Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société La Cigogne a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la contrainte délivrée le 27 mai 2019 en vue du remboursement à la caisse d'allocations familiales (CAF) de Paris de la somme de 45 000 euros, d'autre part, de la décharger de l'obligation de payer cette somme.
Par un jugement n° 1912595/6-2 du 6 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 décembre 2020 et 13 avril 2021, la société La Cigogne, représentée par Me Dugourd, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 6 octobre 2020 ;
2°) d'annuler la contrainte délivrée le 27 mai 2019 en vue du remboursement à la CAF de Paris de la somme de 45 000 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme ;
3°) de mettre à la charge de la CAF de Paris la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le sens des conclusions du rapporteur public qui lui a été communiqué avant l'audience ne lui a pas permis de comprendre le raisonnement proposé et donc de préparer ses observations orales, en méconnaissance de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;
- le jugement est encore irrégulier en ce qu'il vise un texte inapplicable et méconnaît donc l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- la contrainte qui lui a été délivrée est dépourvue de base légale, dès lors qu'elle tendait au remboursement d'une subvention, alors que les dispositions de l'article L. 161-1-5 du code de la sécurité sociale ne vise que des prestations ;
- la circulaire CNAF n° 2016-006 relative au plan pluriannuel d'investissement pour la création de crèches (PPICC) ne peut fonder la demande de remboursement litigieuse, dès lors que ce texte prévoit une application à compter du 1er janvier 2016 alors que la subvention lui a été accordée par une convention signée avec la CAF de Paris le 3 février 2015.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 28 janvier 2021 et 28 avril 2021, la CAF de Paris, représentée par Me Lefebvre, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de la société La Cigogne la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était irrecevable en raison de sa tardiveté ;
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction est intervenue le 17 mai 2021.
Vu :
- le code de procédure civile,
- le code de la sécurité sociale,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- les observations de Me Chachereau, représentant la société La Cigogne,
- et les observations de Me Lefebvre, représentant la CAF de Paris.
Considérant ce qui suit :
1. La société La Cigogne a conclu le 1er février 2014 un bail commercial en vue de l'exploitation d'une micro-crèche au 43 rue Belliard, à Paris. Un agrément à cette fin lui a été délivré par les services de la Protection maternelle et infantile le 18 juin 2014 puis, le 3 février 2015, elle a signé avec la CAF de Paris une convention d'objectifs et de financement, prévoyant le versement d'une subvention de 90 000 euros sous réserve notamment du respect de certaines conditions de tarification. Elle a ensuite perçu une avance de 45 000 euros sur cette subvention. Constatant le non-respect des engagements prévus par la convention, la CAF de Paris a demandé à la société La Cigogne, par courriers des 30 octobre 2015 et 19 janvier 2016, de rembourser cette avance. Par courrier du 18 janvier 2017, la CAF de Paris a de nouveau demandé le remboursement de la somme de 45 000 euros. Malgré la mise en place d'un échéancier, la société requérante n'a jamais procédé au remboursement demandé. Par acte d'huissier du 27 mai 2019, la CAF de Paris a fait signifier à la société La Cigogne une contrainte réclamant la somme de 45 000 euros. La requérante demande à la cour d'annuler le jugement du 6 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette contrainte et à la décharge de la somme litigieuse.
2. D'une part, aux termes de l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale : " Si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L. 161-1-5 ou L. 244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles. La contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d'huissier de justice. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine. / L'huissier de justice avise dans les huit jours l'organisme créancier de la date de signification. / Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou pour les débiteurs domiciliés à l'étranger, au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort de l'organisme créancier par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification ou de la signification. L'opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe. Le secrétariat du tribunal informe l'organisme créancier dans les huit jours de la réception de l'opposition. (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 654 du code de procédure civile : " La signification doit être faite à personne. / La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet. ".
4. Il résulte de l'instruction que la contrainte litigieuse a été signifiée par huissier à la société La Cigogne le lundi 27 mai 2019. L'acte d'huissier, dont la copie est produite au dossier, mentionnait la référence de la contrainte ainsi que son montant. Il indiquait en outre le délai de quinze jours dans lequel l'opposition devait être formée, l'adresse exacte du tribunal compétent, le tribunal administratif de Paris, et les formes requises pour sa saisine. Enfin, il résulte de l'instruction que la signification à personne morale a été faite à Mme C... B..., qui a déclaré être habilitée à cette fin. Par suite, et en application des dispositions précitées de l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale, le délai pour former opposition expirait le mardi 11 juin 2019. Or, il est constant que la demande de première instance de la société La Cigogne a été enregistrée le jeudi 13 juin 2019. Elle était donc tardive et dès lors irrecevable.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société La Cigogne n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la CAF de Paris, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la société La Cigogne et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme que demande la CAF de Paris sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société La Cigogne est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la CAF de Paris tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Cigogne et à la caisse d'allocations familiales de Paris.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2021.
La rapporteure,
G. A...Le président,
I. LUBENLe greffier,
É. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03774