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11/02/2021 | FRANCE | N°20PA01445

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 11 février 2021, 20PA01445


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La S.A.R.L. S.A.T.E a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les titres de recette suivants, émis par Voies navigables de France :

- n° 2772, en date du 6 février 2018, mettant mis à sa charge la somme de 2 483,32 euros ;

- n° 10803, en date du 10 octobre 2017, mettant à sa charge la somme de 1 904,67 euros ;

- n° 12740, en date du 6 décembre 2017, mettant à sa charge la somme de 1 266,67 euros ;

- n° 13078, en date du 29 décembre 2017, mettant à sa charge la

somme de 6 373,33 euros.

Par un jugement n° 1822273, 1822274, 1822275 et 1822276 du 14 avril 2020,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La S.A.R.L. S.A.T.E a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les titres de recette suivants, émis par Voies navigables de France :

- n° 2772, en date du 6 février 2018, mettant mis à sa charge la somme de 2 483,32 euros ;

- n° 10803, en date du 10 octobre 2017, mettant à sa charge la somme de 1 904,67 euros ;

- n° 12740, en date du 6 décembre 2017, mettant à sa charge la somme de 1 266,67 euros ;

- n° 13078, en date du 29 décembre 2017, mettant à sa charge la somme de 6 373,33 euros.

Par un jugement n° 1822273, 1822274, 1822275 et 1822276 du 14 avril 2020, le tribunal administratif de Paris, après les avoir jointes, a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 12 juin 2020 et un mémoire enregistré le 6 juillet 2020, la S.A.R.L. S.A.T.E représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1822273, 1822274, 1822275 et 1822276 du 14 avril 2020 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de mettre à la charge de Voies navigables de France le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Voies navigables de France a instauré les assiettes des péages en retenant un critère fondé sur un droit d'accès au réseau, qui n'est pas prévu par les dispositions réglementaires en vigueur, et a ainsi entaché sa délibération d'incompétence ; l'assiette des péages est donc irrégulière ;

- l'établissement public, dont la mission est notamment d'assurer l'entretien et l'exploitation des voies navigables, n'a jamais justifié les prétendus services rendus ; or, un montant manifestement sans rapport avec le service, ou intégrant la prise en compte d'éléments étrangers au service rendu, traduit un détournement de la notion de redevance et expose celle-ci à être qualifiée d'impôt ;

- la différence de traitement affectant les bateaux, selon qu'ils sont fluviaux ou fluvio-maritimes, est illégale.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 août 2020, Voies navigables de France, représentées par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 3 000 euros à la charge de la S.A.R.L. S.A.T.E en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'établissement public fait valoir que :

- les titres de recette contestés présentent l'ensemble des éléments matériels et formels permettant d'établir les bases de la liquidation de la créance et ne peuvent donc être critiqués au motif d'un prétendu défaut de motivation ;

- le péage critiqué est prévu par les lois et règlements en vigueur (articles L. 4316-1, L. 4412-1 et R. 4412-1 du code des transports) et son assiette varie en fonction de critères prévus par ces dispositions ;

- la délibération du 3 octobre 2013 qui a fait l'objet de mesures de publicité suffisantes pour être applicables aux usagers du domaine public, et le péage est destiné à financer les missions de l'établissement public ;

- elle n'opère aucune différence de traitement injustifiée entre les usagers.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des transports ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- les observations de Me Barrut, avocat des Voies navigables de France.

Considérant ce qui suit :

1. La S.A.R.L. S.A.T.E., qui assure le transport de marchandises par voie fluviale, a fait l'objet des quatre états exécutoires n° 2772 en date du 6 février 2018, n° 10803 en date du 10 octobre 2017, n° 12740 en date du 6 décembre 2017 et n° 13078 en date du 29 décembre 2017 par l'établissement public Voies navigables de France, aux fins de paiement du péage dû au titre de l'utilisation de son réseau, pour les sommes respectives de 2 483,32 euros, 1 904,67 euros, 1 266,67 euros et 6 373,33 euros. Elle a demandé au tribunal administratif de Paris d'en prononcer l'annulation. Par son jugement du 14 avril 2020, le tribunal administratif a rejeté ces demandes. La société relève appel de ce jugement devant la Cour.

2. En dépit de l'exposé lacunaire des conclusions de la requête d'appel, il y a lieu, eu égard à sa motivation, de la regarder comme demandant effectivement, outre l'annulation du jugement attaqué, celle des titres de recette litigieux ainsi la décharge des sommes afférentes.

3. Aux termes de l'article L. 4412-1 du code des transports : " Les transporteurs de marchandises ou de personnes et les propriétaires de bateaux de plaisance d'une longueur supérieure à 5 mètres ou dotés d'un moteur d'une puissance égale ou supérieure à 9,9 chevaux sont assujettis, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, à des péages perçus au profit de Voies navigables de France lorsqu'ils naviguent sur le domaine public qui lui est confié, à l'exception des parties internationales du Rhin et de la Moselle (...). Le montant de ces péages est fixé par l'établissement ". Aux termes de l'article R. 4412-1 du même code : " Pour le transport public ou privé de marchandises à l'intérieur des limites du domaine confié à Voies navigables de France mentionné à l'article L. 4412-1, le transporteur acquitte un péage pour tout parcours utilisant le réseau fluvial. Les tarifs du péage sont fonction des caractéristiques du bateau, du trajet, de la nature des marchandises transportées, du chargement du bateau ainsi que, le cas échéant, de la période d'utilisation du réseau, que ce bateau relève du régime de la navigation intérieure ou de celui de la navigation maritime. Il est dû en sus des impôts et cotisations de toute nature que les transporteurs de marchandises doivent acquitter par ailleurs... ". Aux termes de l'article R. 4412-4 de ce code : " Les péages prévus aux articles R. 4412-1 à R. 4412-3 peuvent être établis sous la forme de forfaits calculés selon la durée, la période d'utilisation du réseau, la portion du réseau emprunté et les caractéristiques du bateau ". Aux termes de l'article R. 4412-5 dudit code : " Le conseil d'administration de Voies navigables de France fixe le montant des péages prévus aux articles R. 4412-1 à R. 4412-3, les modalités de calcul des péages forfaitaires mentionnés à l'article R. 4412-4 ainsi que les modalités de la facturation d'office prévue aux articles R. 4462-2 à R. 4462-4 ". Aux termes, enfin, de l'article R. 4412-6 de ce même code : " Le péage prévu à l'article R. 4412-1 est recouvré par Voies navigables de France, en fonction des règles établies par son conseil d'administration, sur la base de la déclaration de chargement mentionnée à l'article R. 4461-1. ".

4. Par une délibération en date du 3 octobre 2013, le conseil d'administration de Voies navigables de France a réformé le " dispositif de péage marchandises " et a déterminé les tarifs applicables à compter du 1er janvier 2014. L'article 2 de cette délibération instaure un " droit d'accès au réseau ", lequel est " fonction du gabarit du bateau en euros par voyage, s'applique à l'ensemble des transports, y compris les transports par bateaux fluvio-maritimes et de marchandises spécialisées. Ce terme est diminué de moitié pour tous les bateaux à partir du 11ème voyage dans le mois ".

5. En premier lieu, la S.A.R.L. S.A.T.E soutient que le conseil d'administration de Voies navigables de France, en retenant un critère fondé sur un droit d'accès au réseau pour déterminer l'assiette du péage, a entaché sa délibération d'incompétence, dès lors qu'un tel critère n'est pas prévu par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur.

6. Toutefois, aucune des dispositions législatives et réglementaires citées au point 4, et en particulier l'article R. 4412-1 du code des transports, ne font obstacle à ce que VNF décompose le tarif des péages en une part fixe, qui est fonction du gabarit du bateau, et une part variable, qui est fonction du chargement. La circonstance que ces mêmes dispositions ne prévoient pas expressément une telle modalité de fixation du tarif du péage n'est pas, par elle-même, de nature à l'interdire, dès lors que les dispositions précitées, qui permettent de prendre en compte les caractéristiques du bateau, le trajet, la nature des marchandises transportées, du chargement du bateau ainsi que, le cas échéant, la période d'utilisation du réseau, n'excluent pas une telle décomposition du tarif en plusieurs parts.

7. En deuxième lieu, la S.A.R.L. S.A.T.E soutient que Voies navigables de France dont la mission est notamment d'assurer l'entretien et l'exploitation des voies navigables, n'a jamais justifié les prétendus services rendus aux usagers et ce, alors qu'un montant de redevance manifestement sans rapport avec le service, ou intégrant la prise en compte d'éléments étrangers au service rendu, traduit un détournement de la notion de redevance et expose celle-ci à être qualifiée d'impôt.

8. D'une part, dès lors que le péage, perçu au profit de Voies navigables de France, auxquels sont assujettis les transporteurs de marchandises lorsqu'ils naviguent sur le domaine public qui est confié à cet établissement public est expressément instauré par l'article L. 4412-1 du code des transports, la branche du moyen critiquant le principe même de son existence et de ses finalités est inopérant et ne peut qu'être écartée.

9. D'autre part, les péages institués par Voies navigables de France sont la contrepartie du service rendu aux usagers des voies navigables au titre de ses missions d'exploitation et d'entretien du domaine public fluvial et il ne résulte pas de l'instruction que le montant des péages fixés en l'espèce par la délibération du conseil d'administration de Voies navigables de France le 3 octobre 2013 serait excessif au regard des missions dont l'établissement public est chargé et des services rendus aux usagers. Ainsi, la branche du moyen, tirée de ce que le péage litigieux contreviendrait aux critères d'établissement de la redevance pour services rendus doit être écarté.

10. En troisième lieu, la S.A.R.L. S.A.T.E soutient que la différence de traitement instituée par la délibération du 3 octobre 2013, le conseil d'administration de Voies navigables de France affectant les bateaux, selon qu'ils sont fluviaux ou fluvio-maritimes, est illégale.

11. Toutefois, il ressort des termes mêmes de l'article 2 de la délibération critiquée, cité au point 4 du présent arrêt, que ses dispositions n'instituent aucune inégalité de traitement entre les bateaux. Le moyen manque en fait et doit donc être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la S.A.R.L. S.A.T.E n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les conclusions de la requête d'appel doivent donc être rejetées, en ce comprises celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors qu'elle succombe dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y lieu de mettre à la charge de la société requérante le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la S.A.R.L. S.A.T.E. est rejetée.

Article 2 : La S.A.R.L. S.A.T.E. versera une somme de 1 500 euros à Voies navigables de France en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Voies navigables de France fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A.R.L. S.A.T.E. et à Voies navigables de France.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. B..., président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative ;

- M. Gobeill, premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.

Le président, rapporteur

S. B... La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01445


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01445
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation suffisante - Absence.

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques - Recouvrement - Procédure - État exécutoire.

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : CJ BOT NORMAND CREN ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-11;20pa01445 ?
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