La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2021 | FRANCE | N°20PA03735

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 25 juin 2021, 20PA03735


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2019 par lequel le préfet de police a décidé son expulsion du territoire français.

Par un jugement n° 2006031/4-1 du 17 septembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2020, Mme F... A... épouse E..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2006031/4-1

du 17 septembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2019 par lequel le préfet de police a décidé son expulsion du territoire français.

Par un jugement n° 2006031/4-1 du 17 septembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2020, Mme F... A... épouse E..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2006031/4-1 du 17 septembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 décembre 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de condamner l'Etat à verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation ;

- il méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 3° de l'article L. 521-3 du même code ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 313-14 du même code.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., épouse E..., est une ressortissante chinoise née le 13 avril 1965. Par un arrêté du 27 décembre 2019, le préfet de police a décidé son expulsion du territoire français. L'intéressée relève appel du jugement du 17 septembre 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 décembre 2019.

2. En premier lieu, l'arrêté préfectoral du 27 décembre 2019 mentionne les textes applicables, notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables et vise l'avis de la commission d'expulsion. Il indique également la nature de l'infraction commise par Mme A..., la peine à laquelle elle a été condamnée ainsi que la date du jugement et le tribunal correctionnel ayant statué. Il indique enfin l'absence d'atteinte manifestement disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Contrairement à ce que soutient la requérante, le rappel des faits incriminés, de la nature de la sanction pénale qui lui a été infligée et de la date de la condamnation est de nature à la mettre à même de connaître les critères sur lesquels le préfet de police s'est fondé pour déterminer l'existence d'une menace grave pour l'ordre public. Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au présent litige : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : / (...) / 2° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; (...) ". Aux termes de l'article L. 521-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : / (...) / 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, est marié depuis au moins quatre ans soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, soit avec un ressortissant étranger relevant du 1°, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage ;/ (...) / Les dispositions du présent article ne sont toutefois pas applicables à l'étranger mentionné au 3° ou au 4° ci-dessus lorsque les faits à l'origine de la mesure d'expulsion ont été commis à l'encontre de son conjoint ou de ses enfants ou de tout enfant sur lequel il exerce l'autorité parentale. / Les étrangers mentionnés au présent article bénéficient de ses dispositions même s'ils se trouvent dans la situation prévue au dernier alinéa de l'article L. 521-2. " L'article R. 522-2 de ce code prévoit : " L'autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion d'un étranger en application des articles L. 521-2 ou L. 521-3 ainsi qu'en cas d'urgence absolue est le ministre de l'intérieur ".

4. Les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est mariée à un ressortissant français en 2013, M. E.... Cependant, il ressort des pièces du dossier que son conjoint réside à Lille alors qu'elle est hébergée par un tiers à Paris et, en se bornant à produire la carte d'identité nationale de son époux, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir que, malgré ces circonstances, la communauté de vie avec ce dernier serait maintenue. Par suite, elle n'établit pas entrer dans le champ d'application des dispositions précitées du 2° de l'article

L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. D'autre part, Mme A... ne justifie pas d'une présence de plus de dix ans sur le territoire français dès lors qu'elle indique dans ses écritures qu'elle est entrée en France en

2013 en qualité de conjoint d'un ressortissant français et qu'elle se borne à produire un visa d'entrée en France, délivré à Pékin le 9 octobre 2013, ainsi que divers documents datés de 2013, 2014 et 2019. Par suite, elle n'établit pas davantage entrer dans le champ d'application des dispositions du 3° de l'article L. 521-3 du même code.

7. Enfin, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été condamnée par le tribunal correctionnel de Paris le 26 janvier 2018 pour avoir commis, du 2 mai 2016 au 25 juillet 2016, des faits de proxénétisme aggravé en raison de la pluralité de victimes et d'auteurs ou de complices, de mise de local privé à la disposition d'une personne s'y livrant à la prostitution et de l'exécution d'un travail dissimulé. Le tribunal correctionnel a prononcé une peine d'un an d'emprisonnement dont six mois avec sursis, assortie d'une mise à l'épreuve pendant deux ans, à 20 000 euros d'amende et à une interdiction définitive d'exercer une profession commerciale ou industrielle, diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société. Contrairement à ce que soutient la requérante, les faits qui lui sont reprochés ainsi que la condamnation pénale sont récents au regard de la date de l'arrêté préfectoral prononçant son expulsion. Ils revêtent un caractère de gravité justifiant la mesure prise à l'encontre de Mme A... alors même qu'elle ne les aurait pas réitérés. Cette gravité a été reconnue tant par le tribunal correctionnel que par le juge de l'application des peines qui a placé l'intéressée sous surveillance électronique et a rejeté la demande de cette dernière de conversion de sa peine en jours-amende ou en sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 521-1, L. 521-2 et L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. La mesure d'éloignement litigieuse constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sûreté publique, à la défense de l'ordre, à la prévention des infractions pénales et à la protection des droits et libertés d'autrui. Il n'est pas contesté que Mme A... s'est mariée à un ressortissant français le 10 juillet 2013. Toutefois, Mme A... n'établit pas le maintien de la communauté de vie avec son mari ainsi qu'il a été dit au point 5. Si son fils, âgé de 34 ans, bénéficie d'une carte de séjour en qualité d'étudiant, valable du 19 avril 2019 au 1er mai 2020, il n'a pas vocation, à ce titre, à résider de façon pérenne sur le territoire français. Enfin, Mme A... n'établit pas la réalité de son activité professionnelle en tant que salariée dans un salon de beauté. Eu égard à l'ensemble de ces circonstances et à la gravité des faits reprochés à l'intéressée, le préfet de police n'a pas, en décidant son expulsion, porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise.

10. En quatrième lieu, la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions alors applicables du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles de l'article L. 313-14 du même code à l'encontre d'une mesure d'expulsion du territoire français.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A..., épouse E..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2021.

La rapporteure,

C. B...La présidente,

M. D...

La greffière,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20PA03735 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03735
Date de la décision : 25/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02 Étrangers. Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Celine PORTES
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : ALMEIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-25;20pa03735 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award