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17/05/2021 | FRANCE | N°20PA00691

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 17 mai 2021, 20PA00691


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans et d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quarante-huit heures.

Par un jugement n° 2000384 du 21 janvier 2020, le Tribunal administratif de Me

lun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans et d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quarante-huit heures.

Par un jugement n° 2000384 du 21 janvier 2020, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 février 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000384 du 21 janvier 2020 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2020 du préfet du Val-de-Marne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'irrégularité en ce que le tribunal administratif a procédé d'office à une substitution de motifs ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît le principe du contradictoire et le droit à être entendu en ce qu'il n'a pu présenter ses observations préalablement à l'édiction de la décision contestée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 511-3-1 et L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il réside en France depuis 1999, que sa famille réside également sur le territoire français et qu'il n'a aucune attache en Suède ;

- elle méconnaît pour les mêmes raisons les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle présente un caractère discriminatoire au regard des dispositions de l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur de fait en ce qu'il est arrivé en France en 1999, et non en 2012 ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce que le préfet du Val-de-Marne ne lui a pas accordé de délai de départ volontaire ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français est entachée de défaut de motivation et d'examen sérieux de sa situation personnelle en ce qu'elle ne précise pas les motifs la fondant ;

- elle est illégale par voie de conséquence en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît le principe de non bis in idem en ce qu'elle constitue une sanction supplémentaire par rapport à la peine d'emprisonnement dont il a fait l'objet.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me C..., avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant suédois né le 23 septembre 1995, était détenu au centre pénitentiaire de Fresnes en exécution d'une condamnation pénale prononcée en 2016 lorsque le préfet du Val-de-Marne, par un arrêté du 10 janvier 2020, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. B... fait appel du jugement du 21 janvier 2020 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. M. B..., né le 23 septembre 1995, justifie par les pièces qu'il produit être arrivé en France depuis le début de l'année 1999 au moins, notamment par la production de son carnet de santé et les dates y figurant. Il justifie en outre par la production de bulletins scolaires et de certificats de scolarité avoir été scolarisé sans discontinuer en France jusqu'en 2012. Le requérant a par la suite suivi une formation en cuisine entre 2011 et 2012, et bénéficié d'un contrat à durée déterminée d'insertion en 2015 et 2016. Enfin M. B... produit des attestations non contestées par le préfet qui établissent que ses parents, également de nationalité suédoise, et ses deux soeurs résident également en France, en région parisienne, et indique n'avoir pas de famille proche en Suède où il n'a jamais vécu. Dès lors, M. B..., compte tenu en particulier de la durée de sa résidence régulière en France avec ses parents, est fondé à soutenir, en dépit des condamnations pénales dont il a fait l'objet, que l'arrêté du préfet du 10 janvier 2020, en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français, porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, contraire aux stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'illégalité de cette décision entraîne par voie de conséquence, celle de la décision fixant le pays de destination ainsi que de la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans, qui en procèdent.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2020 du préfet du Val-de-Marne et à demander à la Cour d'annuler cet acte.

Sur les frais liés à l'instance :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er: Le jugement n° 2000384 du 21 janvier 2020 du Tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 10 janvier 2020 du préfet du Val-de-Marne sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 13 avril 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme A..., président assesseur,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mai 2021.

Le rapporteur,

P. A...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA00691 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA00691
Date de la décision : 17/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-01-02 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Légalité externe. Motivation.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : ALAGAPIN-GRAILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-17;20pa00691 ?
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