Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 août 2020 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jour et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2014796/3 du 9 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête n° 20PA03857, enregistrée le 9 décembre 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est fondé à se prévaloir de ces dispositions ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît les stipulations de l'articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Par une ordonnance en date du 15 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 avril 2021 à 12 heures.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 28 avril 2021, l'instruction a été rouverte.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B..., présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant congolais de République du Congo, né 10 avril 1967, est entré en France le 15 avril 2018 selon ses déclarations. Il a présenté une demande d'asile, rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 19 janvier 2019 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 15 mars 2019. Sa demande de réexamen de sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA comme irrecevable le 20 juin 2020. Par un arrêté du 20 août 2020, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 9 novembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; ".
3. Ces dispositions, qui prescrivent que le ressortissant étranger remplissant les conditions prévues doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, font obstacle à ce que l'intéressé puisse légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement, alors même qu'il n'aurait pas sollicité la délivrance d'un tel titre.
4. M. A... est père d'un enfant né le 24 mai 2020 à Villeneuve-Saint-Georges et de nationalité française, qu'il a reconnu par anticipation le 10 février 2020. S'il est constant que l'intéressé ne vit pas avec son enfant, il produit toutefois, antérieurement à la décision en litige, deux factures d'achats de produits pour enfant en bas âge en date du 12 juin 2020, et deux autres factures en date du 26 juin 2020, délivrées par des pharmacies situées à proximité du domicile de la mère de l'enfant. Par ailleurs, il verse également aux débats la copie de cinq transferts d'argent au bénéfice de la mère de l'enfant, en date du 12 juin 2020 pour un montant de 150 euros, et en date des 16 juillet, 17 juillet, 11 août et 13 août 2020 pour un montant de 50 euros chacun. Si les documents antérieurs la décision attaquée sont en faible nombre, c'est en raison du très jeune âge de l'enfant à la date d'édiction dudit arrêté. Il ressort d'ailleurs également des pièces du dossier que les versements à la mère de l'enfant et les achats au bénéfice de celui-ci ont perduré de manière régulière postérieurement à l'arrêté en litige. Ainsi, l'intéressé doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme établissant la réalité et la régularité de sa contribution à l'éducation et à l'entretien de son enfant de nationalité française, à hauteur de ses moyens, au sens des dispositions de l'article 371-2 du code civil, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'il ait déclaré avoir également des enfants dans son pays d'origine. Dès lors, en obligeant M. A... à quitter le territoire français, le préfet de police a méconnu les dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, il y a lieu d'annuler la décision obligeant M. A... à quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ainsi que sur la régularité du jugement, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2020 du préfet de police.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
7. Le présent arrêt implique seulement que le préfet de police procède au réexamen de la situation administrative de M. A..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2014796/3 du 9 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police en date du 20 août 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme B..., président de chambre,
- Mme Portes, premier conseiller,
- Mme Mach, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mai 2021.
Le président-rapporteur,
M. B...L'assesseur le plus ancien,
C. PORTES
Le greffier,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 20PA03857 2