la décision de licenciement litigieuse est intervenue au terme d'une procédure irrégulière et doit, pour ce motif, être annulée, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation :
11. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi qu'il a perçues au cours de la période d'éviction.
12. En l'espèce, la Bourse du Travail soutient qu'il y a lieu de tenir compte de la faute commise par l'intimé, laquelle faute le prive de tout droit à indemnisation. Toutefois, s'il est vrai que, comme il a été dit ci-dessus, la décision de licenciement était justifiée au fond et seulement entachée d'illégalité externe, il résulte de l'instruction que le licenciement litigieux a été effectif entre le 31 mai 2017 et le 3 octobre 2017, date de sa réintégration à la suite de la suspension de la décision de licenciement litigieuse par le juge des référés se fondant sur le doute sérieux quant à la légalité de la procédure de licenciement. Dans ces conditions, quand bien même M. D... a effectivement commis une faute, comme il a été dit ci-dessus, il y a lieu de confirmer les premiers juges s'agissant de la réparation de l'ensemble de la perte de revenus de l'intimé sur la période mentionnée ci-dessus, soit la somme de 2 827,51 euros.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la Bourse du Travail n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à la demande de M. D.... Par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la Bourse du Travail est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Bourse du Travail et à M. A... D....
Délibéré après l'audience du 10 mars 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. E..., president-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 mai 2020.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18PA03344 4