Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... et Mme E... C... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 à 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement no 1808453/1-1 du 20 novembre 2019, le Tribunal administratif de Paris, auquel le dossier avait été transmis par une ordonnance du 25 mai 2018 du président du Tribunal administratif de Montreuil, a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 janvier 2020, M. et Mme C..., représentés par Me A..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement no 1808453/1-1 du 20 novembre 2019 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées.
Ils soutiennent que :
- l'administration fiscale les a délibérément privés d'un débat oral et contradictoire et a ainsi méconnu la charte du contribuable vérifié ;
- elle était informée de l'incarcération de M. C... et aurait dû lui transmettre les courriers de procédure par l'intermédiaire de l'administration pénitentiaire ;
- Mme C... ne résidait plus à Montfermeil mais 10 route de Biot à Antibes ;
- les biens situés à Montfermeil avaient été saisis par la justice ;
- l'administration fiscale a agi de manière déloyale ;
- le recours à la procédure de taxation d'office est irrégulier dès lors qu'ils ont été privés d'un débat oral et contradictoire et qu'ils n'ont pas été mis en mesure de répondre aux demandes d'éclaircissements ;
- les rehaussements notifiés à raison des revenus d'origine indéterminée et des revenus non dénommés ne sont pas justifiés ;
- un taux d'abattement de 80 % pour charges aurait dû être retenu.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2012 à 2014 à l'issue duquel l'administration fiscale a mis à leur charge, selon la procédure de taxation d'office, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2012 à 2014. M. et Mme C... relèvent appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt [...] ". Dans sa version remise aux contribuables avec l'avis d'examen contradictoire de situation fiscale personnelle daté du 12 juillet 2015, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable à l'administration par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, prévoyait que, " dans le cadre de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP), le dialogue joue [...] un rôle très important tout au long de la procédure. Il vous permet de présenter vos explications sur les discordances relevées par le vérificateur à partir des informations dont il dispose ".
3. Le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle d'un contribuable au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la proposition de rectification qui, selon l'article L. 48 de ce livre, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir. Il ne résulte pas des dispositions précitées de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié que le vérificateur était tenu, avant d'avoir recours à la procédure de demande de justifications prévue par les dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, d'engager avec le contribuable un dialogue sur les discordances ainsi relevées. Enfin, le caractère oral d'un tel débat n'est pas exigé à peine d'irrégularité de la procédure suivie.
4. M. et Mme C... soutiennent qu'ils n'auraient pas été destinataires des différents courriers envoyés par l'administration fiscale au cours de leur examen contradictoire de situation fiscale personnelle et qu'ils auraient ainsi été privés d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a adressé à M. et Mme C... un avis d'examen contradictoire de situation fiscale personnelle au titre des années 2012 à 2014, daté du 12 juin 2015, et que le pli contenant ce courrier a été retourné avec les mentions " avisé le 13/6 " et " pli avisé et non réclamé ". Ce courrier a également été adressé aux requérants par envoi simple le 28 juillet 2015, à la même adresse. Le service a ensuite adressé à M. et Mme C... un courrier daté du 31 juillet 2015, dans lequel il leur proposait de participer, dans le cadre de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, à un entretien le 26 août 2015. Le pli contenant ce courrier a également été retourné assorti de la mention " avisé le 1/08 ". Enfin, M. et Mme C... ont été destinataires d'un courrier du 22 septembre 2015 portant demande d'éclaircissements et de justifications, lequel a été retourné au service avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse ". M. et Mme C... soutiennent que l'administration fiscale ne pouvait envoyer ces courriers, comme elle l'a fait, au 30 avenue des Chênes à Montfermeil dès lors que M. C... était alors en détention et que Mme C... résidait 10 route de Biot à Antibes. Toutefois, il est constant que les requérants n'avaient pas communiqué ces changements d'adresse aux services fiscaux et que, ainsi qu'il ressort de la proposition de rectification, ils avaient mentionné, sur leur " compte fiscal des particuliers ", une adresse d'envoi des courriers au 30 avenue des Chênes à Montfermeil. La circonstance que leurs biens immobiliers, dont celui situé 30 avenue des Chênes à Montfermeil, ont fait l'objet d'une décision judiciaire de confiscation, à supposer même que cette confiscation ait été effectivement exécutée avant sa confirmation par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 9 octobre 2015, est à cet égard sans incidence. Par ailleurs, si les requérants soutiennent que l'administration fiscale était nécessairement informée de l'incarcération de M. C..., cette circonstance, à la supposer établie, ne dispensait pas l'intéressé de faire connaître à l'administration fiscale qu'il souhaitait que les courriers qui lui étaient destinés soient expédiés sur son lieu d'incarcération. Dans ces conditions, l'administration fiscale n'était pas tenue, contrairement à ce que soutiennent les requérants, de transmettre les pièces de procédure à M. C... par l'intermédiaire de l'administration pénitentiaire. Par ailleurs, il n'est pas établi ni même soutenu que les requérants auraient informé l'administration fiscale que les courriers qui étaient destinés à Mme C... devaient lui être désormais envoyés à l'adresse située 10 route de Biot à Antibes. Enfin, la circonstance que la proposition de rectification a été envoyée, après un premier envoi à l'adresse située 30 avenue des Chênes à Montfermeil, à une adresse située à Strasbourg, est en tout état de cause sans incidence sur la régularité du débat contradictoire. Dès lors, les requérants ne sauraient soutenir que les courriers de procédure leur auraient été irrégulièrement adressés et qu'ils n'auraient pas été mis en mesure de répondre aux demandes de l'administration fiscale. Dans ces conditions, alors que le service a entendu engager avec les requérants un débat contradictoire, l'absence de dialogue incombe non à l'administration mais aux requérants. Par suite, M. et Mme C..., qui ne peuvent soutenir que le service vérificateur aurait manqué à son devoir de loyauté ou qu'il aurait délibérément cherché à les priver d'un débat contradictoire, n'ont pas été privés de la garantie prévue par les dispositions citées au point 3. Ainsi, le moyen doit être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / 1° à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus [...] ". Aux termes de l'article L. 67 du même livre : " La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure [...] ". Aux termes de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".
6. M. et Mme C... soutiennent que la procédure de taxation d'office a été irrégulièrement mise en oeuvre faute de débat contradictoire. Toutefois, il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... n'ont pas été irrégulièrement privés de débat contradictoire. En outre, il est constant que M. et Mme C... n'ont pas répondu à la demande d'éclaircissements et de justifications qui leur a été régulièrement adressée, en application de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, par un courrier du 22 septembre 2015 concernant les années 2012 et 2014. Il s'ensuit que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que la procédure de taxation d'office mise en oeuvre sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales pour imposer, au titre des années 2012 et 2014, les sommes regardées comme revenus d'origine indéterminée, était irrégulière. Par ailleurs, M. et Mme C... ne contestent pas ne pas avoir déposé de déclaration de revenus au titre de l'année 2013. C'est donc à bon droit que l'administration fiscale a mis en oeuvre la procédure de taxation d'office en application du 1° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales pour imposer les revenus des requérants au titre de l'année 2013.
Sur le bien-fondé des impositions :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 de ce livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré ".
8. L'administration fiscale a estimé que M. et Mme C... n'avaient pu justifier de l'origine et de la nature de sommes, versées par virements, par chèques et en espèces, s'élevant au total à 196 651 euros au titre de l'année 2012 et à 44 520 euros au titre de l'année 2014 et les a regardées comme des revenus d'origine indéterminée. Dès lors que ces sommes ont été imposées, au titre des années 2012 et 2014, par voie régulière de taxation d'office en application des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, il appartient à M. et Mme C... d'apporter la preuve de l'exagération des bases imposables retenues par l'administration.
9. L'administration fiscale a estimé que M. et Mme C... n'avaient apporté aucune précision permettant de qualifier la nature des sommes versées par virements, par chèques et en espèces s'élevant au total à 150 552 euros au titre de l'année 2013, et les a regardés comme des revenus non dénommés. Dès lors que ces sommes ont été imposées par voie régulière de taxation d'office en application des dispositions du 1° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, il appartient à M. et Mme C... d'apporter la preuve de l'exagération des bases imposables retenues par l'administration.
10. Si M. et Mme C... produisent une attestation non datée qui proviendrait d'une personne ayant acheté plusieurs objets à M. C..., une facture manuscrite portant la date tamponnée du 19 juillet 1999, une attestation par laquelle une personne indique avoir vendu diverses pièces ou bijoux le 25 août 2010, et qui ne mentionne d'ailleurs pas l'acheteur, une attestation dans laquelle il est fait état d'une vente à M. C... le 9 octobre 2010, ainsi que des factures adressées à la société Antiquités C... Elisabeth le 25 juillet 2011, ces documents relatifs à des faits antérieurs aux années en litige ne permettent pas d'établir l'origine et la nature des sommes perçues par les requérants de 2012 à 2014, que l'administration fiscale a regardées comme des revenus d'origine indéterminée ou comme des revenus non dénommés. Si M. et Mme C... produisent par ailleurs des chèques encaissés sur leur compte bancaire, datés entre le 31 mars 2012 et le 13 août 2013, ils se bornent à soutenir que certains chèques proviendraient de ventes d'antiquités ou de " ventes privées de bijoux ", sans apporter d'élément de preuve quant au motif du versement des sommes figurant sur ces chèques. La circonstance que M. C... a continué d'exercer une activité professionnelle de brocanteur et d'antiquaire ne permet pas d'établir, à elle seule, le motif du versement de telles sommes. Si M. et Mme C... produisent également deux chèques en provenance de la caisse des règlements pécuniaires des avocats (CARPA) de Versailles, ils n'apportent aucune précision ni élément de preuve quant au motif de ces versements. Enfin, s'ils soutiennent que le versement de la somme de 6 537,57 euros proviendrait du reversement d'un chèque de caution par la société Brasserie Mauro à la suite de l'organisation d'un mariage, ils se bornent à produire une attestation sommaire, datée du 26 décembre 2019, émanant de la société Brasserie Mauro, indiquant qu'un " chèque de caution établi sur le Crédit mutuel le 27 juin 2012 de 6 537,57 euros a été restitué à M. C... ", alors, d'une part, que pour justifier de l'origine de cette somme ils faisaient état, en première instance, du remboursement d'un trop-perçu, et d'autre part, que le chèque produit par les requérants a été tiré non sur le Crédit mutuel mais sur la Banque populaire de la Côte-d'Azur. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a regardé, d'une part, les sommes de 196 651 euros au titre de l'année 2012 et de 44 520 euros au titre de l'année 2014 comme des revenus d'origine indéterminée, d'autre part, la somme de 150 552 euros au titre de l'année 2013 comme des revenus non dénommés et les a imposés à l'impôt sur le revenu entre les mains de M. et Mme C....
11. En second lieu, les requérants n'étant pas en mesure d'établir le caractère professionnel des sommes en litige, ils ne sont en tout état de cause pas fondés à soutenir que les services fiscaux auraient dû leur accorder une déduction d'un forfait de charges professionnelles de 80 %.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme E... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, président,
- Mme Segretain, premier conseiller,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2021.
Le rapporteur,
K. D...
Le président,
P. HAMON Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA00175 2