Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Forum Réfugiés-Cosi a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a fixé à 17 158,93 euros le solde de la subvention accordée par convention conclue le 12 octobre 2015 et portant sur le projet intitulé " Plate-forme partenariale d'accueil des demandeurs d'asile du département du Rhône et de l'Ardèche "
Par un jugement n° 1910517 du 13 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 septembre 2020 et le 8 février 2021, l'association Forum Réfugiés-Cosi, représentée par la Selarl Allard Nekaa et associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2020 ;
2°) d'annuler la décision de retrait de subvention en date du 27 décembre 2018 ainsi que la décision du 18 mars 2019 portant rejet des recours administratifs formés le 18 janvier 2019 et le 26 février 2019 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réintégrer dans son calcul les dépenses éligibles illégalement écartées et de lui verser le reliquat du solde de la subvention d'un montant de 19 623,66 euros, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'auteur de la décision notifiée le 27 décembre 2018 était incompétent ; cette décision constitue une décision administrative écrite et formalisée ;
- la décision notifiée le 27 décembre 2018 est insuffisamment motivée ;
- le ministre de l'intérieur a méconnu le principe du contradictoire en violation des dispositions de l'article 135 du règlement UE n°966/2012 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 qui est applicable à toutes les subventions européennes, de l'article 24 du règlement UE n°514/2014 du 16 avril 2014 et du décret n°2015-44 du 21 janvier 2015 ainsi que de l'article 41 de de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la décision notifiée le 27 décembre 2018 est entachée d'une erreur matérielle quant au montant des dépenses écartées ;
- la décision notifiée le 27 décembre 2018 est entachée d'une erreur d'appréciation sur l'inéligibilité de certaines dépenses.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n°514/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n°2015-44 du 21 janvier 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Heers,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- et les observations de Me Bouvier, représentant l'association Forum Réfugiés-Cosi.
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l'intérieur a conclu, le 12 octobre 2015, avec l'association Forum Réfugiés-Cosi, une convention lui attribuant une subvention au titre du Fonds " Asile, migration et intégration " (FAMI) pour la réalisation de son projet intitulé " Accueil, Intégration, Réinstallation-Projet Air ". Cette convention a pris effet au 1er janvier 2015. A la suite du rapport de contrôle de service fait, établi le 6 décembre 2018 et notifié à l'association le
27 décembre 2018, le ministre de l'intérieur a estimé le montant total de la subvention à 50 711,73 euros alors que le montant maximum prévisionnel avait été fixé à la somme de 83 882 euros. Le 28 février 2019, l'association a adressé à l'administration un recours gracieux qui a été rejeté par décision du 18 mars 2019. Par un jugement du 13 juillet 2020, dont l'association Forum Réfugiés-Cosi relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision notifiée le 27 décembre 2018 ainsi que de la décision du
18 mars 2019.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du 5° de l'article 135 du règlement n°°966/2012 du parlement européen et du conseil du 25 octobre 2012 relatif aux règles applicables au budget général de l'Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) n°1605/2002 du Conseil : " Si des contrôles ou audits révèlent l'existence d'erreurs, d'irrégularités, de fraudes ou de violations des obligations systémiques ou récurrentes imputables au bénéficiaire et ayant une incidence matérielle sur plusieurs subventions qui ont été octroyées audit bénéficiaire dans des conditions similaires, l'ordonnateur compétent peut suspendre la mise en œuvre de toutes les subventions concernées ou, le cas échéant, résilier les conventions ou décisions de subvention concernées passées avec ce bénéficiaire, en proportion de la gravité des erreurs, des irrégularités, des fraudes ou des violations des obligations, à condition que le bénéficiaire ait eu la possibilité de présenter des observations./ L'ordonnateur compétent peut, en outre, à l'issue d'une procédure contradictoire, réduire la subvention ou recouvrer les montants indûment versés au titre de toutes les subventions affectées par les erreurs, irrégularités, fraudes ou violations des obligations visées au premier alinéa susceptibles de faire l'objet d'un audit en vertu des conventions ou décisions de subvention. ". Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. "
3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que des contrôles ou audits auraient révélé l'existence d'erreurs, d'irrégularités, de fraudes ou de violations des obligations systémiques ou récurrentes imputables à l'association Forum Réfugiés-Cosi et ayant une incidence matérielle sur plusieurs subventions qui lui ont été octroyées dans des conditions similaires. Par suite, la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 135 du règlement n°°966/2012 du parlement européen et du conseil du 25 octobre 2012. En revanche, elle peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration précitées dès lors que les décisions attaquées doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du même code.
4. Il ressort des pièces du dossier que pendant la période allant de mai à décembre 2018, l'association Forum Réfugiés a été invitée à présenter les justificatifs des dépenses afin de déterminer leur éligibilité. Si elle a pu, à cette occasion et ainsi qu'il ressort de l'échange de courriels dont elle produit une copie, présenter ses observations et tout document qu'elle jugerait utile sur l'ensemble des postes de dépense, la question de la " proratisation des dépenses de biens immobiliers et de groupes cibles " n'a pas été abordée pendant cette phase contradictoire et le rapport de contrôle, sur lequel, notamment, se fondent les décisions attaquées, ne visait qu'une " proratisation des factures en fonction de la durée du projet ". Dans ces conditions, l'association requérante est fondée à soutenir que ces décisions sont intervenues en méconnaissance du principe du contradictoire et que, pour ce motif, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'exécution de la présente décision implique seulement, compte tenu de ses motifs, qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen, dans le respect du contradictoire, de la situation de l'association Forum Réfugiés-Cosi dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement, à l'association Forum Réfugiés-Cosi, d'une somme de 1500 euros au titre des dispositions susvisées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1910517 du 13 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris, ainsi que les décisions du ministre de l'intérieur en date du 27 décembre 2018 et du 18 mars 2019 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de la situation de l'association Forum Réfugiés-Cosi dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1500 euros à l'association Forum Réfugiés-Cosi au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Forum Réfugiés-Cosi et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Briançon, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 septembre 2021.
La présidente-rapporteure,
M. HEERS
La présidente-assesseure,
C. BRIANCON
La greffière,
S. GASPAR
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02667