Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 mai 2018 par laquelle le préfet de police l'a admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 27 juin 2017, ainsi que la décision du 15 mai 2018 lui notifiant un trop perçu de 15 851,12 euros correspondant aux rémunérations perçues entre juin 2017 et mai 2018.
Par un jugement n° 1812125/5-3 du 12 février 2020, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision d'admission à la retraite du 14 mai 2018, mis la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la Cour :
I-Par une requête, enregistrée le 31 mars 2020 sous le n° 20PA01136, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1 et 2 du jugement n° 1812125/5-3 du 12 février 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... devant le Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- la décision du 14 mai 2018 admettant Mme C... à faire valoir ses droits à la retraite n'a pas été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle a été précédée d'un avis de la commission de réforme et du service des retraites de l'État du ministère de l'économie et des finances ;
- il s'en réfère pour le surplus aux écritures en défense produites par le préfet de police le 27 novembre 2018 en première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2020, Mme C..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 1 500 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le préfet de police n'a pas produit en première instance les justificatifs de l'existence des avis émis par la commission de réforme et par le service des retraites de l'État du ministère de l'économie et des finances ;
- l'avis de la commission de réforme, dont certaines mentions semblent avoir été occultées, est irrégulier en ce qu'il fait état d'une pathologie dont elle n'est pas atteinte et d'une indemnisation de celle-ci qui n'existe pas ;
- la commission de réforme était irrégulièrement composée faute de comporter un membre médecin spécialiste de la pathologie en cause et d'indiquer le nom du représentant de l'administration employeur qui a siégé ;
- l'avis rendu par le ministre de l'économie et des finances est entaché d'erreurs de fait sur la perception d'un demi-traitement et sur la date de réception de la demande d'avis ;
- son admission à la retraite est entachée d'une rétroactivité illégale.
II- Par une requête, enregistrée le 1er avril 2020 sous le n° 20PA01148, le ministre de l'intérieur demande à la Cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement n° 1812125/5-3 du 12 février 2020 du Tribunal administratif de Paris.
Il soutient que les moyens d'appel dirigés contre le jugement sont sérieux et de nature à justifier le rejet des conclusions aux fins d'annulation de Mme C....
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 avril 2020, Mme C..., représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de sursis n'est pas motivée par la simple référence aux écritures de l'instance n° 20PA001138 ;
- les moyens ne sont pas sérieux dès lors que le préfet de police n'a pas produit en première instance les justificatifs de l'existence des avis émis par la commission de réforme et par le service des retraites de l'État du ministère de l'économie et des finances ;
- l'avis de la commission de réforme, dont certaines mentions semblent avoir été occultées, est irrégulier en ce qu'il fait état d'une pathologie dont elle n'est pas atteinte et d'une indemnisation de celle-ci qui n'existe pas ;
- la commission de réforme était irrégulièrement composée faute de comporter un membre médecin spécialiste de la pathologie en cause et d'indiquer le nom du représentant de l'administration employeur qui a siégé ;
- l'avis rendu par le ministre de l'économie et des finances est entaché d'erreurs de fait sur la perception d'un demi-traitement et sur la date de réception de la demande d'avis ;
- son admission à la retraite est entachée d'une rétroactivité illégale.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Stoltz - Valette, rapporteur public,
- et les observations de Me D... pour Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C..., agent spécialisé de la police technique et scientifique affectée à l'institut national de police scientifique, été admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité non imputable au service à compter du 27 juin 2017 par un arrêté du préfet de police du 14 mai 2018. Par lettre du 15 mai 2018 le préfet de police l'a ensuite informée qu'un titre de perception sera prochainement émis à son encontre pour un montant de 15 851,12 euros correspondant aux rémunérations indûment perçues entre juin 2017 et mai 2018. Le ministre de l'intérieur fait appel du jugement du 12 février 2020 du Tribunal administratif de Paris, saisi par Mme C..., en tant qu'il a annulé l'arrêté du 14 mai 2018. Il demande en outre que soit prononcé le sursis à exécution de ce jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes nos 20PA01136 et 20PA01148 concernant le même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :
3. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement, ou à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée en application de l'article 36 (2°) de l'ordonnance du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application de l'article 36 (3°) de ladite ordonnance (...). ". L'article L. 31 du même code précise que : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme (...). Le pouvoir de décision appartient, dans tous les cas, au ministre dont relève l'agent et au ministre des finances (...). ". Enfin l'article R. 49 bis du même code dispose que : " Dans tous les cas, la décision d'admission à la retraite pour invalidité, prise en application de l'article L. 31, est subordonnée à l'avis conforme du ministre chargé du budget. ".
4. Il ressort des pièces produites pour la première fois en appel par le ministre de l'intérieur que la décision du 14 mai 2018 admettant Mme C... à faire valoir ses droits à la retraite a été précédée d'un avis émis par la commission de réforme compétente le 27 juin 2017 ainsi que d'un avis conforme émis par le ministre chargé du budget le 26 avril 2018.
5. Dès lors le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'absence d'avis émis par la commission de réforme et par le ministre chargé du budget pour annuler la décision attaquée du 14 mai 2018 admettant Mme C... à faire valoir ses droits à la retraite.
6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... devant le Tribunal administratif et devant la Cour.
Sur les autres moyens soulevés par Mme C... :
7. Aux termes de l'article R. 45 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La commission de réforme instituée à l'article L. 31 est composée comme suit : 1° A l'administration centrale de chaque département ministériel : Le directeur ou chef de service dont dépend l'intéressé ou son représentant ; Le contrôleur budgétaire ou son représentant ; Deux représentants titulaires du personnel à la commission administrative paritaire dont relève le fonctionnaire intéressé appartenant au même grade ou au même corps que ce dernier ou, éventuellement, leurs suppléants élus par les représentants du personnel titulaires et suppléants de cette commission ;/ Les membres du comité médical prévu à l'article 5 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, à savoir deux praticiens de médecine générale, et pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un spécialiste de l'affection dont est atteint le fonctionnaire. (...) ".
8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
9. Il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme ayant émis l'avis du 27 juin 2017 relatif à l'admission à la retraite pour invalidité de Mme C..., si elle comportait deux médecins généralistes agréés, ne comportait aucun médecin spécialiste de l'affection dont est atteinte l'intéressée. La présence d'un médecin spécialiste constituant une garantie, Mme C... est fondée à soutenir que la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière.
10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués par Mme C..., que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision attaquée du 14 mai 2018 admettant Mme C... à faire valoir ses droits à la retraite.
Sur le sursis à exécution :
11. Dès lors qu'il est statué, par le présent arrêt, sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Paris du 12 février 2020, les conclusions de la requête du ministre de l'intérieur enregistrée sous le n° 20PA01148 tendant à ce qu'il soit sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme globale de 2 000 euros à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à raisons des frais de justice exposés dans les deux instances.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 20PA01136 du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du ministre de l'intérieur n° 20PA01148 tendant au sursis à exécution du jugement n° 1812125/5-3 du 12 février 2020 du Tribunal administratif de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C... une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, dans les instances n° 20PA01148 et n° 20PA01136.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... C... et au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme A..., président assesseur,
- M. Segretain , premier conseiller,
Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.
Le rapporteur,
P. A...Le président,
C. JARDIN
Le greffier,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01136, 20PA01148