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25/05/2021 | FRANCE | N°21PA01237,21PA01238

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 25 mai 2021, 21PA01237,21PA01238


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a désigné le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, d'enjoindre à cett

e même autorité de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a désigné le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, d'enjoindre à cette même autorité de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 500 euros, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2012057 du 9 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a admis M. B..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a annulé l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 3 novembre 2020, a enjoint au préfet de délivrer à M. B... un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, dans ce délai, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 10 mars 2021 sous le n° 21PA01237, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2012057 du 9 février 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a considéré qu'en obligeant M. B... à quitter le territoire français, il avait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les autres moyens soulevés par M. B... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2021 et un mémoire enregistré le

11 mai 2021 non communiqué, M. B..., représenté par Me C..., sollicite le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, conclut à titre principal au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté du 3 novembre 2020 et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de 15 jours sous astreinte de

50 euros par jour de retard, à ce qu'il soit mis à la charge du préfet de la Seine-Saint-Denis la somme de 1 500 euros à verser à Me C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 10 mars 2021 sous le n° 20PA01238, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour, sur le fondement des dispositions de l'article

R. 811-15 du code de justice administrative, de surseoir à l'exécution du jugement n° 2012057 du 9 février 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil.

Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies.

La requête a été communiquée M. B... qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 18 mai 2021 :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me C..., avocat de M. B..., et celles de M. E... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant russe d'origine tchétchène né le 17 octobre 1997, a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à l'annulation des décisions contenues dans l'arrêté du 3 novembre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français pendant trois ans. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement du 9 février 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé, à la demande de M. B..., l'arrêté du 3 novembre 2020 et demande, en outre, à la cour, qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes susvisées n° 21PA01237 et n° 21PA01238, présentées par le préfet de la Seine-Saint-Denis tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement du 9 février 2021 et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

3. Aux termes de l'article 8 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : " Toute personne admise à l'aide juridictionnelle en conserve de plein droit le bénéfice pour se défendre en cas d'exercice d'une voie de recours ". Il résulte de ces dispositions que M. B... conserve, de plein droit, le bénéfice de l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle dont il a bénéficié en première instance sur le fondement de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991. Par suite, sa demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle au titre de l'instance introduite par le préfet de la Seine-Saint- Denis devant la cour est sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil :

4. Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

5. Quand bien même l'intéressé aurait-il commis une erreur de date lors de son interpellation, un certificat d'hébergement du Samu social établit que M. B... est entré en France le 22 décembre 2010, âgé de treize ans et deux mois, en compagnie de sa mère désormais titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle, de son frère aîné titulaire d'une carte de réfugié et de son frère cadet, mineur. Depuis lors, il a été scolarisé en France et a obtenu en 2016 le certificat d'aptitude professionnelle de serrurier métallier. Il a par ailleurs obtenu en 2018 le titre de champion d'Ile-de-France en boxe thaï. Sa demande d'asile ayant été successivement rejetée par l'OFPRA le 29 juin 2016 et par la Cour nationale du droit d'asile le 15 mars 2017, il a entrepris des démarches en vue de la régularisation de sa situation administrative, interrompues par la mesure contestée. Présent en France depuis près de dix ans à la date de l'arrêté, ayant vécu sur le territoire national pendant près de la moitié de sa vie avec les membres de sa famille en situation régulière, sans liens avérés dans son pays d'origine, le centre des intérêts personnels et familiaux de M. B... se situe désormais sur le territoire français. Si le préfet oppose pour la première fois en appel que l'intéressé représente une menace pour l'ordre public en se fondant sur des signalements relatifs à un comportement délictueux, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que les signalements dont s'agit, mentionnés au fichier FAED, auraient fait l'objet de poursuites pénales. C'est dès lors à bon droit que le premier juge a estimé que l'arrêté contesté portait, au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il avait été pris, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 3 novembre 2020. Il y a lieu, par suite, de rejeter sa requête d'appel, enregistrée sous le n° 21PA01237.

7. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil du 9 février 2021, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête

n° 21PA01238 tendant au sursis à exécution de ce jugement.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire de M. B....

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21PA01238.

Article 3 : La requête n° 21PA01237 du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.

Article 4 : L'Etat versera à Me C..., une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. E... B... et à

Me D... C... .

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience publique du 18 mai 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Bernier, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme A..., premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2021.

Le rapporteur,

M-D. A...Le président de la formation de jugement,

Ch. BERNIER

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N° 08PA04258

2

N° 21PA01237, 21PA01238


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01237,21PA01238
Date de la décision : 25/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : FERHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 29/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-05-25;21pa01237.21pa01238 ?
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