Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) New Ichiban Sushi a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013 ainsi que de la taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, de la contribution à l'audiovisuel public, de la taxe d'apprentissage, et de la contribution au développement de l'apprentissage dues au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012.
Par un jugement n° 1709654 du 10 juin 2020, le tribunal administratif de Melun a réduit la base imposable à l'impôt sur les sociétés de la SARL New Ichiban Sushi d'une somme de 23 192 euros au titre de l'exercice clos en 2012, et d'une somme de 22 500 euros au titre de l'exercice clos en 2013, déchargé la société des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de ces réductions en base imposable et des pénalités y afférentes, et rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 6 août 2020, la SARL New Ichiban Sushi, représentée par Me Thierry, avocat, doit être regardée comme demandant à la Cour :
1°) d'annuler l'article 3 du jugement n° 1709654 du 10 juin 2020 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration ne pouvait écarter sa comptabilité comme non probante ;
- la reconstitution de son chiffre d'affaires par la méthode dite " des liquides " est radicalement viciée et excessivement sommaire, dès lors que les boissons représentent une part non significative de son chiffre d'affaires ;
- la reconstitution de son chiffre d'affaires est entachée d'erreurs et incohérences dès lors que le service a omis de tenir compte des stocks de vins au 1er janvier 2012 et d'une facture afférente à l'exercice clos en 2013 et qu'en reprenant tous les calculs effectués par l'administration, il est impossible de parvenir au même résultat.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par la SARL New Ichiban Sushi ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fullana ;
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) New Ichiban Sushi, qui exerce une activité de restauration asiatique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, au cours de laquelle le service, après avoir écarté sa comptabilité comme dépourvue de valeur probante, a reconstitué son chiffre d'affaires des exercices clos en 2012 et 2013. A l'issue de ce contrôle, par une proposition de rectification en date du 30 juillet 2015, la société a été assujettie, selon la procédure de taxation d'office, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de ces deux exercices, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant à ces exercices, ainsi qu'à diverses taxes au titre de l'année 2012 et pénalités. En outre, la société s'est vue infliger deux amendes fiscales pour 2012 et 2013 sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts. Le directeur départemental des finances publiques du Val-de-Marne ayant, par une décision en date du 9 octobre 2017, rejeté sa réclamation, la SARL New Ichiban Sushi a porté sa demande devant le tribunal administratif de Melun qui, par un jugement du 10 juin 2020, a réduit sa base imposable à l'impôt sur les sociétés d'une somme de 23 192 euros, au titre de l'exercice clos en 2012, et d'une somme de 22 500 euros, au titre de l'exercice clos en 2013, et réduit à proportion les impositions litigieuses. La société relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
2. En vertu des dispositions du 2° l'article L. 66 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, et du 3° de cet article, en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée, sont taxés d'office les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration. Et aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Par suite, la preuve du caractère exagéré des impositions litigieuses incombe à la SARL New Ichiban Sushi.
En ce qui concerne la taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue, la contribution à l'audiovisuel public, la taxe d'apprentissage, la contribution au développement de l'apprentissage dues au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012 :
3. La SARL New Ichiban Sushi n'assortit ses conclusions en décharge de ces taxes d'aucun moyen permettant d'en apprécier le bien-fondé. Par suite, et en tout état de cause, elles ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
4. Il résulte de l'instruction que, lors des opérations de vérification de comptabilité de la SARL New Ichiban Sushi, le vérificateur s'est fait remettre, sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, des fichiers contenant les données issues de la caisse enregistreuse du restaurant. De plus, pour justifier de ses recettes, l'entreprise a produit des tickets de caisse indiquant le mode de consommation des clients et la date de la transaction. Le vérificateur a toutefois relevé que ces recettes n'étaient pas suffisamment justifiées par les données informatiques présentées qui ont notamment fait apparaître une numérotation des tickets erratique et non séquentielle, ne permettant pas de s'assurer de l'exhaustivité de leur comptabilisation, y compris, et contrairement à ce qu'allègue la société appelante, pour la numérotation des commandes relevant d'un même mode de consommation des clients. En outre, le vérificateur a constaté des anomalies quant à la part des paiements en espèces et la comptabilité des achats-revendus mettant en évidence des achats et ventes dissimulés. La SARL New Ichiban Sushi, à qui incombe la charge de la preuve ainsi qu'il a été dit au point 2, met en cause la compétence des informaticiens ayant extrait les données de la caisse enregistreuse, l'absence de statistiques fiables produites par l'administration sur l'évolution de la part des paiements en espèces dans la restauration, l'existence d'erreurs dans l'évaluation des stocks et la méthode de reconstitution des recettes. Ce faisant, elle ne réfute pas les constatations matérielles ayant conduit à écarter sa comptabilité comme non probante.
En ce qui concerne la reconstitution de recettes :
5. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de la SARL New Ichiban Sushi au titre des exercices clos en 2012 et 2013, le vérificateur a déterminé le montant du chiffre d'affaires à partir des achats-revendus de boissons. Il a calculé le rapport entre les ventes de boissons et les ventes totales, puis a appliqué ce rapport au chiffre d'affaires reconstitué des ventes de boisson, et obtenu ainsi le montant du chiffre d'affaires de la société. Selon cette méthode, il a inféré que les recettes générées par les ventes de boissons représentaient 4,989 % pour l'exercice clos en 2012 et 4,590 % pour l'exercice clos en 2013 des recettes totales de l'établissement. Il a ensuite procédé au dépouillement, puis à la synthèse des factures d'achats de 55 boissons pouvant être revendues sans transformation, et a déterminé, en tenant compte des inventaires de stocks, les achats-revendus de chaque catégorie de boisson, desquels il a déduit une part de 20 % correspondant aux pertes, aux offerts et à la consommation du personnel.
6. En premier lieu, si la SARL New Ichiban Sushi fait valoir que les boissons représentent une part non significative de son chiffres d'affaires et que la reconstitution opérée par le service à partir de la méthode des liquides conduit à une majoration de son chiffre d'affaires, en ne tenant pas compte en particulier des divers modes de consommation des clients et de la part prépondérante du chiffre d'affaires qu'elle réalise sans vente de boissons associée, il est constant que les ventes avec boissons représentent 49,11 % de son chiffre d'affaires total en 2012 et 43,54 % de celui réalisé en 2013 et que les boissons constituent un pourcentage de recettes stable dans le temps par rapport au chiffre d'affaires total. En outre, la société appelante n'est pas fondée à critiquer l'absence de pondération mise en œuvre dans la reconstitution de son chiffre d'affaires en fonction du mode de consommation des clients dès lors que la part de la vente des boissons dans le chiffre d'affaires total a été établie à partir d'une moyenne intégrant les trois modes de consommation constatés, à savoir la vente sur place, la vente à emporter et la livraison, et qu'une reconstitution par mode de consommation aboutit au même résultat. Enfin, la SARL New Ichiban Sushi n'établit pas que la prise en compte d'un échantillon plus représentatif du chiffre d'affaires aurait conduit à une réduction de ses bases imposables. Dans ces conditions, elle ne démontre pas que la méthode de reconstitution serait, par suite, radicalement viciée ou excessivement sommaire, ni qu'elle ne prendrait pas suffisamment en compte les conditions réelles d'exploitation de son activité.
7. En second lieu, si la SARL New Ichiban Sushi fait valoir que le service a omis de tenir compte, pour la reconstitution de ses recettes, d'une partie de ses stocks initiaux de vin en 2012 et d'une facture d'achats de boissons en 2013, la prise en compte de ces données aurait pour effet d'accroître les achats-revendus de la société et, par conséquent, le chiffre d'affaires reconstitué. Par ailleurs, en se bornant à critiquer les calculs opérés par le service et à indiquer qu'elle parvient à un chiffre d'affaires reconstitué minoré en reprenant les mêmes données corrigées sur les stocks de boissons et après application d'un taux de seulement 10 % aux pertes, aux offerts et à la consommation du personnel sans fournir d'explication plausible sur les différences constatées avec les calculs très détaillés du service, la société appelante ne rapporte pas la preuve d'erreurs ou d'incohérences dont serait entachée la reconstitution de son chiffre d'affaires par l'administration.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL New Ichiban Sushi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ne lui ont pas accordé l'entière décharge des impositions litigieuses, en droits et pénalités. Par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL New Ichiban Sushi est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée New Ichiban Sushi et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (Pôle contrôle fiscal et affaires juridiques - SCAD).
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Soyez, président,
- M. Simon, premier conseiller,
- Mme Fullana, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2021.
La rapporteure,
M. FULLANALe président,
J.-E. SOYEZ
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02120