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08/12/2020 | FRANCE | N°20PA02267,20PA02294

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 décembre 2020, 20PA02267,20PA02294


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 juin 2020 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ainsi que le formulaire de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) dans un délai de quinze jours à com

pter du jugement, sous astreinte de 200 euros par jours de retard.

Par un jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 juin 2020 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités autrichiennes, et d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ainsi que le formulaire de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) dans un délai de quinze jours à compter du jugement, sous astreinte de 200 euros par jours de retard.

Par un jugement n° 2009638/8 du 22 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé l'arrêté contesté, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. D... une attestation de demande d'asile en procédure normale ainsi que le formulaire de l'OFPRA dans un délai de deux mois à compter du jugement, et mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 août 2020 et le 15 septembre 2020 sous le n° 20PA02267, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement n° 2009638/8 du 22 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le Tribunal.

Il soutient que :

- l'arrêt contesté portant transfert de M. D... aux autorités autrichiennes n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- les autres moyens soulevés en première instance par M. D... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2020, M. D..., représenté par Me B..., conclut au non-lieu à statuer sur la requête du préfet de police et à ce que soit mise à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête dès lors que sa demande d'asile a été enregistrée en procédure normale par l'OFPRA.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 28 septembre 2020.

II - Par une requête, enregistrée le 14 août 2020 sous le n° 20PA02294, le préfet de police demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2009638/8 du 22 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2020, M. D..., représenté par Me B..., conclut au non-lieu à statuer sur la requête du préfet de police et à ce que soit mise à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête dès lors que sa demande d'asile a été enregistrée en procédure normale par l'OFPRA.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la directive 2011-95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant afghan né le 30 mars 1997, est entré irrégulièrement en France, et a sollicité, le 11 mai 2020, son admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que l'intéressé avait présenté une demande d'asile auprès des autorités autrichiennes le 8 juillet 2016. Le 13 mai 2020, le préfet de police a adressé aux autorités autrichiennes une demande de reprise en charge de M. D... en application des dispositions du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, que les autorités autrichiennes ont acceptée le 19 mai 2020. Par un arrêté du 23 juin 2020, le préfet de police a décidé le transfert de M. D... aux autorités autrichiennes. Par un jugement du 22 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de police de délivrer à M. D... une attestation de demande d'asile en procédure normale ainsi que le formulaire de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) dans un délai de deux mois à compter du jugement et mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance. Par la requête enregistrée sous le n° 20PA02267, le préfet de police relève appel de ce jugement. Par la requête enregistrée sous le n° 20PA02294, le préfet de police demande à la Cour d'en prononcer le sursis à exécution.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les nos 20PA02267 et 20PA02294 concernant le même jugement du Tribunal administratif de Paris, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la requête enregistrée sous le n° 20PA02267 :

En ce qui concerne l'exception de non-lieu à statuer opposée en défense :

3. S'il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a délivré à M. D... une attestation de demande d'asile en procédure normale le 3 août 2020 et que sa demande d'asile a été enregistrée auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 13 août 2020, ces mesures sont intervenues en exécution du jugement du 22 juillet 2020 et n'excèdent pas ce qui était nécessaire à l'exécution de ce jugement. Dans ces conditions, l'exception de non-lieu à statuer soulevée par M. D... doit être écartée.

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Paris :

4. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement [...] / 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ". Aux termes de de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

5. Pour annuler l'arrêté en litige comme étant entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la circonstance qu'il existe de fortes probabilités que le transfert de M. D... aux autorités autrichiennes, lesquelles ont rejeté sa demande d'asile et son recours contre ce rejet, soit suivi de son éloignement vers l'Afghanistan, pays caractérisé par une violence généralisée et où M. D... serait susceptible d'être exposé à des traitements inhumains et dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cependant, et même si cette présomption n'est pas irréfragable, l'Autriche, qui ne présente pas de défaillances systémiques, est présumée se conformer aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la directive 2011-95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection. S'il ressort des pièces produites par M. D... en première instance que l'office fédéral pour le droit des étrangers et le droit d'asile (Bundesamt für Fremdenwesen und Asyl) autrichien a rejeté sa demande d'asile, par une décision du 27 février 2018, confirmée par le tribunal administratif fédéral (Bundesverwaltungsgericht) autrichien, l'existence d'un risque sérieux de renvoi de M. D... en Afghanistan, qui ne démontre pas qu'il ne serait pas à même d'exercer un recours effectif contre une éventuelle nouvelle mesure d'éloignement prise par ces mêmes autorités, n'est pas établie.

6. Le préfet de police est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a jugé que l'arrêté du 23 juin 2020 portant transfert de M. D... aux autorités autrichiennes était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés en première instance par M. D... :

8. En premier lieu, par un arrêté n° 2020-00197 du 2 mars 2020, régulièrement publié au bulletin officiel de la ville de Paris du 10 mars 2020, le préfet de police a donné à Mme E... A..., attachée principale d'administration de l'Etat affectée au sein du douzième bureau de la sous-direction de l'administration des étrangers de la direction de la police générale à la préfecture de police, signataire de l'arrêté attaqué, délégation à l'effet de signer les décisions en matière de police des étrangers en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il n'est pas établi qu'elles n'étaient pas absentes ou empêchées lors de la signature de l'arrêté litigieux. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence dont serait entaché cet arrêté manque en fait et doit être écarté.

9. En deuxième lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de son chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement.

10. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

11. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

12. L'arrêté du 23 juin 2020, par lequel le préfet de police a décidé le transfert de M. D... aux autorités autrichiennes, regardées comme responsables de l'examen de sa demande d'asile, vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il indique qu'" il ressort de la comparaison des empreintes digitales de M. D... au moyen du système Eurodac, effectuée conformément au règlement n° 603/2013 [...], que l'intéressé a sollicité l'asile auprès des autorités autrichiennes le 8 juillet 2016 " et que " les critères prévus par le chapitre III ne sont pas applicables à la situation de M. D..., qu'en conséquence, au regard des articles 3 et 18 (1) (b), les autorités autrichiennes doivent être regardées comme étant responsables de la demande d'asile de M. D... " et qu'enfin, ces autorités, après avoir été saisies sur ce fondement, " ont fait connaître leur accord le 19 mai 2020 en application de l'article 18 (1) d du règlement ". Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient M. D..., l'arrêté du préfet de police portant transfert aux autorités autrichiennes est suffisamment motivé. Par suite, le moyen doit être écarté.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / [...] 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national [...] ".

14. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a bénéficié, le 11 mai 2020, d'un entretien individuel assuré par un agent de la préfecture de police. Le préfet de police a produit, en annexe de ses écritures en défense de première instance, un résumé de son entretien individuel contenant les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cet agent n'aurait pas été qualifié pour conduire l'entretien. Dès lors que l'entretien de M. D... a été mené par une personne qualifiée au sens du paragraphe 5 de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel n'a pas privé M. D... de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles. Par ailleurs, cet entretien a eu lieu en dari, langue comprise par l'intéressé qui a d'ailleurs déclaré " avoir compris l'ensemble des termes de cet entretien ", par le biais d'un interprète qualifié de l'agence ISM interprétariat dont le nom, le prénom et l'adresse sont indiqués. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'entretien individuel se serait déroulé dans des conditions ne garantissant pas la confidentialité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté, dans ses diverses branches.

15. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement [...]. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 [...] ".

16. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., qui a présenté une demande d'asile le 11 mai 2020, s'est vu remettre, contre signature, le jour même, la brochure dite " A " (" J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' "), la brochure dite " B " (" Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' "), ainsi que le " guide du demandeur d'asile " et, en tout état de cause, la brochure " Eurodac ". Il n'est pas contesté que ces documents, rédigés en dari, comportaient l'ensemble des éléments d'information énumérés par les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Par ailleurs, l'intéressé, qui a signé le résumé de l'entretien individuel du même jour, réalisé à l'aide d'un traducteur en dari, doit être regardé comme ayant reconnu, ainsi que cela est précisé dans ce document, que ces informations lui avaient été remises antérieurement dans une langue qu'il comprenait. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

17. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police, qui n'a pas entaché son arrêté d'une erreur de fait, n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation de M. D....

18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 23 juin 2020 et lui a enjoint de délivrer à M. D... une attestation de demande d'asile en procédure normale ainsi que le formulaire de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides. Il est dès lors fondé à demander l'annulation des articles 2 à 4 de ce jugement et le rejet des conclusions de la demande devant le Tribunal administratif de Paris auxquelles ce jugement a fait droit, à l'exception de celles tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la requête enregistrée sous le n° 20PA02294 :

19. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du préfet de police tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, le versement des sommes que M. D... demande, au profit de son défenseur, au titre des frais liés à l'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 20PA02294 du préfet de police tendant au sursis à l'exécution du jugement n° 2009638/8 du 22 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris.

Article 2 : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2009638/8 du 22 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 3 : Les conclusions de la demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris auxquelles ce jugement a fait droit aux articles 2 à 4 de son jugement sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. D... devant la Cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. F... D....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- M. C..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2020.

Le rapporteur,

K. C...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 20PA02267, 20PA02294


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02267,20PA02294
Date de la décision : 08/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Khalil AGGIOURI
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : JASLET

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-08;20pa02267.20pa02294 ?
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