Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la restitution des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine qu'il a acquittés au titre des années 2012, 2013 et 2014, à concurrence de 740 494 euros.
Par un jugement n° 1621334 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 10 septembre 2019, le 2 novembre 2020 et le 1er mars 2021, M. C..., représenté par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1621334 du 9 juillet 2019 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la restitution demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C... soutient que :
- ayant exercé l'option pour la souscription d'une assurance privée, il entre dans le champ de la jurisprudence de Ruyter et répond aux conditions énoncées dans la notice relative aux modalités de demande de restitution des prélèvements sociaux acquittés sur les revenus du capital par les personnes entrant dans le champ de cette jurisprudence ;
- le contribution sociale généralisée et la contribution au remboursement de la dette sociale ne sont pas affectées au financement de l'assurance maladie, ce que confirment un communiqué de presse du groupement transfrontalier européen et une réponse de la direction départementale des finances publiques de Haute-Savoie, sans qu'il ait lieu de distinguer selon que les contribuables ont opté ou non pour la dispense d'affiliation en Suisse ;
- dès lors qu'un résident français qui exerce une activité salariée en Suisse est obligatoirement soumis à la législation sociale de ce pays, il aurait pu bénéficier de l'exemption relative à l'assurance maladie ; en l'absence de demande d'exemption, il était obligatoirement soumis au régime de la sécurité sociale suisse, sans qu'il ait à établir avoir cotisé, en vertu de l'article 11 du règlement n° 883/2004 ;
- il subit une discrimination suivant le procédure d'exemption au régime d'assurance maladie en Suisse prévue par les différents cantons suisses, contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné à l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;
- le b) du 3° de l'annexe XI au règlement instaure deux conditions à l'exemption, parmi lesquelles ne figure pas la domiciliation de l'organisme privé d'assurance ;
- il est fondé à se prévaloir du BOI-IR-BASE-20-60-10 n° 210 en vigueur jusqu'au 7 septembre 2016.
Par des mémoires en défense enregistrés le 13 février 2020 et le 9 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que :
- M. C... est irrecevable à demander une décharge supérieure à celle présentée dans la réclamation préalable et en première instance ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, fait à Luxembourg le 21 juin 1999, son annexe II, ensemble les décisions n° 2/2003 du 15 juillet 2003 et n° 1/2012 du 31 mars 2012 du comité mixte ;
- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... ;
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ;
- et les observations de Me E..., pour M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., résident fiscal français et qui exerçait une activité salariée en Suisse, a souscrit des déclarations de revenus sur lesquelles figuraient des revenus de capitaux mobiliers et des plus-values de cessions de valeurs mobilières, à raison desquels il a été assujetti à la contribution sociale généralisée, à la contribution au remboursement de la dette sociale, au prélèvement social, à la contribution additionnelle au prélèvement social et au prélèvement de solidarité, à concurrence de 41 732 euros au titre de l'année 2012, de 6 880 euros au titre de l'année 2013 et de 714 665 euros au titre de l'année 2014. M. C... fait appel du jugement du 9 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution de ces prélèvements sociaux.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :
2. Aux termes de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales : " (...) Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que dans sa réclamation du 18 décembre 2015, M. C... a expressément limité sa demande de restitution aux sommes de 7 382 euros au titre de l'année 2012, 11 947 euros au titre de l'année 2013 et 721 165 euros au titre de l'année 2014. Le ministre est dès lors fondé à soutenir que M. C... n'est pas recevable à demander des restitutions qui excèdent ces montants, en application des dispositions de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé des impositions :
4. En vertu de l'article 11 du règlement n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, les personnes auxquelles ce règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation sociale d'un seul État membre. Conformément à ce principe d'unicité de législation, ce règlement prévoit que l'exercice d'une activité salariée ou non salariée dans un État membre implique normalement l'application de la législation sociale de cet État.
5. Depuis le 1er avril 2012, en vertu de la décision n° 1/2012 du 31 mars 2012 du comité mixte qui a modifié l'annexe II de l'accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999, l'annexe XI du règlement n° 883/2004 a été complétée par des dispositions prévoyant que les personnes exerçant une activité en Suisse sont soumises à la législation de cet État en matière d'assurance maladie alors même qu'elles n'y résideraient pas, mais que les résidents de certains États, dont la France depuis la décision n° 2/2003 du 15 juillet 2003 du comité mixte, peuvent demander à être exemptées de cette affiliation obligatoire sous réserve de prouver qu'elles bénéficient dans l'État de résidence d'une couverture en cas de maladie.
6. Aux termes de l'article L. 380-3-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, qui définit en droit interne les conditions de l'exemption présentée au point 5 ci-dessus : " I. Les travailleurs frontaliers résidant en France et soumis obligatoirement à la législation suisse de sécurité sociale au titre des dispositions de l'accord du 21 juin 1999 entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes, mais qui, sur leur demande, sont exemptés d'affiliation obligatoire au régime suisse d'assurance maladie en application des dispositions dérogatoires de cet accord, sont affiliés obligatoirement au régime général dans les conditions fixées par l'article L. 380-1. / II. Toutefois, les travailleurs frontaliers occupés en Suisse et exemptés d'affiliation obligatoire au régime suisse d'assurance maladie peuvent demander à ce que les dispositions du I ne leur soient pas appliquées, ainsi qu'à leurs ayants droit, jusqu'à la fin des dispositions transitoires relatives à la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union européenne, soit douze ans à partir de l'entrée en vigueur de l'accord du 21 juin 1999 précité, à condition d'être en mesure de produire un contrat d'assurance maladie les couvrant, ainsi que leurs ayants droit, pour l'ensemble des soins reçus sur le territoire français (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions que, par dérogation à la règle de rattachement définie par le règlement n° 883/2004 et rappelée au point 4 ci-dessus, les personnes résidant en France et exerçant une activité en Suisse, qui ont demandé à bénéficier de la clause d'exemption ouverte par l'annexe II de l'accord du 21 juin 1999, relèvent, pour la couverture maladie, de la seule législation française, qui prescrit leur affiliation au régime général et, pendant une période transitoire s'achevant le 31 mai 2014, les autorisait, sur demande, à souscrire un contrat d'assurance auprès d'un opérateur privé en lieu et place de leur affiliation au régime général.
8. Il résulte de l'instruction que M. C..., qui a été salarié de la société Mercuria Energy Trading située en Suisse dans le cadre d'un emploi à plein temps à durée indéterminée du 15 juin 2011 au 31 décembre 2014, a produit une attestation de la caisse interprofessionnelle AVS, correspondant à l'assurance vieillesse et survivants en Suisse, de la fédération des entreprises romandes du 12 novembre 2015, qui fait état du versement de cotisations au titre des années 2012 à 2014, ce que confirme une attestation d'employeur international du 20 février 2015. Il a également produit un certificat de salaire qui mentionne des cotisations AVS au titre des premier et deuxième piliers et des cotisations portant, outre sur la retraite, notamment sur l'invalidité, le chômage et les accidents non professionnels. Si ce certificat ne porte que sur l'année 2014, dès lors que le ministre ne fait état d'aucune affiliation à une quelconque branche de la sécurité sociale française en 2012 et 2013, le seul élément étant une attestation de la caisse primaire d'assurance maladie faisant état d'une affiliation de M. C... à la législation française de sécurité sociale du 1er juillet au 31 décembre 2014, qui ne concerne que la maladie, l'affiliation aux régimes de sécurité sociale suisse pour toutes les années en litige du fait de l'exercice de l'activité salarié en Suisse, hors maladie, est suffisamment établie par les pièces du dossier. En revanche, M. C... n'a produit aucun élément relatif à une affiliation obligatoire à l'assurance maladie en Suisse ni même qui ferait état de cotisations versées à ce titre. S'il n'a pas produit de document formel d'exemption, il a produit, ainsi que l'autorisait l'article L. 380-3-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige, un contrat d'assurance maladie le couvrant, ainsi que ses ayants droit, souscrit auprès de la société Allianz le 7 juillet 2011 et résilié à la date du 31 décembre 2014. Dans ces conditions, compte tenu des éléments produits, il résulte de l'instruction que M. C..., quand bien même il n'a pas produit de document d'exemption de l'assurance maladie suisse, a été exempté de l'affiliation obligatoire en matière d'assurance maladie en Suisse et a bénéficié en France d'une couverture en cas de maladie. Sa situation doit dès lors être appréciée dans le cadre des principes rappelés aux points 4 à 7. A cet égard, compte tenu de sa situation effective au regard du risque maladie telle qu'elle a été précédemment décrite, M. C... n'est pas fondé à se prévaloir d'une discrimination suivant la procédure d'exemption au régime d'assurance maladie en Suisse prévue par les différents cantons suisses, contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné à l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention.
9. Il résulte des avis d'imposition que M. C... a été assujetti au titre de chacune des années en litige à la contribution sociale généralisée au taux de 8,2 %, à la contribution au remboursement de la dette sociale au taux de 0,5 % et au prélèvement social, à la contribution additionnelle au prélèvement social et au prélèvement de solidarité de 2 %, pour un taux global de 6,8 %. Compte tenu de ce qui précède, doivent être maintenues à la charge du requérant la part de ces prélèvements sociaux affectés à la couverture du risque maladie. Il résulte ainsi de l'instruction que doivent ainsi être maintenues à sa charge une fraction de la contribution sociale généralisée, soit 6,014 % en 2012, 5,958 % en 2013 et 6 % en 2014, une fraction du prélèvement social, soit 2,05 % en 2013 et 2014, la totalité de la contribution additionnelle au prélèvement social aux taux de 0,3 % au titre des années 2012 à 2014 et la totalité du prélèvement de solidarité de 2 % au titre des mêmes années, ces prélèvements étant affectés au financement de la couverture du risque maladie, ce que ne conteste d'ailleurs pas M. C....
10. En revanche, sont susceptibles de faire l'objet d'un dégrèvement une fraction de la contribution sociale généralisée, soit 2,182 % en 2012, 2,242 % en 2013 et 2,2 % en 2014, la contribution au remboursement de la dette sociale au taux de 0,5 % et le prélèvement social, en totalité pour l'année 2012 soit 4,5 % et une fraction de 2,45 % sur 4,5 % au titre des années 2013 et 2014, ces prélèvements n'étant pas affectés au financement de la couverture du risque maladie, pour un montant total de 19 348 euros au titre de l'année 2012, de 2 304 euros au titre de l'année 2013 et de 237 453 euros au titre de l'année 2014. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, le dégrèvement qui peut être prononcé au titre de l'année 2012 doit être limité à la somme de 7 382 euros.
11. Par ailleurs, à supposer que M. C... ait entendu se prévaloir de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la notice relative aux modalités de la demande de restitution des prélèvements sociaux acquittés sur les revenus du capital par les personnes entrant dans le champ des arrêts de Ruyter et la doctrine référencée BOI-IR-BASE-20-60-10 n° 210 en vigueur jusqu'au 7 septembre 2016 ne contiennent en tout état de cause pas d'interprétation différente de la loi fiscale quant à l'assujettissement des gains en litige aux prélèvements sociaux en France au titre de la couverture du risque maladie. En tout état de cause, il n'est pas plus fondé à se prévaloir du courriel de la direction départementale des finances publiques de la Haute-Savoie invoqué et du communiqué de presse du 3 avril 2019 de l'association des transfrontaliers franco-suisses, dès lors que ces documents font suite à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 par laquelle la France a renoncé à l'imposition aux prélèvements sociaux des revenus de capitaux des frontaliers.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande, en tant qu'elle porte sur les sommes mentionnées au point 10. Ce jugement doit dès lors être réformé dans cette mesure et la décharge de ces seules sommes doit être prononcée. Par suite, le surplus des conclusions de M. C... doit être rejeté.
Sur les frais liés au litige :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme que M. C... demande au titre des frais qu'il a exposés, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : M. C... est déchargé des prélèvements sociaux mis à sa charge au titre des années 2012, 2013 et 2014, à concurrence de montants respectifs de 7 382 euros, de 2 304 euros et de 237 453 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1621334 du 9 juillet 2019 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée du directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (Service du contentieux d'appel déconcentré).
Délibéré après l'audience du 12 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- M. D..., président assesseur,
- Mme A..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2021.
Le rapporteur,
F. D...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
F. DUBUY-THIAM
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA02941