Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 avril 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une période de deux ans.
Par un jugement n° 2003068 du 4 juin 2020, le Tribunal administratif de Melun a annulé les décisions contestées, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, d'une part, de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. C... dans le système d'information Schengen procédant de l'interdiction de retour du 12 avril 2020, d'autre part, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement à M. C... d'une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 juillet 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2003068 du 4 juin 2020 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le Tribunal administratif de Melun.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise après un examen suffisamment sérieux et particulier de la situation de M. C... ;
- les autres moyens soulevés en première instance par M. C... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2020, M. C..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les observations de Me B..., avocat de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 12 avril 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. C..., ressortissant algérien né le 8 avril 1982, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. Par un jugement du 4 juin 2020, le Tribunal administratif de Melun a annulé ces décisions, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, d'une part, de prendre toute mesure propre à mettre fin au signalement de M. C... dans le système d'informations Schengen procédant de l'interdiction de retour du 12 avril 2020, d'autre part, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, enfin de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre des frais liés à l'instance. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif de Melun :
2. Pour annuler l'arrêté en litige, le Tribunal administratif de Melun a retenu que la décision portant obligation de quitter le territoire français avait été prise sans avoir fait l'objet d'un examen sérieux et particulier. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de l'intéressé n'aurait pas fait l'objet d'un examen sérieux et particulier par le préfet de la Seine-Saint-Denis, lequel a mentionné dans la motivation de ses décisions les éléments de la situation personnelle de M. C..., sans se croire en situation de compétence liée pour procéder à l'éloignement de cet étranger en situation irrégulière. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est donc à tort que le Tribunal administratif de Melun a jugé que l'arrêté du 12 avril 2020 était entaché d'un défaut d'examen sérieux et particulier de la situation de M. C....
3. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... en première instance et en appel.
Sur les autres moyens soulevés en première instance par M. C... :
4. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est père de deux enfants nés en France en 2011 et en 2013. Aux termes d'un jugement du Tribunal de grande instance de Versailles du 17 mars 2017, leur résidence habituelle a été fixée au domicile de leur mère, ex-épouse de M. C..., les parents s'accordant par ailleurs pour que M. C... exerce son droit de visite et d'hébergement de manière libre, et, à défaut d'accord, une fin de semaine sur deux et la moitié des vacances scolaires. La mère de ces enfants indique dans une attestation datée du 18 mai 2020 que M. C... les prend en charge et participe à leur entretien et à leur éducation. Ces éléments sont corroborés par une attestation émanant de la directrice de l'école maternelle dans laquelle ont été scolarisés ces enfants. Compte tenu de la séparation entre M. C... et la mère de ses deux enfants, et de la circonstance que leur résidence habituelle est fixée au domicile de leur mère, l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français opposée à M. C... aurait pour effet de priver les enfants de leur père. Dès lors, l'obligation de quitter le territoire français doit, dans les circonstances particulières de l'espèce, être regardée comme ayant été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 12 avril 2020.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- M. Segretain, premier conseiller,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juillet 2021.
Le rapporteur,
K. D...Le président,
C. JARDIN
La greffière,
C. BUOTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA01936 4