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29/09/2020 | FRANCE | N°19PA03513

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 29 septembre 2020, 19PA03513


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'autre part d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 mars 2019 par lequel le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois, et enfin d'enjoindre au préfet de r

examiner sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une attestat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'autre part d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 mars 2019 par lequel le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois, et enfin d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une attestation de séjour provisoire.

Par un jugement n° 1905241/6-3 du 16 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2019, M. E... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1905241/6-3 du 16 mai 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 mars 2019 du préfet de l'Essonne ;

3°) d'enjoindre à ce dernier de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elle n'a pas pris en compte le fait qu'il a reconnu l'enfant de son épouse ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et familiale ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois est entachée d'erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2020, le préfet de l'Essonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. E... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 22 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ,

- les observations de Me G... pour M. E...,

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 8 mars 2019, le préfet de l'Essonne a fait obligation à M. E..., ressortissant algérien né le 21 octobre 1982, de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois. M. E... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

3. Lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière, l'autorité préfectorale n'est tenue, en application des dispositions de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que si elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement. En l'espèce il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de son audition, que M. E... ait informé le préfet de l'Essonne de son état de santé préalablement à l'édiction de la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Dans ces conditions le préfet n'était pas tenu de recueillir l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avant de prendre la décision attaquée.

4. En deuxième lieu, M. E... reprend en appel le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen de sa situation personnelle et familiale préalablement à l'édiction de l'arrêté, notamment du fait de son mariage avec Mme A... F..., ressortissante française. Il ne produit cependant aucun élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le Tribunal sur son argumentation de première instance. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

5. En troisième lieu, si M. E... soutient qu'en ne prenant pas en compte son mariage, célébré le 25 mars 2017 avec Mme F... ni le fait qu'il ait, postérieurement à l'édiction de l'arrêté contesté, reconnu l'enfant C..., fille de Mme F..., le préfet de l'Essonne aurait porté atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale, il ressort cependant des pièces du dossier qu'il ne produit aucun élément de nature à démontrer une communauté de vie avec son épouse et son enfant et qu'il a fait l'objet en France de deux condamnations pénales et de treize signalements pour faits constitutifs de troubles à l'ordre public. Par ailleurs, il n'établit ni même n'invoque participer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant qu'il a reconnue postérieurement à la décision attaquée. En outre, il n'établit pas être dépourvu de tout lien dans son pays d'origine, où il a vécu selon ses affirmations jusqu'à l'âge de vingt-huit ans. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de l'intéressé, la décision contestée ne peut être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, par suite, qu'être écarté. Pour les mêmes motifs M. E... n'est pas plus fondé à soutenir qu'elle serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

6. En quatrième lieu, s'il est constant que M. E... a été placé en garde à vue alors qu'il s'est spontanément présenté dans un commissariat pour y déposer une plainte, en l'absence de toute manoeuvre pour inciter l'intéressé à se présenter le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :

7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ".

8. Il est constant que M. E... a fait l'objet de treize signalements pour trouble à l'ordre public et de deux condamnations pénales en 2011 et 2013, qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 24 juin 2016, qu'il est connu des services de police sous de multiples identités et qu'il a été interpellé le 7 mars 2019 et placé en garde-à-vue pour des faits de vol avec violence en réunion. Dès lors, M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le préfet de l'Essonne aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'il constituait une menace pour l'ordre public et en lui refusant pour ce motif un délai de départ volontaire.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois :

9. Il résulte des éléments rappelés au point 5 que M. E... n'apporte pas la preuve de l'existence d'une communauté de vie ancienne et continue avec son épouse, non plus que d'éléments de nature à démontrer qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Par ailleurs, il ne démontre pas que les troubles psychiatriques pour lesquels il a été suivi entre 2012 et 2018 étaient à l'origine des faits constitutifs de troubles à l'ordre public pour lesquels il a été signalé. Dès lors, en estimant qu'en raison des deux condamnations pénales dont il a fait l'objet en 2011 et 2013, des treize signalements pour trouble à l'ordre public et des faits de vol avec violence en réunion ayant conduit à sa garde-à-vue le 7 mars 2019, M. E... constituait une menace pour l'ordre public de nature à justifier une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme B..., président assesseur,

- M. Segretain, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

Le rapporteur,

P. B...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA03513


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA03513
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : STAMBOULI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-09-29;19pa03513 ?
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